Twice Upon a Time
Titre original : Twice Upon a Time Production : Lucasfilm Ltd. Date de sortie USA : Le 5 août 1983 Distribution : Warner Bros. Genre : Animation Image par Image / Film "Live" |
Réalisation : John Korty Charles Swenson Musique : Ken Melville Dawn Atkinson Durée : 75 minutes |
Disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
Un être maléfique prend le contrôle d'une "horloge cosmique" dans le cadre d'un vaste plan visant à déclencher une série de bombes cauchemardesques sur le monde. Deux humbles héros improbables tentent alors de récupérer l'horloge et de sauver le monde... |
La critique
Twice Upon a Time est un film d'animation expérimental qui a vu de grands noms se pencher sur son berceau mais qui manque d'un scénario consistant et de personnages attachants. Il reste tout de même un visuel avant-gardiste intéressant bien qu'incapable de rehausser réellement l'intérêt de l'ensemble.
Le film doit beaucoup à son réalisateur John Korty.
Né le 22 juillet 1936 à Lafayette dans l'Indiana, il s'intéresse très jeune au cinéma puis devient animateur dans l'univers de la publicité à la télévision. Il développe ainsi plusieurs techniques dont l'animation image par image. À la fin des années 70, il se réoriente en produisant plusieurs programmes animés pour des émissions enfantines dont 1, Rue Sésame. Pour autant, c'est grâce à ses documentaires qu'il se fait un nom. Son deuxième court-métrage, Breaking the Habit, sorti en 1964, décroche en effet une nomination pour l'Oscar du Meilleur Court-Métrage tandis qu'il remporte un Emmy Award pour The Autobiography of Miss Jane Pittman diffusé à la télévision en 1974 mais aussi l'Oscar du Meilleur Documentaire pour Who Are the DeBolts? And Where Did They Get Nineteen Kids? sorti au cinéma en 1977. Même si l'essentiel de son travail se fait à la télévision, il s'essayera aussi à la fiction au cinéma. Pour cela, il crée un petit studio, Korty Films, qu'il installe dans sa grange située dans la baie de San Francisco. La région choisie inspire d'ailleurs ses amis, George Lucas et Francis Ford Coppola qui feront de même avec leur propre studio de production, respectivement Lucasfilm Ltd. et Zoetrope Studios. Afin d'aider John Korty, le créateur de Star Wars accepte même de produire son film d'animation Twice Upon a Time, une première pour lui. En retour d'ascenseur, John Korty réalisera pour George Lucas, l'année suivante, le téléfilm Star Wars : Les Aventures des Ewoks - La Caravane du Courage.
Mais en dehors de George Lucas, Twice Upon a Time affiche d'autres grands noms à son générique. Les plus attentifs remarqueront au poste d'animateur, Henry Selick, le futur réalisateur des films L'Étrange Noël de Monsieur Jack et James et la Pêche Géante. Le directeur artistique est, quant à lui, Harley Jessup qui travaille actuellement chez Pixar et s'est fait remarquer sur des oeuvres comme Ratatouille ou Coco. Enfin, le plus étonnant, est assurément le poste des effets spéciaux à prises de vues réelles attribué à un petit jeune du nom de David Fincher, futur réalisateur de renom d'Alien 3, de Fight Club ou de Seven.
S'il y a un élément où Twice Upon a Time ne souffre d'aucune critique, c'est bien dans son visuel de toute beauté. Le réalisateur utilise, en effet, une technique d'animation, qu'il a surnommée Lumage et qui consiste à une animation image par image à partir de morceaux de plastique découpés préfabriqués que les animateurs déplacent sur une table lumineuse éclairée par dessous. Le rendu est vraiment magnifique, et l'animation, certes légèrement saccadée, apporte tout son charme à l'ensemble. C'est d'autant plus vrai que cette technique est mélangée avec de l'animation traditionnelle et des prises de vues réelles en noir-et-blanc. Les plus attentifs noteront même des extraits de films ou de séries comme Le Muppet Show, L'Empire Contre-Attaque ou Les Aventuriers de l'Arche Perdue. Les décors sont également superbes, en particulier, la demeure de Synonamess Botch magnifiquement sombre et grandiloquente. Certains plans sont, en outre, tout bonnement splendides grâce à l'angle de caméra choisi. Même si la technique utilisée est déconcertante, il est impossible de ne pas être séduit par le rendu de ses graphismes aussi ambitieux qu'innovants.
Malheureusement, il n'est pas possible d'en dire autant sur le récit qui est au mieux poussif et au pire ennuyeux. Pourtant le pitch est assez simple : un être maléfique essaye de supprimer les rêves de l'humanité afin de les remplacer par des cauchemars de sa création. À partir de ce postulat, le réalisateur fait intervenir un certain nombre de personnages, tous plus ou moins soporifiques, en donnant à l'ensemble un côté décousu, privilégiant toujours l'improvisation dans les dialogues. Le temps est long, bien que le film ne dure qu'une heure et quinze minutes. Le long-métrage est ainsi une succession laborieuse de petites saynètes ; chacune étant plus ou moins intéressante. Le fil rouge est pourtant présent (sauver l'oncle de Flora Fauna, responsable des rêves plaisants sur Terre) mais les chemins de traverse pour y arriver sont tellement alambiqués que le spectateur s'y perd.
Pour autant, certaines idées sont plutôt bien trouvées. Par exemple, l'intérieur de l'horloge cosmique est une véritable allégorie au Temps et ressemble à une imagerie mécanique que Cronos lui-même aurait pu avoir mis en place. De même, la métaphore des cauchemars illustrée par des bombes noires diffusant leurs fumées nauséabondes est aussi efficace que symbolique. Il sera apprécié également le studio de cinéma qui sert à fabriquer des cauchemars ; l'idée étant reprise d'ailleurs dans le film Pixar de 2015, Vice-Versa. Autre point qui sera vu dans un autre long-métrage : le terme de "minions" ! Le méchant désigne ainsi ses volatiles ressemblant à des vautours et qui ont pour but d'aller apporter les bombes de cauchemars sur les humains. La différence par rapport à la saga Moi, Moche et Méchant est donc que les créatures ne sont ni délurées, ni drôles, mais plutôt sombres et inquiétantes.
L'autre problème d'envergure de Twice Upon a Time se retrouve dans ses personnages qui, bien que variés, n'arrivent jamais à se rendre attachants. D'ailleurs, ils sont tellement nombreux que le long-métrage se fait honneur de présenter tout le casting au début du film. Et quelque part, heureusement, car le duo de héros, annoncé tel quel, n'apparaît qu'au bout d'un quart d'heure, soit à un cinquième du film vu sa longueur.
Tout commence donc au pays de Din, divisé en deux royaumes : Frivoli, la cité des rêves, et Murkworks, l'usine des cauchemars. Les rêves sont amenés aux humains grâce à Greensleeves, un petit nain, aidé par ses créatures magiques, les Figmen. Visibles au début et à la fin du film, ils sont globalement anecdotiques bien que leur sauvetage serve à la mince trame de l'ensemble.
Greensleeves et les Figmen sont, en effet, enlevés par Synonamess Botch, le maître de Murkworks. Son ambition est de voir les humains ne connaître que des cauchemars et n'avoir plus droit aux rêves de Frivoli. Le méchant est essentiel au film mais n'est jamais vraiment inquiétant, bien que ses desseins le soient réellement. Lui est plutôt pathétique et mégalomane. Il est secondé par plusieurs personnages : Rudy et les Minions, des vautours livreurs de mauvais rêves ; Scuzzbopper, l'écrivain des cauchemars ; Ratatooie, son animal de compagnie à mi chemin entre un rat et un tatou ; Ibor, le vidéo gorille et garde de corps...
Les héros de l'histoire sont, quant à eux, Ralph, the All-Purpose Animal et Mum. Le premier est une sorte de félin bavard ayant la possibilité de se transformer en différents animaux quand la situation l'exige. Le second est un humain coquet, muet et maladroit. Les deux sont des employés incompétents de Frivoli, la cité des rêves.
Ils sont embauchés par Flora Fauna, la nièce de Greensleeves, dans le but de retrouver leur oncle. Mais la jeune fille ambitionne en fait de devenir actrice et va se faire embobiner par Synonamess Botch. Les deux héros sont aussi aidés par la Marraine la Bonne Fée qui est toutefois loin d'être gentille et prévenante comme dans n'importe quel conte. Au contraire, autoritaire et femme d'affaire, elle veut que tout soit géré à la baguette. Elle envoie comme assistant à Ralph et Mum, le super-héros raté, Rod Rescueman.
Un autre point qui dessert le film est à l'évidence sa bande-son. Si la musique instrumentale de Dawn Atkinson et Ken Melville est correcte sans pourtant être extraordinaire, le gros point noir se retrouve dans les chansons aussi datées que superflues. Il y a, en effet, quatre titres écrits pour le film qui ont malheureusement une sonorité très années 80 empêchant l'opus de revendiquer une intemporalité ; le pire étant peut-être qu'elles sont toutes ratées et inutiles. Trois (Twice Upon A Time, Life Is But A Dream et Out On My Own) sont écrites par Maureen McDonald, Tom Ferguson & Michael McDonald tandis que la dernière (Heartbreak Town) est signée, elle, de Bruce Hornsby & John Hornsby.
La sortie de Twice Upon a Time est, comme son histoire, calamiteuse. Pour commencer, le studio de distribution, The Ladd Company, financé en partie par Warner, se retrouve au bord de la faillite. Il a donc le choix entre une sortie limitée sur le sol américain ou une sortie globale à l'étranger. Il choisit la première option qui voit le film proposé uniquement dans quelques salles. Cela signe naturellement son échec au box-office. Un an plus tard, la chaîne câblée HBO diffuse l'opus sur son antenne mais ne choisit pas la bonne version : il existe en effet deux montages des dialogues à cause de l'improvisation sur le tournage : un familial tel que voulu par le réalisateur John Korty, l'autre plus cru et adulte préféré par le producteur Bill Couturié. Sauf que le producteur envoie la bobine adulte au distributeur cinéma puis refait la même chose pour HBO. Dans les deux cas, c'est une catastrophe. Au cinéma, certains parents, pensant montrer un film convenable à leurs enfants, demandent le remboursement de la place achetée ce qui accélère fatalement le fiasco commercial. Pour la télévision, le réalisateur ordonne à la chaîne câblée de diffuser la bonne version du film sous peine de poursuite. HBO préfère arrêter les frais et déprogramme carrément la diffusion. Twice Upon a Time va alors tomber dans les limbes de l'oubli rattrapé de-ci de-là par une sortie vidéo ou un diffusion à la télévision sur d'autres chaînes, et encore dans des versions tronquées. Mais grâce cette faible disponibilité, l'opus gagne son statut de film culte et va inspirer beaucoup d'animateurs et de cinéastes. Il faut alors attendre 2015 pour avoir droit à une édition en DVD, fabriquée à la demande, par Warner Archive pour accéder enfin à une version correcte, avec le choix des deux pistes de dialogues, familiales et adultes. En France, il reste en revanche toujours inédit.
Twice Upon a Time est un film qui se mérite. Si le visuel est bluffant, malheureusement tout le reste pêche : de ses personnages sans charisme à son récit décousu sans parler de sa bande-son ratée. C'est beau mais c'est tout.