The Greatest Showman
Le synopsis
À la fin du XIXème siècle aux États-Unis, la vie romancée, en chansons, du célèbre Phineas Taylor Barnum, l’homme qui, parti de rien, devint le plus grand producteur de son époque, créateur visionnaire de l’industrie du spectacle. |
La critique
En 2009, pendant la 88ème Cérémonie des Oscars, Hugh Jackman, qui en est alors le présentateur, régale le public avec un numéro chanté et dansé en hommage aux grandes comédies musicales du septième art, accompagné de Beyoncé, Zac Efron et Vanessa Hudgens. “ Les temps ont changé, le public est prêt ! Les comédies musicales sont de retour ! ” scande t-il à la fin de l'époustouflante prestation. Dans sa tête, germe déjà le projet d’une grande comédie musicale moderne, un univers dont il est lui-même issu et dont il veut redorer le blason.
Après plusieurs décennies d’absence, le genre de la comédie musicale, qui a pourtant fait les grandes heures du cinéma américain, remplit, en effet, à nouveau les salles
obscures. Fasciné par le personnage de P.T.Barnum mais aussi par le film
Sous Le Plus Grand Chapiteau du Monde de Cecil B. DeMille sorti en 1958, Hugh Jackman lit ainsi des douzaines de biographies du célèbre producteur pour élaborer son projet. Les studios sont toutefois frileux à l’idée d’un musical sur un sujet aussi original et préfèrent miser sur des adaptations de succès qui ont déjà fait leurs preuves à Broadway ou à Londres. Qu’à cela ne tienne, il décide de produire lui-même le film avant de s’associer finalement à
20th Century Fox, dont le savoir-faire dans ce genre cinématographique n’est plus à démontrer.
Le scénario est ensuite confié à Jenny Bicks qui, jusqu’à présent, n’a écrit que pour des séries télévisées. Consciente de son manque d’expérience dans le domaine du film musical, elle se place sous la supervision de Bill Condon, le réalisateur de l’adaptation en prises de vues réelles de
La Belle et la Bête et, avant elle, de
Dreamgirls.
Hugh Jackman souhaite, en outre, porter Michael Gracey, directeur artistique australien, à la réalisation de l'opus : s'il sait qu'il n'a mis en scène aucun film jusqu’ici, il admire depuis longtemps son travail. Pour lui, Gracey est tout bonnement le seul à avoir l’inventivité suffisante pour pouvoir donner vie à la folie créatrice et reproduire les effets visionnaires de Barnum. La production lui confie donc la réalisation en 2011, convaincue par l’enthousiasme de Jackman.
Petit à petit, l’équipe artistique de The Greatest Showman se constitue : deux jeunes paroliers qui se sont connus sur les bancs de la faculté du Michigan, Benj Pasek et Justin Paul, acceptent ainsi en 2013 d’écrire les paroles de cette biographie chantée, alors qu’ils travaillent déjà sur un autre projet, plus confidentiel... nommé La La Land ! La musique du film sera, elle, composée par John Debney qui est déjà bien connu des Studios Disney pour lesquels il a travaillé sur Le Livre de la Jungle, Hannah Montana - Le Film, Chicken Little, Princesse Malgré Elle, Kuzco, l'Empereur Mégalo, Mickey Perd la Tête, Hocus Pocus - Les Trois Sorcières)) et qui maîtrise parfaitement la mécanique de la narration musicale ayant pour contrainte d'intégrer de nombreuses chansons.
Parallèlement, le casting s’étoffe.
Hugh Jackman prend tout naturellement le premier rôle de son projet. Né en 1968 à Sydney, il est diplômé en journalisme. Mais sa vraie passion est la comédie musicale ! Il s’inscrit
donc à la prestigieuse Western Australia Academy of Performing Arts de
Perth pour y apprendre le chant et la danse. Il fait ses débuts sur scène en
1995 : il interprète alors le rôle de
Gaston pour la version australienne du musical
La Belle et la Bête. Remarqué pour sa performance, il est engagé en 1998 dans Oklahoma ! qui se joue à Londres. C’est finalement au cinéma qu’il se fera connaître au monde entier : suite à la défection de l’acteur écossais Dougray Scott trois semaines avant le début du tournage de son prochain film, Brian Singer propose, en effet, à Hugh Jackman de le remplacer et d’enfiler ainsi le costume du mutant Wolverine dans la saga
X-Men, rôle emblématique qu’il reprendra à de nombreuses reprises, que ce soit comme personnage principal ou lors de nombreux caméos
dans d'autres productions du
X-Men
Cinematic Universe. Le pied à l’étrier, il enchaîne les films, qu’il s’agisse de grosses productions (Van Helsing,
Le Prestige, Australia,
Real Steel, Chappie, Pan,
Logan) d'oeuvres plus intimistes (The Fountain,
Prisoners), ou du doublage de films d’animation (Happy Feet et sa suite,
Les Cinq Légendes). Avec Les Misérables de Tom Hooper, l’adaptation de la comédie musicale éponyme sortie en 2013, il parvient à concilier son amour des planches avec celui des caméras et obtient alors la reconnaissance de la profession en étant nommé comme Meilleur Acteur à la Cérémonie des Oscars. Il remonte d’ailleurs souvent sur scène, notamment à Broadway, pour des tours de chant qui se jouent
toujours à guichets fermés.
Dans The Greatest Showman, il est donc P. T. Barnum. Bien que né dans le ruisseau, il se hisse, envers et contre tout, au sein de la bonne société new-yorkaise, marquée par le puritanisme de la fin du XIXème siècle, à force d’idées révolutionnaires, d’une propension au boniment (Il aurait inventé la publicité !) et d’un optimisme incroyable. Barnum marque le monde de son nom, de sa vision du spectacle et de ses idées novatrices à tel point qu’il devient un substantif et que son entreprise de cirque perdure jusqu’en 2017, année de son ultime représentation. Ici, Hugh Jackman fait le show, tantôt séducteur, tantôt cabot. C’est un performeur, un entertainer et ce long-métrage lui permet d'en faire la parfaite démonstration. Et pour cause : c’est SON projet ! Comme ses costumes, le film lui est taillé sur mesure, au point qu’il en éclipse ses partenaires : jamais la formule « rôle secondaire » n’aura été autant aussi bien employée.
Zac Efron (dont c’est la cinquième comédie musicale après les trois films de la franchise High School Musical et Hairspray) livre, comme tous les autres seconds rôles, une performance honnête sans toutefois marquer les esprits. Bien qu’il interprète le partenaire de Barnum, personnage-clé issu de la bonne société et auteur de théâtre à succès, il reste très en retrait. Il est accompagné de la jolie actrice et chanteuse Zendaya, révélée par la série de Disney Channel Shake It Up puis confirmée dans Agent K.C., et dont les spectateurs ont découvert le visage dans son rôle discret mais remarqué de Michelle Jones dans Spider-Man : Homecoming. Mais voilà, malgré les numéros de voltiges aériennes que la jeune actrice a tenu à effectuer elle-même, leur histoire d’amour peine réellement à décoller.
Au départ, le rôle de Jenny Lind, devait être joué par Anne Hathaway (Princesse Malgré Elle, Ella au Pays Enchanté, Alice au Pays des Merveilles, Les Misérables, Alice de l'Autre Côté du Miroir), grande amie de Hugh Jackman. Indisponible, c’est finalement Rebecca Ferguson (Life - Origine Inconnue) qui est choisie pour l'incarner : Jenny, l’Ange Suédois est celle que Barnum produisit à travers tous les États-Unis et qui lui permit de devenir autre chose qu’un simple montreur de bêtes de foire. Rebecca Ferguson est par ailleurs la seule actrice du film à ne pas assurer la partie chantée de son rôle. Bien qu’ayant eu une longue éducation musicale dans son enfance, elle trouvait, en effet, sa performance vocale indigne de son personnage qui était considérée comme la plus grande chanteuse européenne d’opéra de son époque. La production choisit donc de faire interpréter la seule partition du rôle par Loren Allred, une chanteuse qui aura marqué la saison 3 de la version américaine de The Voice, par sa voix lyrique et cristalline qui correspond finalement à merveille au personnage.
Michelle Williams est la dernière à rejoindre le casting en juillet 2016, deux mois avant les premières répétitions à New York. Née en 1980 dans le Montana, elle passe son adolescence sur les plateaux télé où elle enchaîne les petits rôles dans les sitcoms les plus connues de l’époque avant de décrocher le rôle de l’inoubliable Jen Linley dans la série Dawson de 1996 à 2002. Lasse du personnage d’adolescente torturée et sulfureuse qui lui colle à la peau, Michelle Williams fait le choix intelligent de prouver son talent d'actrice au travers de nombreux films d'auteurs reconnus dont Le Secret de Brokeback Mountain d’Ang Lee où elle est la compagne du regretté Heath Ledger (alors son compagnon à la ville). Elle renoue finalement avec le grand public en 2010, en donnant la réplique à Leonardo Di Caprio dans Shutter Island de Martin Scorsese, puis en interprétant une Glinda guerrière et convaincante dans Le Monde Fantastique d’Oz de Sam Raimi. Ayant choisi d’interpréter elle-même les chansons emblématiques de Marilyn Monroe qu’elle incarne dans le film My Week With Marilyn de Simon Curtis, c’est tout naturellement qu’elle accepte ici le rôle chanté de l’amour de jeunesse de Barnum, Charity, qui deviendra également sa femme. Sa prestation, toute en force contenue et en subtilité, est remarquable. Dans le film, elle est le moteur de la volonté de son mari et en même temps l'ancre qui le maintient au sol et lui permet de rester connecté à la réalité. C’est une belle performance pour l’actrice, seule à réussir parvenir à s’imposer face à un Hugh Jackman omniprésent. Ils forment un couple crédible dont la relation est l’un des fils conducteurs de l’histoire.
Dès l’ouverture de The Greatest Showman, le spectateur est au cœur de l’action, sur les bancs du cirque Barnum, quand soudainement le spectacle s'arrête pour laisser la place à la véritable introduction du film qui retrace en une chanson chorale le parcours de Barnum, de l’enfance à l’époque où se déroule le propos du film. Ce passage est d’une justesse absolue tant par ses idées de mise en scène, clairement audacieuse, les références aux comédies musicales d’antan et des effets visuels parfaitement maitrisés. Pour le spectateur qui est venu voir une grande comédie musicale spectaculaire, cette première scène semble tenir les promesses faites par la bande annonce. Ce n’est malheureusement pas le cas du reste de l'opus. Le principal problème du film est, en réalité, son sujet : en choisissant l’approche biographique, même si l’histoire est très romancée (le personnage interprété par Zac Efron n'a jamais existé, beaucoup d'éléments du récit sont en fait la compilation de plusieurs évènements ou personnes ayant réellement faits partie de la vie de Barnum), les scénaristes tombent dans le piège d’une narration trop linéaire. Ce n’est finalement que l’histoire d’une ascension de plus, avec ses hauts et ses bas, comme le spectateur en a déjà vue et revue. Alors que la bande-annonce vendait un plaidoyer pour la différence, le sujet est à peine évoqué. Les auteurs essaient bien d’ouvrir des pistes de réflexions en abordant la question de la lutte des classes, l’acceptation des différences, la bien-pensance de l’époque, ou bien encore en mettant en avant l’avant-gardisme de Barnum dans son approche du spectacle vivant, mais ils n’y répondent jamais vraiment, laissant certaines d’entre elles carrément de côté.
Comme dans toutes comédies musicales, les numéros chantés permettent de prendre des raccourcis avec l’histoire. Cela est tellement vrai ici que The Greatest Showman défile à toute vitesse : le spectateur n’a pas le temps d'appréhender une situation ou apprendre à connaître un personnage que le film passe déjà à une autre étape. Si les numéros musicaux sont propres, bien chantés, bien chorégraphiés et bien interprétés, la magie, l’émerveillement, et le foisonnement visuel que promettait un tel sujet sont malheureusement absents. C’est d’autant plus regrettable que la réalisation est confiée à un maître des effets visuels. Le choix d’une musique résolument moderne, très ancrée dans l’époque contemporaine peut également déconcerter. Il est pourtant assumé par la production et le compositeur qui voulaient créer un musical décalé à la manière de Moulin Rouge ! mais identifié dans les années 2010. Sauf que... N’est pas Baz Luhrmann qui veut et les arrangements entendus maintes fois sur les ondes ne sont ni suffisamment intemporels pour plaire aux amateurs du genre, ni assez originaux pour se démarquer des productions musicales du moment.
Hugh Jackman prouve malgré tout qu’il est l’un des plus grands showman du monde, porté par un film taillé sur mesure. Il sait tout faire et il le fait bien ! Le reste du casting n’est pas en reste. Il est seulement regrettable que la présence de l’acteur principal ne lui laisse pas la place qu’il mérite. L'opus pèche également par excès. À trop vouloir bien faire, l’ensemble manque de relief, de magie et de merveilleux, alors que le sujet aurait pu être bien plus porteur et en montrer davantage. La vie musicale et fantasmée de P.T. Barnum défile ainsi à toute vitesse sous les yeux du public sans que celui-ci ne soit jamais invité à prendre part au show. Tout n'est ici au final que de jolies propositions présentées dans un écrin malheureusement bien lisse, sans jamais aller ni au bout de ses idées, ni de ses partitions.
The Greatest Showman est un film divertissant qui ne tient pas les promesses faites : le spectateur en ressort, bien malgré lui, avec un goût d’inachevé et une frustration
sourde.