Astérix & Obélix
Mission Cléopâtre

Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre
L'affiche du film
Titre USA :
Asterix & Obelix : Mission Cleopatra
Production :
La Petite Reine
Renn Productions
Chez Wam
Date de sortie Royaume-Uni :
Le 14 novembre 2005 (Vidéo)
Distribution :
Miramax Films
Genre :
Comédie
Date de sortie cinéma France :
Le 30 janvier 2002
Réalisation :
Alain Chabat
Musique :
Philippe Chany
Durée :
107 minutes (Version Française)
85 minutes (Version Miramax)
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Afin de donner tort à César qui remet en question la grandeur de la civilisation égyptienne, Cléopâtre s’engage à lui réaliser un palais en seulement trois mois. Elle charge dans la foulée l'architecte Numérobis de réaliser le projet dans le temps imparti sous peine de le jeter aux crocodiles. Craignant cette perspective, ce dernier se rend en Gaule afin de demander de l’aide à Panoramix...

La critique

rédigée par
Publiée le 17 février 2019

Rarement un film français aura autant ressemblé à une production hollywoodienne pharaonique ! Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre met, il est vrai, en œuvre des moyens considérables pour transposer sur grand écran l’aventure la plus cinématographique imaginée par René Goscinny et Albert Uderzo. Doublé en anglais dans une version éditée et raccourcie de 21 minutes par Miramax Films, alors filiale de The Walt Disney Company, le film d’Alain Chabat crée un lien supplémentaire entre la firme aux grandes oreilles et la série de bande dessinée française la plus vendue au monde.

La série Astérix est créée le 29 octobre 1959 dans le journal Pilote par le scénariste René Goscinny et le dessinateur Albert Uderzo. Alors que les histoires publiées en album à partir de 1961 connaissent un grand succès, l’intérêt des auteurs est stimulé par le chercheur Jean Dejoux qui leur présente l’animographe, une invention permettant de produire rapidement et à moindre coût des dessins animés. Il faut dire que les deux amis rêvent d’animation depuis leur jeunesse. Goscinny essuie même un refus des studios Disney alors qu’il veut s’y faire embaucher :

J’étais parti aux États-Unis pour travailler avec Walt Disney, mais Walt Disney n’en savait rien.

Uderzo possède la même fascination pour le génial américain :

Je me voyais en toute simplicité devenir un jour le Walt Disney français.

Leurs premières expériences en matière de cinéma d’animation sont malheureusement contrariées. Georges Dargaud commande l’adaptation de l’album Astérix le Gaulois aux studios Belvision sans les en informer. Le résultat, médiocre malgré un succès populaire, leur déplaît. Ils s’opposent à un projet en cours de production basé sur le deuxième album, La Serpe d’Or, et proposent à Dargaud une transcription d’Astérix et Cléopâtre. Pleinement investis dans l’élaboration du film à l’écriture duquel contribue Pierre Tchernia, ils obtiennent un important succès populaire lors de sa sortie en décembre 1968. Perfectionnistes, ils fondent les Studios Idéfix afin de produire eux-mêmes des films davantage qualitatifs. Leur réussite est parfaite avec Les 12 Travaux d’Astérix (1976), véritable pépite éditée en vidéo par Walt Disney Home Video en 1985, à l'instar des deux films précédents.

La passion de Goscinny et Uderzo pour le septième art s’étend aux films en prises de vue réelles. Aussi, les albums sont truffés de gags et de caricatures inspirées du cinéma. Des projets d’adaptation de la série avec des acteurs apparaissent dès les années 1960 avec Claude Lelouch puis plus tard avec Louis de Funès qui souhaite interpréter le rôle titre, mais ceux-ci n’aboutissent pas. Thomas Langmann reprend l’idée dans les années 1990 et parvient à obtenir l’accord d’Albert Uderzo et d’Anne Goscinny, fille du scénariste décédé en 1977. Il propose alors le projet à son père, le producteur Claude Berri, d’abord réticent puis convaincu par l’implication de Gérard Depardieu, Christian Clavier et Jean-Marie Poiré, scénariste. Astérix & Obélix Contre César de Claude Zidi sort dans les salles obscures le 3 février 1999 et devient le film ayant engrangé le plus d’entrées en France dans l’année avec neuf millions de spectateurs, devant Tarzan et le pourtant très attendu Star Wars : La Menace Fantôme. Le résultat est malgré cela décevant et ne parvient pas à retranscrire l’humour propre à la bande dessinée.
Fort de ce succès commercial, Claude Berri propose à Alain Chabat, dont il a produit le premier film Didier (1997) et dont il trouve l’humour proche de celui de Goscinny, de réaliser un deuxième volet en lui laissant le choix de l’album à adapter.

Alain Chabat naît le 24 novembre 1958 à Oran (Algérie). Une passion pour la bande dessinée, et notamment pour le héros gaulois, apparaît chez lui lorsque sa marraine lui offre l’album Astérix le Gaulois. Il ne manque ensuite aucun numéro de Pilote, qu’il considère comme une inspiration pour l’ensemble de sa carrière au point d'être marqué par le slogan du journal : “Pilote, le Journal qui s’amuse à réfléchir”. Il s’imagine devenir dessinateur, esquissant des dessins humoristiques dès qu’il le peut. Ses œuvres sont publiées dès 1978 dans les revues Antirouille et Mohican.
Il finit par travailler sur les ondes pour Radio Andorre et France Inter en 1980 et rejoint RMC en 1981 où il anime plusieurs émissions et rencontre Pierre Lescure, cofondateur de Canal+ en 1984. Le journaliste le recrute sur la chaîne cryptée pour présenter plusieurs programmes et chroniques.
Il rencontre alors Bruno Carette, Chantal Lauby et Dominique Farrugia et forme avec eux en 1987 le groupe comique que Philippe Gildas nomme Les Nuls. Les quatre amis connaissent le succès avec la série Objectif : Nul puis la pastille JTN au sein de Nulle Part Ailleurs. Leur humour décalé fait mouche et se traduit par des sketches restés cultes plus de trente ans plus tard. Après une pause suivant le décès brutal de Bruno Carette en décembre 1989, ils créent de nouveaux rendez-vous dont Les Nuls, l'Émission. Les trois humoristes achèvent leur coopération au cinéma dans La Cité de la Peur, une Comédie Familiale (1994) d’Alain Berberian, qui porte avec brio l’humour absurde de la troupe sur grand écran en attirant 2,2 millions de spectateurs. Il est ironique de noter que Claude Berri refuse la réalisation du film, jugeant le scénario “un peu débile”.

Ce succès lance la carrière cinématographique d’Alain Chabat, qui crée sa société de production, Chez Wam. Il décroche une nomination au César du meilleur acteur pour son rôle dans Gazon Maudit (1995) de Josiane Balasko, distribué aux États-Unis par Miramax. Il fait ses débuts derrière la caméra dans Didier (1997) dont le scénario, qu’il a écrit, raconte l’histoire d’un chien se métamorphosant en homme, situation inverse du film Disney Quelle Vie de Chien ! (1959) et de son remake Raymond (2006). Belle réussite commerciale avec 2,9 millions de spectateurs, le long-métrage permet à Chabat de remporter le César du meilleur premier film. Il poursuit sa carrière d’acteur (avec notamment Le Goût des Autres en 2000, également distribué par Miramax aux États-Unis) et réalise donc Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre, enjeu considérable au regard de l’ampleur du projet. C’est une véritable consécration pour Alain Chabat qui remporte les louanges des critiques et connaît un succès populaire sans précédent.
Après le tournage de l’opus, il crée en août 2001 avec Kader Aoun le jeu télévisé culte Burger Quiz dont il assure la présentation. Restée dans les mémoires malgré une unique saison sur Canal+, l’émission décalée se déroulant dans un décor de fast-food revient en 2018 sur TMC et réalise d’excellentes audiences.
Chabat prête également sa voix à la version française du personnage titre de Shrek (2001), rôle qu’il reprend dans chaque film de la franchise.

Il revient à la réalisation en 2004 avec RRRrrrr!!!. Coécrit avec la troupe comique des Robins des Bois, ce délire préhistorique essuie les critiques vigoureuses de la presse. Chabat est particulièrement marqué par leurs rudesses et se concentre alors sur sa carrière d’acteur.
Il est notamment attiré par Hollywood et interprète Napoléon aux côtés de Ben Stiller, Amy Adams et Robin Williams dans le film 20th Century Fox La Nuit Au Musée 2 (2009).
Sur la Piste du Marsupilami (2012) le voit revenir à la réalisation en adaptant cette fois la bande dessinée de Franquin. Il obtient à nouveau un beau succès critique et populaire en attirant 5,3 millions de spectateurs dans les salles françaises.
Le cinquième film qu’il dirige, Santa et Cie (2017) est une comédie de Noël réussie, imprégnée de son humour et dans laquelle il interprète le rôle emblématique du Père Noël. Malgré ses qualités, l’opus ne parvient pas à atteindre la barre des 2 millions de spectateurs en France.
Alain Chabat a donc marqué la télévision et le cinéma français de sa patte si caractéristique, en se permettant quelques incursions à Hollywood. De Les Nuls à Santa et Cie, ses œuvres teintées d’un humour absurde influencé par les bandes dessinées qu’il affectionne sont cultes et ne laissent personne indifférent tandis que sa filmographie d’acteur démontre sa capacité à adopter un registre très complet.

Chabat hésite au moment de choisir l’album d’Astérix qu’il souhaite adapter. Il écarte néanmoins rapidement Astérix et Cléopâtre en raison de la complexité et du coût que représenterait un tel long-métrage. Claude Berri le contredit rapidement lorsqu’il lui en fait part en affirmant qu’il s’agit de l’album le plus cinématographique. Le choix est donc porté sur cet ambitieux projet pour lequel le producteur s’engage à mobiliser les moyens nécessaires.
Il faut dire qu’Astérix et Cléopâtre a été conçu en 1963 par Goscinny et Uderzo après qu’ils ont visionné Cléopâtre, fresque de 243 minutes produite par 20th Century Fox. L’album est intégralement pensé par ses auteurs comme un hommage au cinéma. Sa couverture parodie d’ailleurs l’affiche du film, qui liste les quantités de matériels nécessaires à la production du long-métrage. Au nombre de robes portées par Elizabeth Taylor se substituent chez les Français le nombre de pinceaux ou de gommes nécessaires à l’élaboration de “La plus grande aventure qui ait jamais été dessinée”.

Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre suit ce gigantisme. La production est particulièrement ambitieuse et le tournage titanesque. Il dure en effet vingt-et-une semaines et paraît interminable aux yeux d’Alain Chabat. Il emmène acteurs et techniciens à Fontainebleau et dans des studios d’Épinay-sur-Seine en Île-de-France mais surtout à Ouarzazat au Maroc. Comme George Lucas lors de la production de Star Wars : Un Nouvel Espoir, Chabat affronte deux tempêtes de sable dont l’une le contraint à arrêter le tournage durant deux jours. Le budget de l’opus, qui s’élève à plus de 50 millions d’euros, se traduit par des décors gigantesques qui donnent une certaine angoisse au réalisateur ou par la mobilisation pour certaines scènes de deux-mille figurants.
Les costumes sont également particulièrement réussis et ajoutent au caractère hollywoodien du long-métrage. Si les accoutrements des personnages masculins collent parfaitement à la bande dessinée avec leur aspect graphique et peu réaliste, les robes portées par Monica Bellucci appuient splendidement le charme de l’actrice et donnent à Cléopâtre son caractère royal incontestable. L'une des tenues portées ici par la Reine d’Égypte rend d'ailleurs hommage à la robe décolletée du dos de Mireille Darc dans Le Grand Blond Avec une Chaussure Noire (1972).
Les effets spéciaux d’Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre sont très efficaces sans être extravagants. Les Versaillais réalisent des effets physiques réalistes en usant notamment de maquettes tandis que les effets numériques, plutôt légers, ont relativement bien vieilli grâce à la parcimonie de leur utilisation.
En sus de ces techniques, l’animation 2D est également employée à plusieurs reprises, afin de faire pousser des arbres par un jeu d’ombres chinoises et pour représenter les yeux des personnages dans l’obscurité d’une pyramide. Animées par Pierre-Alain Bloch (Piano), qui a collaboré avec Chabat sur les génériques de Burger Quiz, la série Avez-Vous Déjà Vu ? et sur ses autres films, ces séquences ajoutent une dose cartoonesque délirante tout à fait bienvenue.

En plus d’être un film particulièrement ambitieux, Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre constitue la parfaite adaptation d’Astérix et Cléopâtre. Alain Chabat a l’impression légitime d’avoir livré une interprétation fidèle de l’album et considère d’ailleurs avoir réalisé un “travail d’escroc” en adaptant l’œuvre de Goscinny tant la matière de départ est fantastique et le travail à effectuer, selon lui, minime.
Certains dialogues sont ainsi repris tels quels de la bande dessinée et n’en sont que sublimés en étant prononcés oralement. Outre ceux inventés par le regretté scénariste, les noms de personnages inédits respectent chacun les codes d’Astérix, contrairement à Astérix & Obélix Contre César où, pour Mathusalix, les auteurs se sont contentés d’ajouter le suffixe -ix à la première partie du nom “Mathusalem”. Ici, les noms entiers ont une sonorité proche du mot auxquels ils font référence (Otis, Cartapus, Sucettalanis, etc.).
Chabat reproduit également le visuel d’Uderzo. Des cases sont transposées telles que ce dernier les a dessinées, qu’elles soient issues d’Astérix et Cléopâtre ou d’autres opus de la série. Toujours visuellement pertinentes, ces reprises renforcent les liens qui existent entre le dessin et le cinéma en donnant le sentiment de voir ces images s’animer avec des acteurs en chair et en os. De manière générale, les codes visuels de la série sont parfaitement calqués, comme le mouvement des sandales des soldats romains après qu’ils ont reçu un coup de poing de la part d’un gaulois ou la réaction explosive des personnages après qu’ils aient bu la potion magique. Éternel perfectionniste, Chabat ne parvient pas à apprécier ces rendus pourtant très réussis.
La nourriture apparaissant dans l’opus reprend également le design cartoonesque inventé par Uderzo. Les sangliers mangés par les Gaulois de même que le gâteau empoisonné donné à Cléopâtre par Amonbofis ont, comme dans la bande dessinée, une allure en carton-pâte et une taille disproportionnée.

Alain Chabat parvient à retrouver la double lecture qui permet à l’enfant comme à l’adulte de prendre du plaisir en lisant l’album et en saisissant des références qui s’adressent à chaque catégorie d’âge sans exclure ceux qui ne parviennent pas à les comprendre. Un lecteur ayant découvert Astérix durant l’enfance a déjà vécu la sensation de redécouvrir un album qu’il croyait connaître de A à Z en s’esclaffant devant des jeux de mots ou des allusions qui lui auraient échappés lors de ses précédentes lectures. Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre comporte ces mêmes caractéristiques et s’adapte à son public. Le comique visuel, très présent, enchante les plus jeunes qui se prennent également au jeu de l’aventure vécue par les personnages tandis que les moins jeunes apprécient l’humour basé sur des dialogues particulièrement travaillés ou des allusions savoureuses.

S’il reprend à la lettre le matériel original, Alain Chabat apporte à son film sa patte si particulière et son humour issu de Les Nuls. L’absurde est en effet au cœur d’un certain nombre de situations et de dialogues hilarants. Les procédés comiques employés par le cinéaste révèlent ici leur paternité avec ceux des auteurs de la bande dessinée et les modernisent en les transposant dans le XXIe siècle. Chabat s’appuie en effet tantôt sur des bruitages ou des doublages, tantôt sur des jeux de mots ou des références visuelles.
Les connotations à la pop-culture et au cinéma sont légion et reflètent les propres goûts du réalisateur. Fan de la saga Star Wars, il glisse de nombreuses allusions appuyées à la création de George Lucas et emprunte notamment le thème de la Marche Impériale pour accompagner la ressemblance du personnage joué par Dieudonné avec Dark Vador. Des références diffuses renvoient à Pulp Fiction, à Ben-Hur, à Blade Runner, à Tigre et Dragon, à Titanic ou encore aux (Les) Bronzés.
Chabat s’auto-référence également en parodiant ce qui était déjà une parodie des publicités Royal Canin réalisée par Les Nuls.
Derrière l’esprit potache se dissimule toutefois un humour corrosif qui n’hésite pas à faire passer des messages sociétaux ou politiques. L’allusion rapide à la phrase concernant “le bruit et l’odeur” prononcée par Jacques Chirac en 1991 à propos de personnes immigrées est alors aussi subtile que féroce.

Si le film est une comédie, il n’en est pas moins exigeant et particulièrement pointilleux dans le référencement de l’humour, y compris pour des éléments qu’une très faible minorité de spectateurs sera en mesure d’appréhender. Des hiéroglyphes qui apparaissent à l’écran sont ainsi des blagues que seuls les égyptologues peuvent comprendre, signifiant en effet “Celui qui lit ça est un égyptologue”. De même, Alain Chabat, qui a fait du latin au collège afin de comprendre les dialogues du pirate Triple-Patte, porte une attention particulière aux locutions latines prononcées par le personnage de Michel Cremades.
Il regrette néanmoins le gag filé basé sur le nom du personnage joué par Isabelle Nanty, Itinéris. Alors marque de téléphonie mobile de l’opérateur historique France Télécom, ce nom a depuis été remplacé par Orange et n’évoque il est vrai rien aux nouvelles générations visionnant l’opus. Lors du tournage, Chabat craint la faible durée de vie de ce ressort comique mais cède à la pression des autres membres de la production qui le trouvent hilarant. Les anachronismes sont toutefois l’une des marques de fabrique d’Astérix et celui-ci fait mouche auprès des publics qui ont connu la marque.

Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre s’appuie sur un casting très large et réussi où les personnages secondaires - souvent joués par des acteurs issus de la “galaxie Chabat” - ont autant la vedette que les personnages principaux.

Christian Clavier (Le Père Noël Est une Ordure, Les Visiteurs, Qu’Est-ce Qu’On A Fait au Bon Dieu ?) et Gérard Depardieu (Les Valseuses, La Chèvre, Cyrano de Bergerac) reprennent les rôles-titres trois ans après Astérix & Obélix Contre César.
Le premier interprète le petit héros gaulois de manière somme toute discrète dans un film qui ne le met pas particulièrement en lumière. La malice légendaire du personnage est toutefois perceptible et sa complicité avec son gourmand ami est réussie. Remplacé par Clovis Cornillac puis Édouard Baer dans les adaptations en prises de vues réelles suivantes d’Astérix, Christian Clavier succède à Roger Carel en doublant le petit moustachu dans le film d’animation de 2018 Astérix : Le Secret de la Potion Magique.
Gérard Depardieu incarne quant à lui Obélix. Ayant joué pour The Walt Disney Company dans Un Voyage à Travers le Temps (1992, projeté dans Le Visionarium - Un Voyage à Travers le Temps entre 1992 et 2004), le film Touchstone Mon Père, Ce Héros (1994) puis dans 102 Dalmatiens (2000), il campe à merveille celui qui est tombé dans la marmite de potion magique étant petit. Alain Chabat considère ainsi qu’aucun autre acteur ne pourrait jouer le rôle d’Obélix. Depardieu est en effet crédible par sa carrure tandis qu’il restitue parfaitement la candeur du personnage, au point de croire qu’il a été créé pour lui. Voulant à tout prix boire de la potion magique, il emmène avec malice et en cachette son chien Idéfix, allant jusqu’à imiter ses aboiements. La scène du Sphinx illustre toute la maladresse du personnage, particulièrement attachant.

La véritable star de l’opus est Numérobis, joué par Jamel Debbouze (Indigènes, La Marche). Alain Chabat pense très rapidement à l’acteur alors star de la sitcom hospitalière créée en 1998 sur Canal+, H. Il apporte son humour, son élocution atypique et une importante capacité d’improvisation. Si certains regrettent la trop grande liberté laissée à l’humoriste dans l’interprétation de l’architecte égyptien, il ne dénature aucunement le personnage et lui apporte simplement une touche contemporaine. Son incapacité à prononcer correctement le nom des Gaulois est désopilante. Numérobis reste par ailleurs, comme dans la bande dessinée, un architecte maladroit qui craint pour sa vie et demande une aide sincère à ses amis dotés de potion magique. Une certaine poésie se dégage du jeu de l’acteur en plus de son évidente énergie.

Monica Bellucci (MalènaSouviens-Toi de Moi, Matrix Reloaded, La Passion du Christ, L'Apprenti Sorcier007 Spectre) incarne majestueusement la reine égyptienne Cléopâtre. Choisie par Claude Berri, Chabat la trouve drôle, intelligente et particulièrement patiente sur un tournage difficile où elle est parfois confrontée à de longues périodes d’attente dans des tenues inconfortables. En tant que Cléopâtre, elle inspire la crainte et fait preuve d’une excellente répartie, notamment face à César. Sa beauté et son élégance sont remarquées et ne manquent d’ailleurs pas de subjuguer Panoramix.
Le réalisateur Alain Chabat campe lui l’empereur romain César, amoureux de Cléopâtre qu’il souhaite humilier avec son pari. En premier lieu, Chabat ne pense pas se confier de rôle mais y est incité par Claude Berri. Bien lui en a pris tant son incarnation est drôle, notamment lorsqu’il est soumis à Cléopâtre.

Parmi les nombreux autres personnages secondaires, Panoramix est joué par Claude Rich qui excelle en étant tantôt faussement obtus, tantôt malicieux afin d’influencer ses amis pour le meilleur. Gérard Darmon apparaît particulièrement méchant dans le rôle de l’architecte concurrent de Numérobis, Amonbofis. Il est le parfait vilain de cet opus et ne sort vaincu qu’au terme d’un combat d’anthologie. Édouard Baer est le scribe inventeur du “sans-efforceur” Otis, auteur d’une improvisation mémorable réalisée en seulement deux prises sur la condition offerte par son métier.
Dieudonné est alors encore drôle en jouant l’impérial et décalé Caius Céplus tandis qu’Isabelle Nanty porte avec son personnage d’Itinéris le thème du syndicalisme et de la lutte des classes en revendiquant notamment la réduction du nombre de coups de fouet. Enfin, Édouard Montoute est, quant à lui, amusant à souhait en tant que Nexusis, assistant malheureux d’Amonbofis cherchant à faire des bons mots.
Mais un voyage d’Astérix sans pirates ne pourrait être réussi ! Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre l’est donc particulièrement avec Bernard Farcy, Michel Crémadès et Mouss Diouf, flibustiers hilarants qui finissent à plusieurs reprises à l’eau en préfigurant notamment Le Radeau de la Méduse.

Apparaissent également les humoristes des Robins des Bois, la fidèle Nulle Chantal Lauby, la charmante Noémie Lenoir dont le personnage de Guimieukis fait tourner la tête d’Astérix et Mathieu Kassovitz, qui doit son caméo dans le générique à sa présence dans les studios pour participer à une fête.
Manque à l’appel Dominique Farrugia qui n’a pas pu être présent pour des incompatibilités de calendrier mais qui aide tout de même son ami Chabat en se déguisant en Cléopâtre pour des premiers teasers hilarants.
Enfin, le regretté Pierre Tchernia est, comme dans les dessins animés, le narrateur. Emblématique de la série, sa présence était essentielle pour Alain Chabat qui le considère comme la voix des albums en raison de ses relations amicales et professionnelles avec Goscinny et Uderzo. Comme dans la bande dessinée où il est caricaturé à plusieurs reprises, il bénéficie ici d’un caméo en tant que Caius Gaspachoandalus.

La bande originale comporte des morceaux existants tels que Ti Amo d’Umberto Tozzi qui ponctue les différentes idylles ou I Got You (I Feel Good) de James Brown qui est le théâtre d’une courte scène titanesque et chorégraphiée sur le chantier du palais de César.
Alain Chabat se paye également le luxe de proposer dans le générique un morceau inédit entre la star du film et un rappeur mondialement connu. Il approche en effet Snoop Dogg afin d’enregistrer un titre avec Jamel Debbouze et le convainc grâce aux enfants du rappeur qui sont fans d’Astérix. Mission Cleopatra clôt ainsi l’opus avec efficacité et constitue un exploit pour une production française.
Enfin, la musique originale entendue tout au long du film est le fruit du travail de Philippe Chany, proche d’Alain Chabat depuis le lycée et ayant déjà collaboré avec lui sur les génériques des émissions de Les Nuls ainsi que sur les bandes originales de La Cité de la Peur, une Comédie Familiale et de Didier. Ces compositions réussies ajoutent à la dimension grandiose de l'opus en soulignant certains décors.

Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre sort le 30 janvier 2002 dans les salles françaises, où il connaît un important succès populaire en attirant près de 14,6 millions de spectateurs. Il est alors le deuxième film français ayant réalisé le plus d’entrées derrière La Grande Vadrouille (1966), dépassé ensuite par Bienvenue Chez les Ch’tis (2008) et Intouchables (2011).
Alain Chabat propose un extrait au Marché du Film de Cannes et reçoit les applaudissements de la salle. Son long-métrage s’exporte ainsi facilement et se voit notamment acquis en 2001 par Miramax pour le marché américain même si la satisfaction sera de courte durée puisque le film ne sera finalement jamais proposé au cinéma ou en vidéo aux États-Unis. Au passage d'ailleurs, la filiale de Disney achète également en même temps les droits américains d'Astérix & Obélix Contre César et là encore, sans rien en faire (il faudra attendre la revente de Miramax par Disney pour que le film finisse par sortir en vidéo). Il n'empêche, Miramax double finalement le film dans une version raccourcie d'une vingtaine de minutes. Sont curieusement coupées de nombreuses scènes où apparaît Gérard Depardieu ainsi que les références au nez de Cléopâtre. Ce doublage sera proposé en vidéo le 14 novembre 2005 au Royaume-Uni dans une édition sortie chez Pathé. Chose étonnante, quand le film est lancé en anglais, le logo Miramax Films apparaît alors que ce dernier est absent du doublage français présent sur ce même DVD.
Chabat ne supervise pas intensément la sortie de son film à l’étranger. Il contrôle toutefois la qualité des sous-titres anglais - les seuls qu’il peut comprendre - et en approuve la traduction. À noter que c'est Buena Vista International qui distribue le film en Italie où il sort en vidéo sous le label Miramax Home Entertainment.

Les critiques plébiscitent dans l’ensemble le film pour son humour et pour son ambition. Bien qu’Albert Uderzo ait émis d’importantes réserves sur le film en regrettant la prééminence de “l’esprit Canal” au point de freiner la mise en chantier d’autres adaptations, Chabat reçoit le plus beau des hommages de la part d’Anne Goscinny, fille du co-créateur de la bande dessinée. Elle considère en effet qu’il s’agit de “la meilleure adaptation d’Astérix” et explique avoir entendu son père rire dans sa tête à la lecture du script.
L’opus a depuis marqué plusieurs générations qui le considèrent comme un film culte et en connaissent les moindres dialogues. Il n’est ainsi pas rare d’entendre une référence à l’œuvre, faisant ainsi écho à la bande dessinée qui est, elle-même, entrée dans le langage courant avec notamment l’invention de l’expression “tomber dans la marmite”.

Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre est une véritable pépite. Comédie hilarante portant avec brio le génie de Goscinny et d’Uderzo à l’écran, elle est également identifiée par l’humour absurde, décalé et très référencé d’Alain Chabat qui a su réinterpréter la bande dessinée qu’il aimait tant. Particulièrement ambitieux pour un film français, l’opus dispose de nombreux codes hollywoodiens et bénéficie d’un casting quatre étoiles composé de stars des petit et grand écrans.

Culte dans chacune de ses scènes, Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre est un chef d’œuvre à qui chacun doit “respect et robustesse”.

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