Six Jours, Sept Nuits
Le synopsis
La critique
Vouloir ajouter une dose de péripéties dans une comédie romantique, c'est bien. Savoir doser ces rebondissements et proposer un film qui se tienne dans la longueur, c'est mieux ! Et ce n'est malheureusement pas le cas de Six Jours, Sept Nuits, situé à la frontière entre le film d'aventure et la comédie romantique. Bien que l'opus offre quelques sympathiques moments de drôlerie, servis par un bon casting, le tout dans un cadre dépaysant et exotique, il n'est cependant pas exempt de défauts. Il se regarde ainsi sans déplaisir pendant sa première moitié, puis tend à se perdre en route dans la seconde, au point d'en devenir lassant et de peiner à garder l'intérêt du public.
Le film est l'œuvre du réalisateur canadien Ivan Reitman, dont le nom est loin d'être inconnu aux cinéphiles. Né le 27 octobre 1946 à Komárno en Tchécoslovaquie, il débarque au Canada à l'âge de quatre ans. Il s'initie à la réalisation de courts-métrages pendant ses études, avant de devenir producteur pour la télévision. C'est en 1971 que sort son premier film long-métrage, Foxy Lady. Après quoi, il enchaîne avec de nombreuses comédies : Cannibal Girls (1973), Arrête de Ramer, T'es Sur le Sable (1979) ou encore Les Bleus (1981). En 1984 sort l'un de ses plus grands succès : le cultissime SOS Fantômes. Le film a droit à une suite en 1989, puis à un remake au féminin en 2015 dont Ivan Reitman n'est que le producteur. La comédie reste, tout au long de sa carrière, son registre de prédilection, avec des films comme Un Flic à la Maternelle (1990) et Junior (1994) ou plus récemment Ma Super Ex (2006) ou Sex Friends (2011). Il est par ailleurs le père du cinéaste Jason Reitman, réalisateur de films comme Thank You for Smoking (2005), Juno (2007), In the Air (2009) ou Last Days of Summer (2013), et qui sera à la barre de la suite des SOS Fantômes originaux, prévue pour 2021.
Six Jours, Sept Nuits fait donc partie des très nombreuses comédies signées Ivan Reitman. Le film est toutefois loin d'être le plus mémorable dans la filmographie du cinéaste canadien. Rien de très étonnant à cela car il faut bien admettre qu'il ne réunit pas les éléments nécessaires pour vraiment convaincre le public de son intérêt. L'opus débute ainsi comme une comédie romantique classique, s'appuyant sur une galerie de personnages plutôt clichés, vus et revus dans les œuvres du même genre. La jeune femme citadine au fort caractère et obnubilée par son travail, le petit ami ultra romantique et qui essaie de se faire une place dans la vie bien remplie de sa dulcinée, la patronne qui semble n'avoir qu'une seule employée compétente dans son entreprise étant donné qu'elle ne jure que par elle...
Alors que le couple part passer quelques jours de vacances sur l'île de Makatea, dans le Pacifique Sud, la jeune femme, Robin Monroe, rédactrice pour un magazine féminin, est contrainte de s'absenter une journée afin de se rendre à Tahiti pour son travail. Elle fait donc appel au pilote qui les a conduits à Makatea : Quinn Harris. Un homme bourru, macho et porté sur la boisson. Leur avion se retrouve malheureusement pris dans une tempête tropicale. Après un atterrissage forcé sur une plage, l'appareil est endommagé et le duo se voit coincé sur une île inconnue et coupée du monde. À partir de là, l'aventure vient se mêler au romantisme pour un résulat en dents de scie.
Il faut bien admettre, cependant, que les acteurs choisis pour interpréter les rôles principaux sont bons et plaisants à retrouver pour le spectateur. Ivan Reitman leur fait camper des personnages très proches de la plupart de leurs rôles habituels. À commencer par Harrison Ford dans le rôle du pilote Quinn. Révélé en 1972 dans American Graffiti de George Lucas, il devient surtout célèbre grâce à son interprétation du personnage culte de Han Solo dans la trilogie originale Star Wars, qu’il retrouve en 2015 dans Star Wars : Le Réveil de la Force. Et ce alors même qu’il se destinait à arrêter le cinéma pour devenir charpentier. Il ajoute ensuite à son prestigieux C.V. le légendaire professeur d’archéologie Indiana Jones, dans la saga éponyme. Parmi ses films les plus célèbres figurent notamment Witness (1985), Le Fugitif (1993) ou Air Force One (1997). Dernièrement, il joue dans L’Appel de la Forêt (2020), adapté du roman de Jack London. Avec Six Jours, Sept Nuits, Harrison Ford retrouve donc un rôle d’aventurier, homme à femme un brin macho et au caractère bien trempé. Il excelle dans ce domaine et sa performance ne souffre d’aucune critique. Il livre également quelques savoureuses et cinglantes répliques dans la première moitié du film.
Face à lui, la comédienne Anne Heche, alors à l'apogée de sa carrière avant de tomber dans l'oubli depuis, s'en sort également plutôt bien. Après des débuts dans Les Aventures de Huckleberry Finn (1993), Mariage ou Célibat (1996) ou encore La Jurée (1996), elle est véritablement révélée au public grâce à son rôle dans Donnie Brasco (1997) aux côtés de Johnny Depp (Edward aux Mains d’Argent, saga Pirates des Caraïbes, Alice au Pays des Merveilles, Lone Ranger : Naissance d’un Héros). Elle enchaîne à l'époque les films à succès comme Volcano (1997), Souviens-Toi… L’Été Dernier (1997), Des Hommes d’Influence (1997) ou Psycho (1998), puis se fait de plus en plus rare à l’écran au tournant des années 2000. Pétillante, affirmée et très bavarde, elle rend son personnage attachant. Son jeu a cependant tendance à être poussé à l'excès, de façon parfois légèrement caricaturale. Elle n'en demeure pas moins à l'aise dans ce registre.
Dans le rôle de son compagnon Frank, David Schwimmer s’en sort lui aussi très convenablement. Connu du grand public pour le rôle du paléontologue Ross Geller dans la cultissime série F.R.I.E.N.D.S, ses incursions sur grand écran sont plutôt rares. Peuvent être cités Un Élève Doué (1999), 1943 L’Ultime Révolte (2002) ou une apparition dans John Carter (2012). En 2019, il est à l’affiche du film Netflix The Laundromat : L’Affaire des Panama Papers. Dans Six Jours, Sept Nuits, ses apparitions sont presque trop peu nombreuses pour les fans de la sitcom culte. Son personnage, quant à lui, est relativement proche de celui de Ross Geller dans F.R.I.E.N.D.S. Fou amoureux de celle qu‘il pense être la femme de sa vie, romantique, attachant. Certaines mimiques, l'expression de son regard et même certaines situations qu'il rencontre ne peuvent que faire penser à la série télévisée. À noter enfin une apparition de l’acteur Danny Trejo (Une Nuit en Enfer, saga Spy Kids, Predators, Machete, Opération Muppets) dans le rôle d’un pirate qui s’en prend aux deux naufragés.
Côté déroulement de l'histoire, le bilan s'avère un peu décevant. Si la première moitié du film se veut en effet efficace et les premiers pas des naufragés sur l'île relativement intéressants à suivre, tout bascule dès lors que Robin et Quinn commencent à en pincer l'un pour l'autre. Il faut dire que jusqu'à ce stade, le duo que tout oppose offre aux spectateurs d'agréables moments de drôlerie, notamment grâce aux réparties du personnage d'Harrison Ford qui font mouche. Mais lorsque la tendresse s'installe progressivement entre eux, l'humour s'évapore pour ne laisser place qu'à un romantisme forcé et à l'aventure.
Et de ce point de vue là aussi, Six Jours, Sept Nuits semble se perdre en cours de route. La tempête, le naufrage, les rencontres avec des animaux sauvages ou le besoin de trouver de la nourriture sont des péripéties que le public peut volontiers admettre. Elles sont d'ailleurs, dans l'ensemble, correctement amenées dans le récit et donnent lieu à des scènes sympathiques. En revanche, la seconde moitié du film introduit une bande de pirates, sortis de nulle part, qui décide soudainement de s'acharner contre les deux Robinson Crusoë en herbe. À partir de là, le scénario devient lourd tant les échanges avec ces méchants de fortune sont grossiers, sans parler du dénouement de cette mauvaise rencontre : totalement grotesque...
En fait, l'idée d'Ivan Reitman d'inclure une forte dose d'aventure dans une comédie romantique est, sur le papier, bonne pour essayer de renouveler le genre qui peut vite tendre à tourner en rond. Mais ici, force est de constater que l'aventure prend le pas sur les sentiments. Dans un registre similaire, Robert Zemeckis a par exemple davantage marqué les esprits, quatorze ans plus tôt, avec À la Poursuite du Diamant Vert (1984). Mais voilà, la sauce ne prend pas ! À tel point que le rapprochement entre Robin et Quinn, censé être le point d'orgue d'un tel film, est finalement mal amené. Pire, il plombe la dynamique installée jusqu'alors à travers l'opposition de Robin et Quinn. Leur amour naissant ne bénéficie définitivement pas de la même aura que celui de Richard Gere et Julia Roberts dans Pretty Woman (1990).
La bande originale de Six Jours, Sept Nuits est signée Randy Edelman, également à la baguette sur SOS Fantômes 2, Le Dernier des Mohicans, The Mask, Une Équipe de Nases !, L'Amour à Tout Prix, Les Légendes de l'Ouest, Angels : Une Équipe aux Anges, Shanghai Kid et sa suite ou encore, Underdog, Chien Volant Non Identifié. Rien de bien particulier à relever sur sa composition, qui accompagne efficacement le film, sans rester gravée dans les mémoires. Seul le thème principal, aux notes exotiques, trottine dans la tête dans les heures qui suivent le visionnage.
Six Jours, Sept Nuits sort aux États-Unis le 12 juin, sous label Touchstone Pictures. Le film signe un flop puisqu'il n'amortit que légèrement son budget de production aux États-Unis, de 70 millions de dollars, en n'en rapportant que 74 millions. Sa distribution à l'international sauve la mise et rapporte au final 164,8 millions de dollars. Sans surprise, l'opus est totalement absent des Oscars.
Laissant présager un petit film sympathique et sans prétention, Six Jours, Sept Nuits laisse malgré tout le spectateur sur un sentiment de frustration. À vouloir trop en faire en installant des péripéties saugrenues, il en oublie de développer efficacement la relation de son couple naissant et passe d'un humour savoureux à des gags grossiers tombant à plat. Il se regarde mais, au fond, finit par convaincre le public de lui préférer soit une véritable comédie romantique, soit un véritable film d'aventures, plutôt que cet hybride au dosage indélicat.