La Masterclass d'Au Royaume des Singes
L'article
Afin de promouvoir la sortie d'Au Royaume des Singes, The Walt Disney Company France a organisé dans ses locaux une projection presse suivie d'une masterclass menée par le réalisateur du film Mark Linfield, et la primatologue Emmanuelle Grundmann. Chronique Disney a été convié à cet évènement.
Au Royaume des Singes est le sixième film à porter le label Disneynature au cinéma en France, après Les Ailes Pourpres, Le Mystère des Flamants, Pollen, Félins, Chimpanzés et Grizzly. Un Jour sur Terre et Océans ont été distribués par Disneynature aux États-Unis tandis que La Marche de l'Empereur et Le Plus Beau Pays du Monde ne portent ce label qu'en vidéo.
Comme le rappelle Jean-François Camilleri (PDG de The Walt Disney Company France et Président Fondateur de Disneynature), chaque film Disneynature est l'occasion pour la firme de soutenir des Organisations Non Gouvernementales afin d'aider à la préservation des espèces menacées. Ainsi, Un Jour sur Terre a été l'occasion pour Disney de financer la plantation de nombreux arbres, ou encore
Océans a permis d'aider à la protection du corail des Bahamas.
Actuellement, Disneynature a quatre projets de films en cours, avec un calendrier de sorties s'étalant jusqu'à 2020.
Mark Linfield est le réalisateur du film. Si Au Royaume des Singes est le premier sur lequel il est le seul réalisateur (Alastair Fothergill se contente en effet cette fois-ci du statut de co-réalisateur), Mark Linfield a déjà co-réalisé Un Jour sur Terre et Chimpanzés, toujours avec Fothergill. Selon Mark, le cinéma reste le meilleur moyen pour les spectateurs d'apprécier la nature et les environnements sauvages, et il apprécie grandement que la France supporte traditionnellement la sortie de documentaires dans les salles obscures.
Suite à la réalisation de Chimpanzés, Jean-François Camilleri a demandé à Alastair Fothergill et Mark Linfield de se lancer dans un nouveau projet. Mark Linfield a alors repensé à un projet télévisé auquel il avait participé il y a dix-huit, au Sri Lanka, à Polonnâruvâ et a senti qu'un film fantastique pourrait être réalisé là-bas, en mettant en scène les macaques à toque dans la cité ancienne en ruine, parfaite pour une atmosphère des plus intéressantes. Il s'agissait d'ailleurs de sa première expérience de documentaliste et en vingt ans d'expérience, il considère ne jamais avoir trouvé de meilleurs acteurs que ces singes. En effet, il est facile pour les humains de s'identifier à eux car leurs relations sont comme un miroir des nôtres tant ils vivent des expériences similaires, passant par l'adolescence ou les premiers amours.
Chaque individu est un véritable personnage avec une personnalité distincte et des attributs physiques facilement identifiables (visage, coiffure), un autre atout de choix pour créer une histoire dramatique. Par exemple, si on laisse traîner un clipboard, Raja va l'observer sous tous les angles à la différence d'autres singes qui l'attaqueraient.
Le choix des acteurs du film a dépendu essentiellement du Docteur Wolfgang Dittus
qui observe ces macaques à toque avec son équipe depuis près de cinquante
ans, ce qui constitue la plus longue étude de primates sur le terrain jamais
entreprise. La célèbre primatologue Jane Goodall a également fait honneur de
sa présence à plusieurs reprises. Ainsi, les cinéastes se sont laissés
guider par ces scientifiques qui leur ont permis de mieux appréhender les
macaques qui, bien qu'ils semblent proches de par certains de leurs comportements, ne peuvent en réalité pas être appréhender aisément tels des êtres humains.
Wolfgang Dittus a formé toute une génération de biologistes au Sri Lanka qui ont pu être des assistants lors du tournage du film et qui ont pu anticiper au mieux les actions des singes afin de permettre de placer la caméra au meilleur endroit. Il est faux de croire que pour obtenir des images de comportements animaliers naturels, il suffit de se rendre là où aucun humain ne se trouve pour observer les animaux. En effet, ceux-ci seraient nerveux suite à l'arrivée de l'équipe de tournage et modifieraient leur comportement. À l'inverse, les macaques à toque étant habitués à la présence de l'Homme depuis des décennies, ils sont totalement à l'aise en leur présence et mènent leur vie telle qu'ils l'entendent.
Le grand thème principal devant être la lutte des classes sociales et notamment la place des femelles dans ce grand canevas, l'équipe avait besoin d'une femelle en bas de l'échelle sociale qu'elle pourrait suivre lors de sa lutte pour sa propre survie et celle de son petit. Un casting de plus de trente singes a été effectué avant de trouver Maya, l'héroïne du film final. Les nouvelles mères étant toujours très anxieuses (elles peuvent facilement se faire voler leurs petits ou même se les faire tuer), c'est grâce au caméraman Gavin Thurston qu'ils ont pu s'approcher à ce point de Maya et de son nouveau-né Kip. Directeur de la photographie du film, Gavin connaît Maya depuis sa petite enfance.
L'autre directeur de la photographie du film est Martyn Colbeck qui a déjà beaucoup travaillé sur Chimpanzés (pour lequel il a obtenu le Wildscreen Panda Award de la meilleure photographie).
Les images aériennes ont été fournies par l'équipe de Michael Kelem, qui avait déjà travaillé sur la série documentaire Planète Terre et qui, pour l'anecdote, a souffert gustativement durant le tournage, détestant par-dessus tout le curry si présent dans la gastronomie locale.
Sur le terrain, à quelques personnes près, l'équipe de tournage se limitait ainsi à ces personnes, reflétant le modèle typique des productions de documentaires animaliers : une petite équipe sur place durant un très long tournage. Tout le contraire des productions hollywoodiennes qui ne peuvent se permettre de payer les stars durant de longues périodes. Au Royaume des Singes a été conçu en près de mille jours de tournage, durant lesquels les membres de l'équipe passent plus de temps entre eux qu'avec leurs propres conjoints.
Chacun a son moment préféré lors du tournage d'un film comme celui-ci mais, à l'évidence, la séquence de l'envol annuel des termites tient une place particulière tant elle fut un moment magique pour tous. Cela faisait des années que Mark Linfield essayait de filmer une telle scène, et ce, dans plusieurs pays différents, en vain, celle-ci se déroulant souvent en pleine nuit. Le tournage de cette séquence ne fut
d'ailleurs pas de tout repos, l'équipe ayant dû être très réactive pour obtenir toutes les images souhaitées en peu de temps. Ainsi, cette journée énergique de tournage contraste grandement avec le résultat final évoquant un moment magique paisible.
L'une des requêtes de Jean-François Camilleri était de faire du film un Livre de la Jungle dont les singes seraient les vedettes.
Il était donc nécessaire d'y incorporer d'autres animaux que les macaques à toque. Et parmi les différents animaux filmés, il y a les ours. Des caméramen allemands, prêts à tourner six mois durant pour une minute trente d'images dans le film, ont été chargés du projet. Ces ours vivant dans une grotte étant dangereux, il fallait y camoufler des caméras à l'intérieur durant leur absence. Ainsi, le producteur de terrain Oliver Goetzl installait une caméra dans la grotte pendant que d'autres membres de l'équipe faisaient le guet, dans l'attente du retour des ours. À leur arrivée, Oliver devait s'échapper au plus vite et attraper sa console lui permettant de télécommander la caméra à distance. Parfois, un ours lèche ou griffe l'objectif de la caméra, allant jusqu'à rayer une lentille d'une valeur de trente mille dollars. Il aura fallu patienter durant un mois pour obtenir des plans de la maman ourse avec ses petits et réussir à filmer l'incroyable scène de la mère hydratant ses oursons avec sa salive.
L'une des particularités d'Au Royaume des Singes est de montrer les macaques dans des scènes de ville. L'urbanisation gagnant de plus en plus de terrain sur la jungle, les singes s'adaptent et font preuve de ressources étonnantes. Ceux au plus bas de l'échelle se reconnaissent dans ces situations car ils sont bien plus débrouillards et prennent plus de risques que ceux habitués à tout obtenir sans effort. Tandis qu'en forêt, les singes trouvent les œufs dans les nids, ils apprennent à les voler en cuisine en ville. L'équipe de tournage se positionnait sur le toit d'un bâtiment d'où ils observaient les macaques en tentant d'appréhender leur trajet. Ils assisteront à des scènes des plus improbables, notamment celle avec le chien jouant avec les macaques.
En soi, si cela paraît amusant, observer ces singes en pleine ville est l'illustration d'un problème grandissant : celle de la réduction des espaces naturels. Et si les macaques à toque s'adaptent, d'autres ne le peuvent pas et disparaissent discrètement tels l'espèce d'ours du film.
De la sorte, si le film ne martèle pas de message écologique évident, un réel message de conservation l'anime.
Mark Linfield souhaite que les gens apprécient et respectent ces animaux après avoir vu ce film et espère pouvoir emmener un jour son fils de sept ans les voir sur place.
Il dit avoir choisi de finir son histoire par la séquence des singes plongeant dans l'eau sur l'air de So Alive car ils ont compris que durant cet instant, ils ne sautaient pas pour boire ou chercher de la nourriture mais uniquement par plaisir et par jeu. Ce comportement les identifie encore plus
à ceux des hommes. Entre les macaques à toque et les être humains, il y a définitivement plus de similitudes que de différences.
La primatologue Emmanuelle Grundmann a ensuite pris la parole afin d'apporter toute son expertise sur le sujet. Primatologue réputée notamment sur les grands singes, elle a également
cotoyé certains types de macaques.
Les singes la fascine de par leur hiérarchie stricte, leurs stratégies politiques (coups d'états, alliances) facilitant de nombreux parallèles avec les humains.
Chaque individu étant distinct, il est donc facile de les suivre. Mais attention, il n'est pas envisageable de tromper le spectateur en filmant des individus différents en faisant croire à un seul et même personnage.
Les langurs, également présents dans le film, ne se nourrissent que de feuilles et ont ainsi besoin de très grandes quantités de nourriture. Ils passent énormément de temps à manger et digérer, ce qui rend leur observation assez ennuyeuse car, bien que vivant en groupe, leur mode de vie ne leur laisse que peu de temps pour intéragir entre eux. C'est tout le contraire qui se passe avec les macaques qui, eux, sont omnivores, et vivent des aventures passionnantes et variées tout le long de chaque journée, illustrant avec force le thème des aristocrates contre le reste de la population.
L'Asie du Sud-Est est propice à de fascinantes incursions en ville. Les macaques s'y rendent pour voler de la nourriture et même parfois s'y installer comme en Thaïlande ou même à New Delhi, la capitale indienne, où des macaques rhésus agressifs sont entrés dans les bureaux du Parlement. Une patrouille spéciale de singes langurs y a même été créée par les autorités pour les chasser. La relation entre les humains et les singes reste
ambigüe car, s'ils volent et saccagent régulièrement, ils sont vénérés notamment par les Hindous, ceux-ci étant sacrés et liés à l'épopée du Ramayana (des macaques menés par le langur Hanuman délivrent la princesse Sita retenue prisonnière
du démon Ravana). En Afrique du Sud, la cohabitation avec les babouins est plus costaud, aucun mythe ne les vénérant.
Plusieurs centaines de primates sont en danger à travers le monde. La menace majeure est la réduction de leurs habitats, le trafic d'animaux (ils peuvent,
en effet, être capturés pour expérimentation médicale ou même être consommés en Afrique ou en Amérique)...