Le Meilleur

Le Meilleur est un sympathique petit film, à la fois comédie musicale de hip-hop et parcours de vie, où un jeune garçon doit en apprendre plus sur son père afin de mieux se connaître lui-même.

L'ouverture historique le 12 novembre 2019 de Disney+, une plateforme de service de vidéo à la demande par abonnement créée par The Walt Disney Company, est un tournant aussi stratégique qu'historique pour le studio aux grandes oreilles. Actant le nouveau comportement des (télé)spectateurs qui délaissent la télévision linéaire pour un nouveau type de consommation de flux audiovisuels, Disney+ a alors deux objectifs à son ouverture. D'une part, elle remplacera à terme les sorties en vidéo des films cinéma sur support physique dont le grand public s'est détourné, préférant en majorité l'achat en digitalisé. D'autre part, elle permettra à Disney de revenir sur des genres de films qu'il avait désertés en salles faute de succès comme les modestes comédies dramatiques.

Les films Disney à petit ou moyen budget, qui étaient proposés il y a encore quelques années sur grand écran, sont donc désormais réorientés pour une sortie directement sur sa plateforme. Le choix est compréhensible car le public préfère malheureusement se déplacer en salles de plus en plus pour des franchises qu'il connaît bien. Les studios Disney se contentent alors de lancer uniquement au cinéma des films à gros budgets, certes aux risques plus importants mais aux retours sur investissement conséquents. Le problème de cette politique est que le label Disney s'est concentré sur un seul type de fictions, délaissant des genres qui faisaient la part belle de son catalogue au cinéma les décennies précédentes : la comédie, les films d'adolescents, les films sportifs, les aventures humaines ou la science-fiction aux ambitions modestes. Malheureusement, la récente purge du catalogue Disney+, qui comprend nombre de ces petits films, montre que les spectateurs les délaissent toujours autant. Le public, en pleine contradiction, s'énerve à longueur de temps de l'inutilité des remakes en prises de vues réelles mais snobe de façon presque systématique chaque proposition audacieuse et originale que le label Disney propose. Le retrait en à peine six semaines du joli film Le Cratère, faute de visionnages, l'a encore prouvé de façon flagrante.

Le Meilleur est une idée d'Utkarsh Ambudkar, un acteur, chanteur et rappeur qui s'essaye ici aussi au rôle de scénariste et de producteur. D'origine indienne, il est né le 8 décembre 1983 à Baltimore et fait des études d'arts, décrochant son diplôme en 2004. Abonné aux seconds rôles, Utkarsh Ambudkar participe à deux projets pour Walt Disney Pictures : en 2020, il devient Grant dans Marraine ou Presque, puis Skath dans le remake live-action Mulan... même si sa scène est finalement coupée au montage ! La même année, il double le personnage de Chikku dans la série Disney Junior Mira, Détective Royale. En 2021, il participe au film Free Guy de 20th Century Studios tandis qu'il est également vu en 2022 sur Hulu dans la mini-série The Dropout et le film The Drop. Enfin, en 2023, il double le personnage d'Anand dans la série Moon Girl et Devil le Dinosaure de Disney Television Animation.

Utkarsh Ambudkar présente son pitch au président des Walt Disney Studios, Sean Bailey, dans l'idée d'en faire un film pour la plateforme Disney+. L'ayant convaincu, il travaille alors avec Jamie King pour peaufiner le script. Les deux hommes se connaissent bien et collaborent déjà depuis plusieurs années ; leur amitié datant de l'époque où King est allé voir Ambudkar participer à une battle rap dans le bar Leopard Lounge de New York, aujourd'hui fermé, et qui apparaît dans le film. Il confie ensuite la réalisation à Roshan Sethi qui n'a lui qu'un film à son actif, 7 Days en 2021, mais qui est surtout connu pour être le créateur de la série Le Résident sur la chaîne Fox. Utkarsh Ambudkar fait aussi venir sur le projet d'autres amis, notamment Thomas Kail et Kate Sullivan en tant que producteurs mais aussi Charlie Bethel en qualité de compositeur des chansons.

Au premier abord, Le Meilleur semble être un énième film sur un jeune intello, doué en mathématiques, poussé par sa mère mais rejeté par ses camarades et tête de turc du caïd de l'école. Son rejet et sa mise à l'écart deviennent même complets quand son meilleur ami Max préfère prendre du champ vis-à-vis de lui. Il veut en effet séduire une jeune fille et doit pour cela intégrer le groupe des élèves populaires. Le pauvre Prem se retrouve donc seul, sans personne à qui parler, mise à part l'étrange Claire, également championne de mathématiques, qui continue elle de lui adresser la parole. Le jeune garçon va donc se rebeller afin d'essayer de devenir à son tour populaire. Il est persuadé d'avoir d'autres aptitudes, au-delà d'être surdoué en mathématiques. Sur le papier, l'entame de récit semble donc accumuler les clichés, allant jusqu'à proposer le meilleur ami grassouillet, l'intellectuelle à couettes et joueuse de contrebasse, tandis que le héros sérieux porte bien sûr une chemine boutonnée jusqu'au col, souvent à carreaux, agrémentée d'un gilet et de lunettes. Le spectateur se croit alors devant un film lambda, très caricatural sur la vie d'un bon élève. Heureusement, il s'avère bien plus que ça...

Au-delà de son vernis, Le Meilleur offre en effet une vraie réflexion sur la figure paternelle et le deuil. Prem, à 12 ans, n'a pas de souvenir de son père, Suresh, mort d'un cancer lorsqu'il était très jeune. Sa mère Priya refuse de parler de lui, se réfugiant plutôt dans la routine de la vie de tous les jours pour ne pas à avoir à affronter son propre chagrin et les souvenirs qui remontent. Le jeune garçon a donc grandi sans l'image de son paternel mais celle-ci devient primordiale quand un devoir d'école lui demande de réfléchir à celui qu'il est réellement. Mais comment se définir sans savoir qui était réellement son père ? Le film pose ainsi cette question touchante et y répond de façon très imagée via une idée parfaitement aboutie. Prem retrouve en fait un carton rempli des affaires de Suresh que sa mère gardait bien caché dans sa chambre. À partir de cet instant, suite à un récit raconté par sa mère et effleurant le passé de son père, il s'imagine que ce dernier apparaît à côté de lui et lui prodigue des conseils. Cette apparition, à mi-chemin entre la visite d'un ange-gardien et d'un ami imaginaire, le suit alors partout. Ce n'est donc pas vraiment son père mais une représentation imaginaire mélangeant fantasmes et souvenirs. Ce père de substitution, venu de son subconscient, va ainsi l'aider à prendre de l'assurance, à mieux se connaître et à accepter la vérité aussi bien sur lui que sur ses parents.

Là où Le Meilleur étonne est que le film est en réalité une comédie musicale avec de nombreuses chansons extradiégétiques. Au lieu de proposer un long-métrage concert où Prem interpréterait ses compositions devant un public réel, le récit a la bonne idée de le faire imaginer en train de chanter. Ainsi, la grande majorité des morceaux musicaux vient de l'imagination du garçon, entraîné par son père chimérique. La première chanson est World's Best, qui donne son titre au film, et voit Prem et Suresh rentrer par la porte de la chambre du garçon dans une sorte de théâtre virtuel où ils donnent alors un faux concert. Work se déroule, elle, lorsque Prem se décide enfin à composer une chanson sur laquelle il se fait aider par Suresh. Halfway Livin' est surement la chanson qui reprend le plus les codes de la comédie musicale, avec une chorégraphie ambitieuse. Elle se déroule dans la cafétéria lorsque le garçon, discutant avec son père, imagine ce qu'il dirait aux élèves qui le persécutent. Avec Til I Find a Way, alors qu'il se rend au Leopard Lounge, le bar où son père s'est produit, Prem pense à ce que ce serait de chanter dans ce lieu mythique. Come Home est, quant à elle, une chanson interprétée en voix off par le père de Prem dépeignant les sentiments de son garçon d'abord quand il baisse les bras pour réaliser son rêve puis reprise à la fin du film quand son fils reprend confiance en lui. Enfin, Imaginary Number est entonnée par Prem et son père durant le concours de mathématiques. En plus de toutes ces chansons, il sera noté également My Time qui sert d'entame au long-métrage ainsi que Good Day et Do It Like That entendus durant le générique de fin.

Le casting vaut principalement pour ses deux acteurs principaux.
Utkarsh Ambudkar a clairement construit le film pour lui. L'artiste est donc vraiment comme un poisson dans l'eau. Il offre un personnage, basé sur une réalité fantasmée, qui peut se permettre des extravagances en étant à mi-chemin du père cool et du mentor excentrique. Ce positionnement lui permet ainsi de mettre en avant à la fois ses talents de comédien, de rappeur et de danseur.
Manny Magnus est, pour sa part, un Prem Patel vraiment convaincant. Arrivant à être le bon élève qui manque de confiance en lui, étant par ailleurs rejeté par ses camarades, il sait aussi se transformer durant ses séquences de rêves en bête de scène, doué et plein d'assurance. De plus, sa complicité avec Utkarsh Ambudkar est réellement palpable. Ils forment un duo particulièrement rayonnant.
Le reste du casting est, en revanche, plus décevant voire même anecdotique. La mère de Prem, Priya, est jouée par une Punam Patel qui a bien du mal à rendre son personnage chaleureux même si sur quelques scènes, elle arrive à porter une certaine émotion. Parmi les jeunes acteurs, Max Malas dans le rôle de Jerome, le meilleur ami de Prem, et Piper Wallace dans le celui de Claire, la camarade de mathématiques du héros, sont, pour leur part, un brin caricaturaux. Kayla Njeri et Dorian Giordano, les amis lycéens de Prem, sont eux bien plus sympathiques à défaut d'être très originaux dans leur personnalité.

Le Meilleur a plus à offrir qu'une simple comédie dramatique sur un premier de la classe rejeté et qui cherche sa voie. Il est surtout une comédie musicale innovante qui aborde de manière originale l'absence paternelle.