Australia
Titre original : Australia Production : 20th Century Fox Bazmark Date de sortie USA : Le 26 novembre 2008 Genre : Aventure |
Réalisation : Baz Luhrmann Musique : David Hirschfelder Durée : 165 minutes |
Le synopsis
Australie, 1939. À l’aube de la Seconde Guerre Mondiale, une aristocrate anglaise hérite d’un vaste ranch à la suite du décès de son mari. Afin de sauver la propriété de la concurrence et avec l’aide de ses employés, elle s’attache les services d’un Drover afin de livrer 1500 têtes de bétails jusqu’à Darwin et remporter l’appel d’offre de l’armée. |
La critique
Fresque épique, Australia est un véritable cri d’amour d’un réalisateur, Baz Luhrmann, à son pays.
Éternellement associé à la comédie musicale Moulin Rouge !, Baz Luhrmann est un réalisateur, producteur, scénariste et acteur australien exerçant dans les industries du cinéma, de la télévision, de l’opéra, du théâtre et de la musique. Né en 1962 de parents exerçant les professions de directeur de cinéma et de ballerine, il se passionne très tôt pour le milieu artistique. Après avoir suivi des cours de théâtre à l’Institut National des Arts Dramatiques australien en 1983, il écrit sa première pièce de théâtre intitulée Ballroom Dancing. Rencontrant un grand succès et s’exportant hors de son pays d’origine, le producteur Ted Albert propose alors à Baz Luhrmann d’adapter Ballroom Dancing pour le grand écran. Ce dernier acceptera l’offre à la seule condition d'en être le réalisateur : la carrière cinématographique du jeune australien est officiellement lancée !
Sorti en 1992, Ballroom Dancing lance ce que le réalisateur nommera la Trilogie du Rideau Rouge, composée de Ballroom Dancing mais également Roméo + Juliette et Moulin Rouge !, ces derniers débarquant en salles respectivement en 1996 et 2001. À la suite de cette première trilogie réussie, le réalisateur marque une pause cinématographique durant laquelle il présente au Broadway Theater de New York, sa propre production de La Bohème, célèbre opéra de Puccini en 2002 et réalise en 2004, No. 5, the film, l’une des publicités les plus chères de l’histoire pour la Maison Chanel. Publicité qui s’inspire de sa Trilogie du Rideau Rouge et dans laquelle, il retrouve Nicole Kidman.
Il revient au cinéma en 2008 avec le film Australia, véritable hommage à son pays d’origine et premier film de ce qu’il appellera la Trilogie Épique, composée donc de Australia, Gatsby le Magnifique, nouvelle adaptation du roman de F. Scott Fitzgerald, et enfin Elvis, film biographique sur le chanteur Elvis Presley, sortis respectivement en salles en 2013 et 2022. Chacun ayant été co-écrit avec le scénariste australien Stuart Beattie (Pirates des Caraïbes : La Malédiction du Black Pearl, Star Wars : Obi-Wan Kenobi). Durant cette période dédiée à sa deuxième trilogie, il développe également la série The Get Down pour Netflix en 2016, série coûteuse dont les critiques sont très mitigées, et réalise par ailleurs plusieurs publicités. En réalité, cette Trilogie Épique, qui se voulait à l’origine comme ouvertement romantique et épique, devait proposer trois films conduisant le spectateur en Russie, en Australie et au temps d'Alexandre Le Grand. Cependant, le film Alexander du réalisateur Oliver Stone avec Colin Farrell, sorti en 2004, conduit Baz Luhrmann à abandonner ce projet avec Leonardo DiCaprio et Nicole Kidman, alors même qu’un studio avait été construit au nord du Sahara. Baz Luhrmann vit alors avec sa famille à Paris et l’envie de se lancer dans un projet plus personnel, proche de chez lui et de « raconter son pays » s’impose à lui.
Le projet dénommé tour à tour Great Southern Land, Faraway Downs et enfin Australia, débute par six mois de recherche sur l’histoire générale du pays afin de donner une toile de fond à son histoire. Un temps envisagé, un film traitant de la Première Flotte, c’est-à-dire la période au cours de laquelle onze navires quittèrent la Grande-Bretagne en 1787 pour établir la première colonie en Nouvelle-Galles du Sud, fut abandonné, le réalisateur souhaitant explorer davantage la question des relations entre l’Angleterre et l’Australie, ainsi que celle des populations indigènes. Il est donc choisi de situer le film à l’aube de la Seconde Guerre mondiale et ainsi lier l’histoire du film à celle de la Génération Volée, durant laquelle des milliers d’enfants autochtones métis furent retirés de force à leur famille par le Gouvernement australien et les missions religieuses et assimilés à la société blanche au cours du XXe siècle.
En mai 2005, le casting se met en place avec en têtes d’affiche Nicole Kidman et Russell Crowe, tous deux acteurs australiens. L’année suivante, Russell Crowe quitte le projet. Un temps envisagé pour Heath Ledger, le premier rôle masculin est finalement proposé à Hugh Jackman. Après une longue pré-production en raison de conflits d’horaires et de problèmes budgétaires, le tournage débute enfin et se déroule durant cinq mois au cours du deuxième semestre de l’année 2007. Là encore, la production doit composer avec plusieurs éléments impondérables l’obligeant à prendre du retard : une épidémie de grippe équine confinant les chevaux du pays tout entier ; des pluies torrentielles (les premières en 50 ans) en Australie occidentale, là même où se trouvait le décor de la propriété centrale du film, Faraway Downs, amenant l’équipe à retourner à Sydney filmer les scènes en intérieurs le temps que le décor sèche ; ou encore la grossesse surprise de l’actrice principale.
L’histoire d’Australia prend place entre les années 1939 et 1942. Lady Sarah Ashley, aristocrate anglaise décide de se rendre en Australie où se trouve son mari. Ce dernier est à la tête de Faraway Downs, une vaste propriété en Australie occidentale, où il fait le commerce de bétail. Ayant pour objectif de l’obliger à vendre la ferme et rentrer en Angleterre, Sarah Ashley débarque à Darwin, où elle est escortée par un bouvier, le Drover, jusqu’à Faraway Downs. À son arrivée, elle découvre son mari assassiné, les autorités accusant un aîné aborigène appelé le Roi George. Prise d’affection pour la propriété, ses occupants et surtout Nullah, un petit garçon métis né d’une mère autochtone et d’un père blanc, Sarah Ashley persuade le Drover de monter une expédition pour conduire le bétail à Darwin afin de le vendre, et ainsi éviter que le concurrent direct de Faraway Downs, King Carney n’ait le monopole complet sur le bétail dans la région.
Lady Sarah Ashley est incarnée par Nicole Kidman. L’actrice australienne retrouve Baz Luhrmann après avoir incarné le personnage de la courtisane Satine dans Moulin Rouge ! et le personnage principal de la publicité No. 5, the film. Femme caricaturale et hystérique au début du film, voire même insupportable parfois, Nicole Kidman offre une belle évolution au personnage, non seulement dans son apparence mais aussi dans son comportement et sa réflexion. Présentant d’abord une charmante naïveté, elle rayonne, devenant plus forte et sûre d’elle, ouvrant son esprit et son cœur au fur et à mesure que le film progresse.
Hugh Jackman interprète le Drover. Acteur prolifique et éternel Wolverine dans la franchise cinématographique X-Men, il est aussi connu pour être un formidable acteur de comédies musicales que ce soit sur le grand écran (Les Misérables, The Greatest Showman) ou sur les planches. Il s’agit ici de sa première collaboration avec son compatriote Baz Luhrmann. Personnage complexe, le Drover est l’archétype de l’homme indépendant, sans attache, cachant sa vulnérabilité derrière un côté un peu rustre. Joli concentré de testostérone, les spectatrices (et spectateurs) ne pourront qu’apprécier la scène de la douche dans l’Outback, au même titre que Sarah Ashley dans le film.
Cowboy de métier, il vit en indépendant et conduit le bétail pour divers organismes. Tantôt exaspéré, tantôt amusé par Sarah Ashley, le Drover voit également son regard changer en une profonde admiration face au courage de cette Mrs Boss, telle que ses employés la surnomme. Mais tels une Scarlett O’Hara et un Rhett Butler, inspiration assumée de Baz Luhrmann, la délicate Lady et le robuste Drover tombent amoureux. L’une des forces du film tient évidemment de la très belle alchimie entre Hugh Jackman et Nicole Kidman. De leur rencontre explosive à leur premier baiser sous la pluie, chaque scène entre eux est électrique.
L’antagoniste du film, Neil Fletcher, homme de main et gendre de King Carney est incarné par l’acteur australien David Wenham, principalement connu pour son interprétation de Faramir dans la saga de Peter Jackson, Le Seigneur des Anneaux, et vu également dans Moulin Rouge ! ou Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar. Personnage brutal et froid, il offre un antagoniste parfait aux côtés de l’acteur australien, Bryan Brown (Les Oiseaux se cachent pour Mourir), qui incarne un King Carney aux abords polis et séducteurs mais en réalité un homme d'affaires impitoyable.
Mais le véritable atout de Australia réside en le personnage de Nullah, le petit garçon métis, qui incarne également le narrateur du film. Brandon Walters est un acteur aborigène australien, principalement connu pour son interprétation dans Australia. Rejeté par la société en raison de son sang mêlé, Nullah apporte de la profondeur et du cœur au film là où il pouvait en manquer, en incarnant à la fois la douce sagesse d’un ancien et le côté pétillant et innocent d’un enfant.
Présenté en avant-première mondiale à Sydney, le 18 novembre 2008, Australia offre un film grandiose au Pays des Kangourous. Les décors et les paysages sont époustouflants. Le spectateur y retrouve le style frénétique et surchargé d’un Moulin Rouge !, avec un montage parfois à la limite de l’épilepsie, des décors explicitement artificiels pour un rendu quelque peu kitsch, mais entièrement assumé. Il sera malgré tout regretté un ensemble quelque peu décousu. Outre la romance et l'aventure, le sauvetage de Faraway Downs qui constitue la première partie épique du film, l'opus s’attarde ensuite sur l'invasion japonaise à Darwin après Pearl Harbor, ses conséquences, la querelle entre les trois protagonistes principaux, ainsi que l’histoire des Générations Volées, qualifiée de « plus grande cicatrice » de l'histoire de l'Australie, ce qui confère au métrage un rythme global assez inégal durant les 2h35 que durent le film.
Il est ainsi dommage, alors même que Baz Luhrmann tenait tant à évoquer cette période terrible de l’histoire australienne qu'Australia manque de temps et de profondeur pour rendre pleinement justice à ces Générations Volées. Cependant, il sera souligné que le Gouvernement Australien, représenté par Kevin Rudd, alors Premier Ministre présentera officiellement des excuses nationales à l’ensemble des peuples autochtones pour « deux siècles d'atteinte à la dignité » et particulièrement pour les enlèvements forcés d'enfants autochtones australiens à leurs familles. Excuses finalement présentées le 13 février 2008, alors même que le film est en pleine post-production.
Néanmoins, malgré ses défauts, le spectateur ne peut qu’admettre que la cinématographie est superbe entre les couleurs sauvages de l’Outback australien et les scènes de pluies luxuriantes ; il saura également sans problème apprécier la belle alchimie entre ses deux personnages principaux, les grandes scènes d’actions et d’aventures telles que la panique du bétail ou le sauvetage des enfants, malgré des effets spéciaux quelque peu ratés. Mais encore une fois le tout avec son côté kitsch assumé... N’est-ce pas voulu de la part du réalisateur ? Les costumes sont également une très belle réussite, mais avec une Catherine Martin à la tête du département, le spectateur n’en attendait pas moins !
Catherine Martin est en effet une costumière, décoratrice et scénographe australienne de renom. Née en 1965, elle rencontre Baz Luhrmann durant sa dernière année à l’université et commence à travailler avec lui sur la production théâtrale de Ballroom Dancing. Cette première collaboration en appellera d’autres puisque Catherine Martin prendra en charge les départements des costumes et/ou des décors sur l’ensemble des productions de celui qui deviendra son mari. Au cours de sa carrière, elle reçoit de nombreuses distinctions dont quatre Oscars, six BAFTA Awards et un Tony Award.
La partition musicale est également à souligner. Elle apporte au film une cohérence et une allure majestueuse à l’ensemble, tout en intégrant quelques clins d’œil audio comme un ensemble de notes issues de la chanson iconique du (Le) Magicien D’Oz, Over the Rainbow, qui tient un rôle dans l’histoire de Nullah. Le compositeur est David Hirschfelder, australien de son état et connu pour son travail sur Ballroom Dancing, Elizabeth ou encore le film d’animation Le Royaume de Ga'Hoole : La Légende des Gardiens. Plusieurs artistes australiens participent également à la bande son comme John Butler Trio, Rolf Harris ou The Lawnmowers. The Drover’s Ballad, la chanson du générique de fin est composée et interprétée par Sir Elton John (Le Roi Lion). À l’occasion d’une rencontre, Sir Elton John avait alors demandé à Baz Luhrmann s’il avait besoin d‘une de ses chansons pour Australia. Ce à quoi, le réalisateur lui avait répondu : « Eh bien, il y a une scène dans le film impliquant un crocodile…».
À sa sortie, les critiques sont mitigées. Elles reprochent au film un manque d’originalité et sa longueur, malgré une production impeccable et des vues somptueuses. Aux Oscars, il ne sera d’ailleurs nommé que dans la catégorie Meilleurs Costumes. De plus, annoncé comme le long-métrage le plus cher jamais tourné en Australie avec un coût de 130 millions de dollars, dont 40 millions provenant du ministère du Tourisme, il lui est reproché d’être davantage une publicité pour le Tourisme Australien qu’un véritable film d’aventure. Côté box-office, Australia a eu davantage de succès auprès des marchés étrangers par rapport au marché américain, où il termine son premier weekend à la cinquième place derrière Quantum of Solace, Twilight, chapitre I : Fascination, Volt, Star Malgré Lui et Tout… Sauf en Famille, alors qu’il est numéro 1 en France, en Australie, en Espagne et en Allemagne et conservera cette première place durant plusieurs semaines. Bien que remportant un succès globalement modeste, il devient ainsi le deuxième film australien le plus rentable de tous les temps derrière Crocodile Dundee et devant Happy Feet.
Bien qu’imparfait, Australia est un film d’aventure romantique visuellement époustouflant, qui offre de très beaux moments avec un joli casting apportant une belle alchimie entre ses protagonistes. Traitant d’une période noire dans l’histoire de l’Australie, l'opus n’est cependant pas la hauteur de l’épopée qu’il s’efforce d’être.