L'Épouvantail
ou le Justicier aux Deux Visages
Titre original : Dr Syn : The Scarecrow of Romney Marsh Production : Walt Disney Productions Date de sortie USA : Le 11 novembre 2008 Série : Walt Disney Treasures - Vague 8 Genre : Épisode Télé Film "live" |
Présentation : Leonard Maltin Durée : 249 minutes |
Disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le contenu
L'Epouvantail - Episode 1
Genre : Épisode télé
Emission : Walt Disney's Wonderful World of Color
Saison 10 Épisode 17 Date de diffusion USA : Le 09 février 1964Durée : 50 minutes Réalisé par : James Neilson Musique : Gérard Schurmann et Terry Gilkyson L'Epouvantail affronte le General Pugh chargé d'arrêter les contrebandiers dans la région de Romney Marsh... |
L'Epouvantail - Episode 2
Genre : Épisode télé
Emission : Walt Disney's Wonderful World of Color
Saison 10 Épisode 18 Date de diffusion USA : Le 16 février 1964Durée : 50 minutes Réalisé par : James Neilson Musique : Gérard Schurmann et Terry Gilkyson Un des hommes de l'Epouvantail menace de le trahir... |
L'Epouvantail - Episode 3
Genre : Épisode télé
Emission : Walt Disney's Wonderful World of Color
Saison 10 Épisode 19 Date de diffusion USA : Le 23 février 1964Durée : 50 minutes Réalisé par : James Neilson Musique : Gérard Schurmann et Terry Gilkyson L'Epouvantail aide le fils du dignitaire du village emprisonné pour désertion à s'évader... |
Le Justicier aux Deux Visages
Genre : Long-métrage "live"
Date de sortie USA : Le 21 novembre 1975 Durée : 90 minutes Réalisé par : James Neilson Musique : Gérard Schurmann et Terry Gilkyson En ce milieu du 18 siècle, le Dr Syn, vicaire du Sussex, situé dans le comté de Romney Marsh, décide de se rebeller secrètement contre la force publique en devenant la nuit le justicier masqué, l'Epouvantail... |
La critique
Walt Disney a très vite compris l'impact du média télé et tout l'intérêt qu'il pouvait représenter pour sa Compagnie. Il décide ainsi de collaborer avec la chaîne ABC et produit, dès 1954, plusieurs émissions dont le sujet central est son parc à thème, Disneyland. En bon maître de cérémonie (et véritable VRP !), il enchante ainsi l'Amérique chaque semaine dans une émission qui traite sans détour les quatre thèmes du resort naissant. Fantasyland plonge le téléspectateur dans l'univers des films d'animation et cartoons. Adventureland sert de base aux documentaires animaliers ou géographiques (True Life Adventures, People and Places). Tomorrowland explore le futur et l'espace. Sans oublier Frontierland, vitrine des séries "western" avec, au sommet, le fameux Davy Crockett, dont, Disney, lui-même n'avait pas prévu l'immense succès. Alors que le feuilleton devient à chaque diffusion d'un nouvel épisode, un véritable phénomène de société et, par la même occasion, la toute première grande réussite de merchandising bien avant Starwars, le public constate avec effroi (au grand dam de Walt !) que son héros meurt au bout de seulement trois épisodes. Si le papa de Mickey réussit la saison suivante à relancer la série par un artifice de production, avec deux épisodes supplémentaires, il se convainc très vite à lui trouver un remplaçant.
Il est de notoriété publique que Walt Disney est un visionnaire, véritable passionné du futur. Ce n'est d'ailleurs que justice au regard du nombre d'innovations techniques et de nouvelles idées que le Maître de l'animation a fait sienne ! Ce que le grand public sait moins, en revanche, c'est que le papa de Mickey est aussi un fervent d'histoire. Francophile et au-delà, admirateur de la culture de la "vieille" Europe, il se passionne bien sûr tout naturellement pour l'histoire de son "jeune" pays et, plus particulièrement, du folklore américain. Toute son œuvre témoigne ainsi de sa volonté de comprendre le passé - et de chercher par la même à ne pas en reproduire les erreurs - pour mieux préparer l'avenir. Mais la télévision est sans aucun doute, pour Walt Disney, le terrain idéal pour la mise en images de sa passion du folklore américain, thème qu'il choisit très vite pour des miniséries télé comme Les neufs vies d'Elfego Baca ou Texas John Slaughter. En 1961, désireux d'obtenir de nouvelles opportunités sur le petit écran, il passe à la concurrence et choisit NBC, comme support de diffusion. L'émission qu'il anime change donc de nom et devient Walt Disney's Wonderful World of Color. Sa grande nouveauté est annoncée dans le titre : la couleur est désormais la règle. Elle évolue également dans son concept en abandonnant le format des miniséries de western dont le public s'est lassé pour mettre à l'affiche des téléfilms, qui, souvent en deux parties, permettent d'aborder une plus grande variété de thèmes... Elle se permet aussi dans ce nouveau format de raconter les histoires venant de la vieille Europe ; l'histoire du Dr Syn en étant un merveilleux exemple.
Le Dr Syn est un personnage de fiction tiré d'une légende elle-même
construite à partir d'un fond de vérité. Son histoire est ainsi basée sur la
contrebande qui sévissait au 18ème siècle dans le sud de l'Angleterre. Les
taxes instaurées par Georges III étant trop élevées, un marché noir s'était en
effet organisé sur l'entrée illégale de denrées de première nécessité à des prix
défiants toute concurrence, faisant le bonheur des fermiers locaux, au nez et à
la barbe des représentants du Trésor, soutenus eux par l'armée.
Les contours du personnage du Dr Syn ont été formalisés en 1915 par l'écrivain
britannique Arthur Russell Thorndike. Frère de l'actrice Dame Sybil Thorndike,
il nait le 6 février 1885 à Rochester en Angleterre. Après ses études, il
s'engage avec sa sœur dans une compagnie théâtrale et part en tournée dans le
monde entier dont les Etats-Unis, l'Afrique du Sud et l'Asie. Pendant son
périple, il prend le temps de livrer son tout premier roman d'aventures, Dr
Syn, élaboré dans des conditions que la légende veut rocambolesques.
Incapable de trouver le sommeil la nuit suivant un meurtre resté non élucidé
dans son hôtel, livré avec sa sœur aux affres de l'insomnie, il s'occupe tant
bien que mal en imaginant des histoires. De ses divagations, nait le Dr Syn dont
l'action sera située dans le comté de Romney Marsh, bien connu d'Arthur Russell
Thorndike pour y avoir séjourné. Il continue ensuite sa carrière d'acteur, au
théâtre et au cinéma mais n'abandonne pas pour autant la plume. Vingt ans après
son premier succès, il décide ainsi d'écrire de nouvelles aventures du Dr Syn
qu'il intercale entre les événements du premier livre, son héros mourant dans ce
dernier. Il rédige au total six autres tomes : Doctor Syn On The High Seas
(1935), Doctor Syn Returns (1936), The Further Adventures Of Doctor
Syn (1936), Courageous Exploits of Doctor Syn (1938), The Amazing
Quest Of Doctor Syn (1939), The Shadow of Doctor Syn (1944). Il meurt
le 7 novembre1972 à l'âge de 87 ans.
En 1960, l'auteur américain, William Buchanan, reprend le personnage du Dr Syn dans son roman Christopher Syn. Il s'agit là principalement d'une refonte du livre The Further Adventures Of Doctor Syn, de Russell Thorndike. La fin est ainsi différente et les personnages secondaires prennent de nouveaux noms. Walt Disney découvre grâce à cet opus le personnage dont il juge le profil et les aventures passionnantes. Il décide immédiatement d'en acheter les droits d'adaptation. La négociation est si rapide qu'il apprend seulement après que la société de production Hammer Film élabore déjà un film sur le même thème. Walt Disney tonne, et défendant les intérêts de son studio, obtient auprès de son concurrent le changement du nom du personnage principal. En 1962, Hammer Film sort donc Captain Clegg (Night Creatures en V.O.) reprenant ici le nom sous lequel, dans le roman originel de Thorndike, le Dr Syn se faisait passer en tant que pirate des mers, avant de devenir le Scarecrow ; le personnage principal s'appelant lui Parson Blyss. Walt Disney délaissera pour sa part l'épisode de pirates de la vie du Dr Syn et focalisera son adaptation sur sa période en tant que The Scarecrow.
Walt Disney lance la mise en production de Dr Syn aux débuts des années 60. Souhaitant apporter au film une grande touche d'authenticité, il déporte le tournage en Angleterre, précisément dans le comté de Romney Marsh. Fidèle à ses principes, le Maître se donne les moyens de ses ambitions et traite l'œuvre indépendamment de son support de diffusion. S'il recherche avant tout la qualité éditoriale, il voit également d'un bon œil la possibilité, une fois la fiction réalisée, de la proposer, au choix, sur le petit ou grand écran. Il filme ainsi assez de matières pour tenir trois longs épisodes de 45 minutes destinés à la diffusion télé sur le marché américain mais utilise aussi le format cinéma, histoire de présenter le long-métrage dans les salles obscures à l'international, en France et Grande-Bretagne notamment.
Côté scénario, Walt Disney fait adapter les romans en conservant leur essence tout en se concentrant sur l'épopée Scarecrow dont il change certains rebondissements. Ayant tiré les conclusions qui s'imposent de son erreur avec Davy Crockett, qui a le mauvais goût de passer trop vite de vie à trépas, il conserve, cette fois-ci, son personnage principal bien vivant. Il intervient aussi considérablement dans les rôles secondaires, privant par exemple le Dr Syn de prétendante mais rajoutant au contraire l'amourette de la fille du dignitaire local avec le jeune lieutenant de l'armée. Au final, de l'Epouvantail énigmatique à souhait, à son bras droit, Mr. Mipps qui partage avec John Banks, le plus jeune fils du dignitaire, le secret de son identité, à sa sœur, Katharine Banks, amourachée du sympathique Lt. Philip Brackenbury, en passant par le bon Squire Thomas Banks, haut dignitaire du comté de Romney Marsh dont le fils ainé Harry est enrôlé de force dans la Navy depuis 4 ans, sans oublier l'autoritaire et parfaitement antipathique General Pugh ; toute la galerie de personnages fait mouche et séduit le spectateur épaté devant le soin donné à la qualification des intervenants.
Les acteurs livrent
d'ailleurs des prestations de haute tenue. Le premier d'entre eux, Patrick
McGoohan, semble fait pour le rôle du Dr Syn. Il adopte en effet une attitude
douce et pausée en tant que vicaire mais devient redoutablement déterminé mué en
l'Epouvantail. La violence se ressent dans les gestes et le timbre de voix,
dotant le justicier d'un rire l'amenant aux portes de la folie furieuse. Il
maintient ainsi l'ordre par la terreur alors même que ses valeurs l'empêchent de
tuer qui que se soit, limite morale dont il organise précieusement le secret.
Connu du grand public pour son rôle dans la série Le Prisonnier, Patrick
McGoohan est un familier des productions de la compagnie de Mickey, que cela
soit pour le label historique avec
Les Trois Vies de Thomasina (1963) ou
sa filiale Touchstone avec Baby... Le Secret
de la Légende Oubliée (1985). Il a, plus récemment encore, prêté sa voix à Billy Bones dans
La Planète au Trésor.
George Cole endosse, pour sa part, le rôle de Mr. Mipps. D'un physique peu
avenant, il campe à merveille un personnage finalement charismatique, qui
surprend son monde par sa capacité à se rendre parfaitement sympathique.
L'acteur apparaitra dans un autre téléfilm pour Disney, deux ans plus tard,
The Legend of Young Dick Turpin (1966)
Enfin, Sean Scully, connu pour ses prestations dans le téléfilm, Le Prince et le
Pauvre (1962) et le film Almost Angels (1962) assume avec brio le personnage
de John Banks, permettant notamment aux jeunes téléspectateurs de s'identifier
merveilleusement à lui.
L'Epouvantail ou Le Justicier aux Deux Visages témoigne, une fois encore, de l'incroyable talent de Walt Disney pour dénicher des œuvres classiques et les porter à l'écran de la meilleure manière. L'adaptation des aventures du Dr Syn, qu'elle soit pour le petit ou le grand écran, est en effet aussi intelligente que passionnante.
Dès lors, il est incroyable de constater le peu d'engouement de la compagnie Disney pour proposer ses pépites au grand public. Le téléfilm n'a, il est vrai, eu droit qu'à deux sorties en VHS dans les années 80 ; l'une aux Etats-Unis de 129 minutes constituée des épisodes mis bout à bout sans les introductions de Walt Disney et l'autre, en Angleterre dans sa version cinéma. L'Epouvantail ou Le Justicier aux Deux Visages a été ensuite remisée au placard sans aucune autre forme de procès. En 2004, une première édition en DVD est toutefois annoncée mais pressentie sans bonus. Elle est, au tout dernier moment, annulée. Finalement, l'édition arrive en double DVDs, insérée dans la merveilleuse collection des Walt Disney Treasures. Le studio, pour l'occasion, met les petits plats dans les grands, restaurant avec soin les images et le son. Les épisodes télé y sont proposés - de façon inédite - en 16/9 tandis que le film sorti en Angleterre est lui aussi présent. Le bonheur tient décidément à peu de choses ! Malheureusement, la fête est rapidement gâchée par la limitation de la vague 8 à 39 500 exemplaires, alors même que les seules précommandes effectuées par les clients auprès des distributeurs atteignaient des sommets. Le titre s'est ainsi épuisé en seulement trois petites semaines, une véritable hérésie commerciale doublée d'un mépris évident du public... Désespérant !