Aucun Diable, Juste un Dieu
Daredevil - Tome 2
Éditeur : Panini Comics Date de publication France : Le 14 octobre 2020 Genre : Comics |
Auteur(s) : Chip Zdarsky (Scénariste) Lalit Kumar Sharma (Dessinateur) Jorge Fornés (Dessinateur) Julian Totino Tedesco (Couvertures) Nombre de pages : 112 |
Le sommaire
• Introduction • Daredevil Vol. 6 #6 (2019) • Daredevil Vol. 6 #7 (2019) • Daredevil Vol. 6 #8 (2019) • Daredevil Vol. 6 #9 (2019) • Daredevil Vol. 6 #10 (2019) • Couvertures alternatives • Les auteurs |
La critique
>« Je pensais faire le bien, mais ce n’était qu’un torrent de violence mêlé d’une vaine bonté… »
Après avoir relancé brillamment la série dans Connaître la Peur, Chip Zdarsky s’attelle à poser un peu plus les bases de son run avec ce deuxième tome, Aucun Diable, Juste un Dieu. Ce tome de transition s'avère vite moins porté sur l’action que le précédent, s’intéressant cette fois-ci plus à Matt Murdock qu’à Daredevil et faisant ressortir les thèmes dominants du scénariste, où les jeux de pouvoir et de manipulation se confondent avec la nécessité d’existence - ou non - du Diable de Hell’s Kitchen.
Il faut dire que Chip Zdarsky aime faire parler ses personnages et s’en donne ici à cœur joie. Très bavard, le volume reprend quelques semaines après la fin de Connaitre la Peur. Matt Murdock, après la recommandation (ou menace) de Spider-Man de ne plus être Daredevil, a rangé le costume pour de bon et se focalise sur son travail d’agent de libération conditionnelle. Si la situation a des effets bénéfiques pour lui, il n’est pas le seul à être impacté par l’absence du héros dans les rues. Le récit suit ainsi en parallèle Wilson Fisk, Caïd de la pègre et maire de New York, et le détective North Cole, personnage introduit dans le précédent album, obsessionnel et auto-investi d’une quête de justice sans demi-mesure. Derrière les apparences, les faux-semblants, voire l’hypocrisie, ces trois personnages sont confrontés à leur véritable envie et besoin. L’auteur, en crescendo, les fait passer par différentes phases, lie les différents arcs narratifs pour accéder à de nouveaux états de fait. Avec Chip Zdarsky aux commandes, la série Daredevil donne vraiment la sensation d’être planifiée sur le plus ou moins long terme. Aucun Diable, Juste un Dieu n’est pas « la petite aventure de la semaine ». C’est une histoire posée, intéressante, qui développe plusieurs protagonistes. L’album se conclut ainsi de façon explosive et pose pour de bon ce qui semble être le cœur même du run de Zdarsky.
Même si la recette, pour un lecteur habitué du Diable Rouge, peut sembler familière, l’auteur arrive à se l’approprier et la rendre personnelle. Les inspirations ou hommages aux précédents scénaristes se ressentent mais Chip Zdarsky a son style, sa plume et sa façon d’aborder les différents sujets présents. Ce temps de pause sans véritablement voir Daredevil masqué - si ce n'est quelques instants où Murdock ne peut tourner la tête et se doit d'intervenir - offre des scènes savoureuses avec Matt, contraint par exemple « d'affronter » verbalement la tête de famille d’un clan criminel qui sévit dans Hell’s Kitchen lors d’un repas d’apparence anodine, de questionner pleinement l’existence ou non de Dieu et de devoir accepter son handicap, autant don que malédiction. La remise en question du personnage, conséquence directe de ses actions dans le précédent album, se suit avec réel plaisir grâce à un vrai sens du rythme, du découpage et du langage. Que faire avec des capacités qui empêchent d'ignorer le mal et la violence dans les rues ? Là aussi, le paradoxe de Matt Murodck, homme de loi et de foi mais hors-la-loi et violent, est interrogé. Mais à coté de ça, il conserve, sous la plume de Zdarsky, un fort capital sympathie, un coté charmeur et séducteur, et une réelle bienveillance.
Après l’excellent Marco Checchetto aux dessins du premier tome, deux artistes le remplacent sur Aucun Diable, Juste un Dieu : Lalit Kumar Sharma pour les numéros #6 à #9 et Jorge Fornés pour l'issue #10. Deux styles complètement différents qui tranchent avec l’approche de Checchetto. Si lors de son passage rapide, Jorge Fornés arrive à transmettre un dynamisme et une vraie puissance grâce à son style minimaliste et son découpage narratif visuel intéressant, Kumar Sharma est un peu en deçà et son trait, plus marqué, parfois trop, surtout dans certaines postures ou proportions, peut finir par lasser. Cette sensation aide à conférer à l'album son aspect transitoire, avant le retour du maestro Checchetto pour le troisième tome. Néanmoins, transitoire ne rime pas avec dispensable, et Aucun Diable, Juste un Dieu a suffisamment de qualité pour confirmer l'excellence de la série. C'est même salutaire de voir un comics être capable de changer de rythme pour quelques numéros tout en développant plusieurs sous-intrigues qui enrichissent considérablement le fil rouge principal.
Daredevil - Tome 2 : Aucun Diable, Juste un Dieu assure les arrières d'une série déjà solide. Le développement de ses personnages y est intéressant, les thématiques abordées accrochent et le savoir-faire impeccable de son auteur termine par convaincre. Si l'aspect graphique est quelque peu décevant et que son postulat lui donne un aspect d'interlude, les pièces sont bien en place sur l'échiquier pour la suite...