Connaître la Peur
Daredevil - Tome 1

Daredevil - Tome 1 : Connaître la Peur
La couverture
Éditeur :
Panini Comics
Date de publication France :
Le 24 juin 2020
Genre :
Comics
Auteur(s) :
Chip Zdarsky (Scénariste)
Marco Checchetto (dessinateur)
Julian Totino Tedesco (couvertures)
Nombre de pages :
120

Le sommaire

• Introduction
• Daredevil Vol. 6 #1 (2019)
• Daredevil Vol. 6 #2 (2019)
• Daredevil Vol. 6 #3 (2019)
• Daredevil Vol. 6 #4 (2019)
• Daredevil Vol. 6 #5 (2019)
• Couvertures alternatives
• Les auteurs

La critique

rédigée par
Publiée le 06 novembre 2020

« S’il y a une personne ici qui sait à quel point vous les frappez avec une précision chirurgicale, c’est bien moi. »
Daredevil est de retour ! Après l’interlude Daredevil : L’Homme sans Peur, la série principale reprend sous la plume de Chip Zdarsky. Retour aux sources, et à un Matt Murdock plus brutal, complètement assumé par le scénariste. Daredevil : Connaître la Peur est à la fois un bel hommage aux runs mémorables de Brian M. Bendis et Ed Brubaker tout en étant une introduction coup de poing efficace, pour un auteur bien décidé à marquer de sa patte la destinée de l’Homme sans Peur.

Daredevil est mort... C’est du moins ce qu’annonçait le dernier tome de la série écrite par Charles Soule avec Daredevil Legacy - Tome 3 : La Mort de Daredevil. Mais la mort est quelque chose de bien éphémère chez Marvel Comics et plus qu’un décès, il s’agissait en réalité d’une période de convalescence forcée, après que Matt Murdock eut pris de plein fouet un camion. Scène symbolique qui faisait écho à la genèse même du personnage, puisqu’enfant, c’est en sauvant un aveugle sur le point de se faire écraser par un camion que le jeune Matt reçoit dans les yeux des produits chimiques. Si son passage à l’hôpital, admirablement bien conté par Jed MacKay dans Daredevil : L’Homme sans Peur, était relativement court, cela permettait de montrer à quel point Daredevil a vécu une vie de combats et de blessures en tout genre, tout en questionnant à nouveau sa motivation et sa volonté. Sa rééducation plus ou moins faite, il repart ainsi par la fenêtre dans les rues de Hell’s Kitchen, bien décidé à sauver la veuve et l’orphelin (et casser quelques rotules dans la foulée).

Chip Zdarsky entame donc le début de son run avec ces éléments à prendre en compte, mais avec également une page relativement blanche pour envoyer le personnage là où il le souhaite. Dès les premiers instants, l’album contraste avec le style de Charles Soule et offre un tout nouveau regain d‘intérêt pour le Diable Rouge. La plume de Zdarsky se veut à la fois moins loquace par moments, mais plus pertinente et incisive que son prédécesseur. En une issue, il enchaîne en effet les scènes intimistes, romantiques, les échanges dans le présent, dans le passé, les affrontements et les altercations et introduit de nouveaux personnages et de nouvelles idées. Le début de l’histoire est simple : Matt se remet de son accident et décide de rendosser le costume. En essayant d’arrêter avec difficulté un braquage, il passe des criminels à tabac. Exténué, il rentre chez lui et apprend par la suite que l'un des hommes est décédé à l’hôpital à cause d‘une hémorragie cérébrale. Coup monté par ses adversaires ? Ou Daredevil est-il désormais un meurtrier ? Tout va s’enchainer pour plonger Matt Murdock dans une spirale vicieuse sans fin. Si l’idée est nouvelle, la thématique peut sembler similaire à ce qui caractérisait déjà Daredevil. La limite qu’un héros doit s’imposer, la violence qu’il utilise. À cela s’ajoutent aussi la remise en question de Matt, ses blessures, sa dépression. Mais l’exercice est si bien réalisé que tout l’album se développe à merveille, avec certes ce petit gout de déjà-vu, mais bien agréable à retrouver après plusieurs années d’un Daredevil plus joyeux et moins torturé (comme notamment dans les écrits de Marc Waid). Chip Zdarsky veut reprendre la recette gagnante pour son run et se lance frontalement dedans, dans la sueur et le sang de son héros.

Concernant la partie graphique, c’est l’Italien Marco Checchetto qui se charge des dessins. Son travail est absolument splendide et ajoute une grande valeur aux écrits de Chip Zdarsky. Souvent, des dessinateurs ont des styles un peu abstrait ou prononcé, qui peuvent déconcerter des lecteurs, voire les sortir de l’album. Marco Checchetto est l’inverse de ceux-là. Son style est, dans le meilleur sens du terme, classique, et magnifique. Daredevil : Connaître la Peur en devient encore plus abordable et accessible à tous. Les planches sont nettes, les visages sont détaillés, les postures en jettent… La colorisation agréable de Sunny Gho ajoute d'ailleurs à cette sensation de se sentir bien et à l’aise avec chaque page de l’album. Le lecteur en prend plein les yeux et peut admirer le travail de l’Italien, qui ne manque pas d’iconiser le Diable Rouge comme jamais, que cela soit lors des scènes d’action ou des quelques instants de contemplation, avec un Daredevil magistral en haut des gratte-ciels de Manhattan. Le duo Zdarsky/Checchetto, qui continue d’œuvrer ensemble sur la suite (même si le dessinateur passe parfois la main à d’autres artistes pour quelques numéros) laisse dès l’introduction de ce nouveau run une empreinte marquante.

Qui dit nouvelle équipe créative, dit relaunch éditorial traditionnel. Daredevil reprend donc sa numérotation à partir du Vol. 6 #1 aux États-Unis après un Vol. 5 (et d’autres numérotations en cours de run) qui concernait l’arc narratif de Charles Soule. C’est donc évidemment l’occasion idéale pour de nouveaux lecteurs qui veulent tenter de lire des aventures du Diable de Hell’s Kitchen sans se plonger dans les albums précédents. Daredevil : Connaître la Peur est dès lors une porte d’entrée solide, avec un bon scénariste aux commandes et un excellent dessinateur. Les inspirations de la série Netflix offrent aussi des points de repères et, même si un néophyte ne saisira pas toutes les allusions, Chip Zdarsky fait en sorte de contenir son récit pour ne perdre personne. Son style est très cinématique, les caméos d’autres personnages amènent des confrontations musclées jouissives, les dialogues sonnent juste et fort tandis que la narration est habile tout du long. Ce premier tome est à l'évidence du pur Daredevil, qui reprend volontairement l’essence même du personnage. Tout aussi intéressant, la vulnérabilité de Matt Murdock est poussée à son paroxysme grâce à l’intrigue principale et à toutes ces petites scènes montrant qu’il ne s’est pas remis de son accident. Daredevil tombe, se réceptionne mal, se voit désorienté ou se trouve en grande difficulté face à des braqueurs du dimanche (alors même qu’il a déjà « combattu Hulk, Ultron et des ninjas » comme il le dit lui-même). La conclusion offre quant à elle une piste intrigante qui ne donne qu’une envie : lire le deuxième tome - en octobre 2020 en France - et voir ce que Chip Zdarsky a en réserve.

Il est souvent dit que Daredevil est l'une des meilleures séries en cours chez Marvel Comics. Daredevil : Connaître la Peur en constitue une nouvelle preuve et offre au plus urbain des héros urbains une nouvelle aventure réussie qui n'est, pour le plus grand plaisir des inconditionnels, qu’une simple introduction à une histoire bien plus vaste.

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