Même Pas Mal !
(Dodgeball)
Le synopsis
La critique
Du Discobole de Myron à Le Mans 66 de James Mangold, le sport a, de tout temps, été une source d’inspiration inépuisable pour le monde artistique. Porteur de valeurs universelles (solidarité, coopération, surpassement de soi), le sport est aussi un vecteur important d’émotions à travers des moments, des instants mémorables ou des histoires extraordinaires. Qui n’a jamais ainsi, dans un stade ou devant une télévision, vibré, ressenti de la joie, du plaisir, de la colère ou de la frustration, selon le spectacle proposé par son équipe ? Le sport est en effet un spectacle et c’est sans surprise que le septième art y a puisé allègrement dès ses premiers instants. Depuis 1895, les films sportifs pullulent sur les écrans, évoquant soit en premier plan, soit au second, différents sports, qu’ils soient populaires ou plus discrets. En 2004, le scénariste Rawson Marshall Thurber choisit de baser le scénario de son prochain film sur un sport obscur, et toutefois connu par une grande majorité des lycéens : le dodgeball, ou plus communément appelé en français le ballon prisonnier ou la balle aux prisonniers. Produit par 20th Century Fox, l'opus sort aux États-Unis le 18 juin 2004, sous le nom Dodgeball : A True Underdog Story. En France, son titre évolue en Même Pas Mal ! (Dodgeball) pour sa sortie le 22 septembre de la même année.
En 2003, lorsqu’il propose le pitch de son film à 20th Century Fox, Thurber est un jeune réalisateur, inexpérimenté et inconnu du grand public. À son actif : simplement un film et une série de court-métrages. Le premier est le long-métrage The Band, sorti en 1999, qui raconte l’histoire d’une bande d’inadaptés et d’exclus jouant pour la fanfare du collège et se préparant pour le championnat national. Son deuxième projet est une série de courts-métrages publicitaires pour la marque de vêtements de sport Reebook. Dans Terry Tate, Office Linebacker, le spectateur suit la reconversion de Terry Tate, un ancien joueur de football américain, désormais à la retraite. Reprenant le comportement qu’il avait sur le terrain, Tate sanctionne ses collègues qui ne respectent pas les règles en les plaquant au sol. Loin d’être mis à l’écart, celui qui pourrait être considéré comme un inadapté dans son nouveau lieu de travail démontre qu’il est capable de s’adapter et de faire correctement son travail, tout en gardant sa personnalité. Ces deux projets dans la carrière du réalisateur mettent en avant un élément essentiel de la filmographie de Thurber : son intérêt pour les exclus, ceux qui dénotent par rapport à une norme instituée. Dès lors, son film mettra en scène une telle bande. Mais dans quel sport ?
Les sports populaires ont tous eu au moins une représentation dans un long-métrage sportif. Rien que dans le catalogue de The Walt Disney Company, un bon nombre s’y trouve : le hockey est ainsi représenté dans le film Miracle ou la trilogie Les Petits Champions ; le football américain dans Invicible ou Le Plus Beau des Combats ; le basket-ball dans Les Chemins du Triomphe ; le base-ball dans Angels : Une Équipe aux Anges. Même le bobsleigh (Rasta Rockett) ou le golf (Un Parcours de Légende) ont eu le droit à leur adaptation par les studios Disney. Qu’importe presque le sport, le combat, la confrontation entre deux joueurs ou deux équipes amène toujours une série d’émotions fortes. Et ce sont sur ces émotions (joie, tristesse, crainte, colère) que se développent les films sportifs. Thurber décide alors de baser son film sur le dodgeball : un sport auquel une grande majorité des lycéens américains, mais aussi européens, ont joué sans le considérer en tant que tel. Mais quelle histoire mettre en scène ?
Face à la multitude d’aventures riches en émotions que peut procurer le monde sportif, les scénaristes vont avoir tendance à privilégier deux récits principaux. Le premier est le récit biographique sur une personnalité, réelle ou fictive, d’un sport, en retraçant son parcours, ses succès, ses difficultés et, parfois, ses échecs. Un Parcours de Légende revient ainsi sur les premières années de vie de Francis Ouimet, célèbre joueur de golf américain qui a remporté l’US Open de 1913. Le second type de récit se base quant à lui sur un événement majeur ayant marqué un sport, le sport dans son ensemble, voire la société en générale. Dépeinte dans Miracle, la victoire des hockeyeurs américains sur l’armada soviétique en 1980 en pleine guerre froide dépasse ainsi largement les cadres du sport. Tout comme l’union des communautés noires et blanches lors de la coupe du monde de rugby de 1995 en Afrique du Sud (Invictus).
Si ces récits sont majoritaires et parfois complémentaires, une trame narrative sous-jacente est quant à elle favorisée : la trame des "underdog stories". Dans ces histoires, des sportifs considérés comme des perdants, des personnes qui n’arriveront jamais à faire quoi que cela soit au début du film, finissent par remporter la compétition ou à échouer de manière glorieuse. Ils s’attirent dans le même temps le soutien et la sympathie du public dans leur combat contre le Goliath, l’équipe imbattable, mais aussi le respect et l’admiration de leurs opposants. Cet arc narratif est primé sur les autres, puisqu’il respecte dans une certaine mesure le concept du rêve américain : qu’importe son point de départ, sa richesse ou ses compétences, toute personne faisant preuve de courage, d’une force de travail exceptionnel, peut réussir et l’emporter contre plus fort que soit. C’est sur cette trame narrative que Thurber va ainsi baser son projet sur le dodgeball.
Le film met donc en opposition deux équipes : les Goliath surentraînés d’un côté, les David amateurs avec deux mains gauches de l’autre. Et cette relation est posée par le récit dès les premiers plans du film. Même Pas Mal ! (Dodgeball) s’ouvre ainsi avec une publicité pour une chaîne de clubs de fitness nommée Globo Gym. En quelques secondes, le cadre d’un club est présenté ainsi que sa philosophie : des machines à la pointe de la technologie, une série de services autres, mais surtout des gens en “formes” physiquement. Toutes les personnes présentes possèdent les mêmes caractéristiques physiques et pourraient être interchangeables : grands, sveltes et surtout musclés. À tel point que les plans se concentrent quasiment exclusivement sur les fessiers ou les bras musclés des athlètes de cette salle de sport. Quasiment aucun visage de près n’est montré, renforçant cette idée d’une salle de sport retirant un peu de l’humanité de ses clients. La seule personne qui prend la parole et qui est montrée dans toute sa splendeur est le fondateur de Globo Gym, l’arrogant et prétentieux White Goodman. Ancien gros, il veut rendre les gens “plus mieux”, afin que les clients connaissent le succès en amour, dans les affaires, etc.
Ce personnage excentrique est incarné par l’acteur, scénariste et réalisateur Ben Stiller. Né le 30 novembre 1965 à New York, Stiller débute sa carrière cinématographique par la réalisation de court-métrages et un passage éclair dans la fameuse émission Saturday Night Live - il n’y reste que cinq émissions. Ces premiers travaux lui permettent d’obtenir son émission à sketchs sur MTV, appelée Ben Stiller Show. Si le succès populaire n’est pas présent - l’émission ne connaît que douze épisodes avant son annulation -, la série obtient un très bon accueil critique et il remporte un Emmy Award. Les années suivantes, Ben Stiller décroche des seconds rôles dans plusieurs comédies, dont La Colo des Gourmands (Les Poids Lourds) produit par Walt Disney Pictures. Dans ce film, Stiller incarne le rôle de Tony Perkis, un coach sportif d’un camp de remise en forme pour enfants. Son rôle de Ted Stroehmann dans Mary à Tout Prix, son premier vrai succès commercial, ébauche les contours de son personnage type : celui d’un souffre-douleur, que la vie et les autres mettent à mal, mais qui reste profondément romantique. Sa carrière d’acteur comique est lancée et le propulse en haut du box-office. Catalogué généralement comme le personnage sympathique, Stiller est mis, dans Même Pas Mal ! (Dodgeball), dans la situation diamétralement inversée : du souffre-douleur, il devient le “méchant” de l’histoire qui n’hésite pas à harceler son adversaire.
Si quelques plans seulement suffisent à définir la personne de White Goodman, il en est de même en ce qui concerne Peter LaFleur, le gentil et un peu naïf directeur du fitness Average Joe’s. Les premières secondes du personnage à l’écran suffisent en effet amplement à le caractériser : prenant toujours le bon côté de la vie malgré ses difficultés financières - il ne paie plus ses factures -, Peter est présenté comme un homme indifférent aux ennuis qu’il rencontre et ne s’intéresse absolument pas à son image. Il est grand, mais n’est pas en forme physiquement. Son attitude lasse, voire blasée, l’illustre parfaitement. Quel contraste avec White Goodmann !
Peter LaFleur est interprété à la perfection par Vince Vaughn, un acteur peu connu dans le genre de la comédie. Après quelques apparitions dans des séries télévisées, Vaughn passe sur grand écran au cours des années 1990 en incarnant le premier rôle de thrillers méconnus du grand public. En 1997, il campe toutefois le photographe Nick Van Owen dans Le Monde Perdu : Jurassic Park. Son virage professionnel pour des films comiques se fait suite à sa rencontre avec Ben Stiller sur le tournage du film Zoolander. Ayant intégré le Frat Pack, il tourne au cours des années suivantes plusieurs comédies avec, notamment, Will Ferrell, Owen Wilson et Stiller. Il retrouve d’ailleurs ce trio dans l’adaptation cinématographique de la série Starsky et Hutch, sorti trois mois avant Même Pas Mal ! (Dodgeball).
Semblable à son propriétaire, le club sportif Average’s Joe est au bord de la faillite et n’accueille que des sportifs amateurs, loin des standards des grandes salles. Le nom même de la salle est un indicateur de cela. "Average" signifie en anglais la moyenne, tandis que Joe est le prénom commun par excellence aux États-Unis. Le club est donc la salle des Américains moyens. Et parmi eux, le récit se concentre sur cinq personnages excentriques. Steve le pirate, un client se prenant pour un… pirate et habillé comme tel, est incarné par Alan Tudyk, alors principalement connu pour sa participation à la série Firefly. Stephen Root campe lui le personnage de Gordon, un homme cinquantenaire marié à une femme plus jeune que lui et trouvée sur Internet. Pour The Walt Disney Company, Root a participé au calamiteux Les Country Bears et à la comédie noire Ladykillers. Dwight et Owen sont eux, respectivement, interprétés par Chris Williams et Joel David Moore. Enfin, le plus jeune de l’équipe, Justin, est incarné par Justin Long, dont les débuts cinématographiques datent de 2000 avec Galaxy Quest. Comme leur personnage, ces cinq acteurs sont, en 2004, des seconds couteaux ou des nouveaux venus dans l’industrie du cinéma. À noter que Thurber, le réalisateur, a écrit les personnages de White Goodmann, de Peter LaFleur et de Justin en ayant en tête, pour les incarner, respectivement les acteurs Ben Stiller, Vince Vaughn et Justin Long. Il n’est dès lors pas surprenant de constater que ces acteurs conviennent parfaitement à leur rôle.
À cette équipe de bras-cassés, viennent s’ajouter deux autres personnages : Kate Veatch et Patches O’Houlihan. La première est chargée de faire l’expertise financière pour une banque afin de mettre le club en faillite. Seul personnage féminin d’importance du film, elle attire les faveurs de Peter et de White. Elle est interprétée par Christine Taylor qui enchaîne alors des seconds rôles au cinéma ou des apparitions dans certaines séries comme Friends ou Spin City. En 2001, elle partage l’affiche de Zoolander avec Owen Wilson et déjà Ben Stiller, auquel elle est mariée depuis 2000. Rip Torn incarne quant à lui Patches, un ancien joueur de dodgeball devenu un entraîneur alcoolique aux méthodes peu conventionnelles. Acteur de seconds rôles, Torn se fait remarquer en 1983 avec le film Marjorie qui lui vaut une nomination à l’Oscar du meilleur second rôle, ainsi qu’avec la série The Larry Sanders Show qui lui rapporte un Emmy Awards. Pour le plus grand public, il est principalement connu pour son rôle de Z, le directeur des Men in Black.
Les personnages sont construits et dépeints de telle manière qu’ils se démarquent tous les uns des autres et sont facilement reconnaissables pour le spectateur. Ce dernier ne connaît ainsi qu’une seule caractéristique de chaque personnage : le comportement, l’attitude ou le physique qui le pose comme un exclu. Que sait le spectateur de Steve le Pirate ? Il s’habille et parle comme un pirate… Sa famille, sa profession, même son vrai nom ne sont pas montrés à l’écran. La seule chose qui le définisse est son comportement inhabituel qui lui vaut les critiques et les moqueries. Sans présentation plus poussée de leur vie, chaque personnage devient une représentation générique d’un groupe exclu par la société. Steve pourrait ainsi être catalogué comme un marginal ou un "fou"; Gordon représente les personnages âgées; Justin, les jeunes efféminés; et Kate, les homosexuels.
Si les premières minutes du film sont consacrées principalement à présenter quasiment tous les personnages, elles posent aussi un fil rouge qui est développé tout au long : la représentation du média télévisuel et des programmes qui y sont diffusés. La télévision est ainsi omniprésente dans le récit : cela peut être de manière très visuelle avec l’apparition de l’appareil à l’écran, mais aussi plus subtilement en montrant ce qui est actuellement diffusé sur les écrans de télévision invisibles, comme le tournoi de dodgeball. Dans ce dernier cas, les commentateurs et la présence de caméra permettent de lier ces passages à la télévision.
Sous ces airs de comédie loufoque centrée sur un sport méconnu, Même Pas Mal ! (Dodgeball) propose ainsi un discours et une critique acerbe du petit écran, et notamment la manière dont ce média a tendance à présenter une société occidentale idéalisée et trompeuse. Une société dans laquelle se côtoient des personnes parfaites, minces, sportives, belles, etc. et excluant ces underdogs qu’aime tant Thurber. La manière dont sont présentés les personnages en est un exemple criant. White Goodman et son club de gym apparaissent donc à la télévision dans une publicité vantant les “plus mieux”, le meilleur de l’homme : des personnes musclées et parfois refaites chirurgicalement. Les membres d’Average’s Joe sont eux présentés dans le club de gym, où n'apparaissent ni caméras, ni télévision. Exclus, ils ne peuvent prétendre être assez intéressants pour le petit écran, ni, d’ailleurs, pouvoir acquérir la vie de "rêve" vendue par la publicité. Ils sont réduits à végéter tant bien que mal littéralement de l’autre côté de la route dans des bâtiments abandonnés. Car c’est ce qu’ils sont : abandonnés.
Les premières minutes posent donc clairement les personnages, les rôles au sein de l’intrigue et l’élément déclencheur, le sauvetage du club Average’s Joe. Peter et ses cinq clients trouvent alors un moyen simple de réunir la somme d’argent nécessaire : gagner le tournoi de dodgeball de Las Vegas et sa prime de 50 000 dollars. De ce principe, Même Pas Mal ! (Dodgeball) suit la trame narrative des films centrés sur le sport. Une première partie est ainsi consacrée à l'entraînement de l’équipe sous les ordres de Patches et ses exercices particuliers. "Si vous pouvez éviter une voiture, vous pouvez éviter un ballon" dit-il avant de lancer un de ses joueurs dans une avenue remplie de voitures.
Alors que l’équipe ne progresse pas réellement, Kate Veatch se révèle être une excellente joueuse en voulant renvoyer le ballon à Peter. Elle se justifie en indiquant qu’elle a joué pendant huit ans dans un club de base-ball. Dès cette annonce, un commentaire est fait par Doug : “Mec, elle est sûrement lesbienne.” Cette remarque, utilisée comme ressort comique tout au long du film, illustre un stéréotype répandu comme quoi les femmes douées en sport sont forcément masculines, voire homosexuelles. Le film pose alors le complexe sujet de la représentation de la femme sportive dans la société occidentale. Et, pour ce faire, il présente trois personnages féminins qui illustrent une idée reçue. La première à faire son apparition est Kate, ou plutôt les jambes de Kate, objectivant le personnage comme étant l’objet amoureux du récit. Dès que les autres apprennent ses compétences sportives, elle devient lesbienne et commence à porter des vêtements de sports masculins. Le second personnage féminin est Fran Stalinovskovichdavidovitchsky, une joueuse de l’équipe de Globo Gym, qui possède un physique désagréable avec un mono-sourcil et une dentition imparfaite. Enfin, la seule qui est présentée comme respectant les codes de la société est Ambre, une cheerleadeuse et l’intérêt amoureux de Justin. Le cheerleading est-il un sport ? En tout cas pas selon le film, qui le ridiculise dès les premières mentions. Ambre peut donc être féminine, puisqu'elle n’est pas sportive, son sport n’étant pas considéré en tant que tel. À travers le développement de Kate principalement et de Fran, le récit montre, dans l’excès, que ces femmes ne sont pas que masculines. Le spectateur découvre ainsi que la maison de Kate regorge d’une gigantesque collection de figurines et d’images de licornes. Le film tend donc à briser ce stéréotype genré.
Après une première grosse moitié consacrée à la mise en place de la confrontation LaFleur-Goodman et à l’entraînement de l’équipe d’Average’s Joe, le reste se passe bien loin des salles de sport pour envahir Las Vegas où se déroule l’Open International de Dodgeball de Las Vegas. Cette deuxième partie est rythmée par les différents matchs que Average’s Joe et Globo Gym doivent remporter pour atteindre la finale. Et pour mettre plus d’intensité, le spectateur découvre deux nouveaux personnages : le commentateur Cotton McKnight interprété par Gary Cole et son farfelu expert Pepper Brooks, joué par Jason Bateman. Caricatures claires des commentateurs sportifs, leurs apparitions et leurs échanges sont, à chaque fois, hilarants. Si commentateurs il y a, cela veut dire que le tournoi est diffusé à la télévision. Les matchs sont donc tournés comme un événement sportif majeur avec un certain nombre d’angles de prises de vue différents qui donnent réellement l’impression du direct. Les commentaires et les ralentis confortent cette idée de diffusion en direct. Mais quelle chaîne de télévision pourrait diffuser ce tournoi ? ESPN8 : The Ocho, une référence et un hommage au bouquet de chaînes sportives ESPN. ESPN8 diffuse en continue des sports moins connus ou non conventionnels, comme le jeté de nains ou le ski-nautique d’écureuils. En hommage à Même Pas Mal ! (Dodgeball), le vrai groupe ESPN diffuse depuis 2017 des marathons ESPN8 : The Ocho sur ses chaînes. Le public américain peut ainsi découvrir des compétitions de disc golf, de fléchettes ou de dodgeball trampoline.
Le montage de cette seconde partie du film met clairement en avant le dodgeball en tant que sport à part entière. Ainsi l’énergie, l’ambiance et le suspense sont au rendez-vous pour capter l’attention du spectateur. Si Globo Gym domine tous ces matchs, Average’s Joe finit par l’emporter, malgré les difficultés rencontrées. Rythmé par le sport, ce sont les scènes annexes du récit, situées en-dehors du terrain, qui perdent grandement en intérêt. Exit la cohésion de groupe qui marquait l’entraînement dans la salle de sport, l’équipe est quasiment à chaque fois divisée dans des petites scènes de trente secondes à une minute trente de long. Une suite de blagues qui tombent beaucoup à plat.
Reste alors quelques caméos bienvenus. Après avoir perdu contre LaFleur et son équipe, l’équipe allemande du tournoi se fait sermonner par son entraîneur, David Hasselhoff, inoubliable Michael Knight de la série K2000 ou Mitch Buchannon d’Alerte à Malibu. Le jury du tournoi se voit gratifier de la présence d’un texas ranger en la personne de Chuck Norris, alors que le chancelier du dodgeball est interprété par William Shatner, le commandant Kirk de Star Trek et, pour ABC, l’avocat Denny Crane de Boston Legal. Le quatrième et dernier caméo est plus problématique, puisqu’il s’agit de Lance Armstrong que Peter LaFleur rencontre à l’aéroport de Las Vegas après avoir abandonné son équipe. Armstrong est un coureur cycliste qui, après des débuts prometteur, est diagnostiqué avec un cancer en 1996. Non seulement, il arrive à vaincre la maladie, mais il remonte sur le vélo et remporte le Tour de France à sept reprises entre 1999 et 2005. Le discours qu’il fait alors à Peter est centré sur la combativité, la nécessité de ne jamais abandonner et de toujours y croire. Son discours qui revigore LaFleur est, à posteriori, problématique. En juin 2004, Armstrong est au sommet de son sport avec cinq victoires sur le Tour de France - il gagne son sixième en juillet 2004, ce qui sera intégré dans le doublage français du film - et est une personnalité combative, un sportif sur qui personne n’aurait misé et qui a battu les pronostiques. Toutefois, cette image est mise à mal en 2012, lorsque tout son palmarès lui est retiré après qu’il a été reconnu coupable de s’être constamment dopé au cours de sa carrière.
Même Pas Mal ! (Dodgeball) se termine sur une nouvelle publicité, faisant directement le pendant de celle ouvrant le récit. Mais point de Globo Gym et de White Goodman en train de vanter son club et la recherche d’un corps idéal. Cette fois, le message est délivré par Peter, déclarant que les gens voyant la publicité sont très bien comme ils sont et qu’ils ne sont pas obligés de changer. Mais, s’ils le veulent, alors, la salle de gym leur offre un cadre respectueux et agréable. Du cadre presque élitiste de Globo Gym du début du film - les gens doivent respecter les mêmes normes sinon ils sont exclus -, le message de Peter se veut résolument inclusif. Qu’importent le poids, la taille, les capacités sportives… Le client est accueilli avec bienveillance chez Average’s Joe, où priment l’entraide et le partage. Deux visions de la salle de gym sont ainsi proposées au cours du film, mais une seule est présentée comme meilleure, celle de Peter.
En parallèle du très bon travail de Thurber sur l’écriture et la réalisation, celui de Theodore Shapiro est aussi à mettre en exergue. Compositeur qui se spécialise dans la musique de film de comédie, notamment Le Diable S'Habille en Prada et Les Incognitos, Shapiro livre une partition parfaite à travers des thèmes qui complètent à merveille les images et renforcent les sensations. Le thème principal de Même Pas Mal ! (Dodgeball), attaché à l’image de Peter et de son club, est tout bonnement époustouflant. Une batterie, un clavier et quelques notes lancinantes suffisent pour décrire la personnalité de Peter. A contrario, le thème Sudden Death, joué à la toute fin de la finale du tournoi, introduit bien le suspens, la tension de l’instant.
À sa sortie en salle, le 18 juin 2004 sur le sol américain, le film rencontre tant un succès critique qu’un succès populaire. Ainsi, il récolte près de 29 millions de dollars après sa première semaine d’exploitation et près de 168 millions à la fin de sa carrière, un score à rapporter à son budget initial de 20 "petits" millions de dollars. Malgré son carton financier et des discussions en 2013, Même Pas Mal ! (Dodgeball) ne connaît pas de suite. Toutefois, certaines de ses stars se retrouvent en juin 2017 pour soutenir la fondation de Ben Stiller. Dans une courte publicité hilarante, Ben Stiller, Vince Vaughn, Christine Taylor, Justin Long et Missi Pyle, reprenant leur rôle, invitent en effet les gens à faire un don à l’association pour avoir l’occasion de participer à un match entre Globo Gym et Average’s Joe.
Si une suite officielle n'a donc pas eu lieu, certains fans ont fait un rapprochement intéressant entre Même Pas Mal ! (Dodgeball) et le film de 1995 La Colo des Gourmands (Les Poids Lourds). À la fin de l'histoire de Peter LaFleur et de White Goodman qui se situe à peu de chose près en 1993, White Goodman regarde la publicité de Average's Joe, assis dans son canapé, des bouts de poulets frits dans les mains. Mais, au lieu du svelte et musclé propriétaire de Globo Gym, apparaît à l'écran un homme gros, voire même obèse, qui a cédé à la nourriture. Dans La Colo des Gourmands (Les Poids Lourds), Ben Stiller, déjà lui, joue un entraîneur sportif pour une colonie pour obèses. Son comportement frôle la folie et il traite durement, voire de manière sadique, les jeunes venus perdre du poids. Le film étant sorti en 1995, soit deux après le combat fictif entre Average's Joe et Globo Gym, certains y voient donc la reconversion de White Goodman.
Hilarant, Même Pas Mal ! (Dodgeball) est une très bonne comédie centrée sur un sport méconnu. S’il respecte à la lettre la check-list des éléments à mettre dans un film suivant la trame des underdog stories, son récit propose un discours plus profond sur des sujets importants, brisant certains préjugés et critiquant ouvertement une certaine représentation de la société.