Les Merveilleuses Aventures de Crysta
Titre original : FernGully 2 : The Magical Rescue Production : FAI Films Rosen Harper Entertainment Wild Brain Productions Date de sortie USA : Le 17 mars 1998 (Vidéo) Distribution : 20th Century Fox Home Entertainment Genre : Animation 2D |
Réalisation : Phil Robinson Dave Marshall Musique : Nerida Tyson-Chew Durée : 72 minutes |
Disponibilité(s) en France : |
Le synopsis
À FernGully, la fée Crysta prend sous son aile trois bébés animaux. Mais ces derniers se font enlever par des braconniers qui, en prenant la fuite, provoquent un gigantesque incendie qui détruit une partie de la forêt. Pendant que Crysta et le peuple des fées restent à FernGully pour réparer les dégâts, son ami Pips décide de se rendre dans le monde des humains pour délivrer les bébés, accompagné de Batty, la chauve-souris, et des scarabées. |
La critique
Le succès des films d’animation Disney lors des années 1990, période connue comme étant le Troisième Âge d’Or des studios, mais aussi l’explosion du marché de la vidéo, ont conduit la compagnie de Mickey à produire des suites à leurs Grands Classiques par la division Disney Television Animation. Conçues à moindre coût pour une rentabilité maximale et distribuées directement en vidéo, ces suites, très discutables pour certaines, ont ouvert la voie à de nombreuses productions du même acabit, allant du sympathique au catastrophique, sans jamais égaler les films d’origine. Malgré des critiques parfois assassines, ces longs-métrages, dont le public est finalement très friand, se révèlent très rentables pour Disney. Un coup de « génie » pour Disney, qui multiplie les mises en chantier de suites prévues uniquement pour le marché de la vidéo avec des moyens réduits et de gros bénéfices à la clé, et en retour, le plaisir des fans de retrouver les personnages de leurs Grands Classiques préférés dans de nouvelles aventures.
Si cette stratégie ternit un peu plus l’image de la compagnie, en raison de la qualité médiocre de ces productions bas de gamme et à des années-lumières du savoir-faire Disney, elle permet un retour sur investissement conséquent et il n’est pas étonnant que d’autres studios aient tenté de produire le même schéma. Ainsi débarquent dans les étagères de vidéoclubs et supermarchés différentes œuvres telles que Balto 2 : La Quête du Loup (Universal Pictures), La Légende de Brisby, suite de Brisby et le Secret de NIMH (Metro-Goldwyn-Mayer Animation), Fievel et le Trésor Perdu (Universal Cartoon Studios), Le Petit Dinosaure et son Nouvel Ami (Universal Cartoon Studios), ou encore Le Cygne et la Princesse 2 : Le Château des Secrets (Nest Entertainment), sorti en vidéo deux mois seulement après une exploitation limitée en salles.
De même, avec l’avènement de la vidéo dans les foyers, certains films d’animation n'ayant pas fait d’éclats au box-office connaissent une seconde jeunesse et se constituent un nouveau public. Sorti en 1992, Les Aventures de Zak et Crysta dans la Forêt Tropicale de FernGully fait partie de ces métrages au succès très relatif, dont les recettes ont simplement permis de rembourser leur budget, et ce malgré des critiques enthousiastes et une réception publique positive. Malgré cette déconvenue, le film fait partie des meilleures ventes VHS de l’année 1993, permettant ainsi aux spectateurs l’ayant raté en salles de le découvrir et de lui offrir l’exposition qu’il méritait. Face à ce regain d’intérêt pour le film d’origine et ses personnages, sans compter les retombées financières importantes de ce succès inattendu, la branche 20th Century Fox Home Entertainment entend surfer sur cette recrudescence en proposant donc un nouvel opus des aventures de la petite fée héroïne du premier film, mais cette fois sans passer par la case cinéma et, si possible, en y injectant moins de budget que sur le précédent volet pour maximiser les profits venus des futures ventes de cassettes vidéos et minimiser ainsi le risque de pertes financières trop conséquentes.
Si la compagnie australienne FAI Films, co-productrice sur le premier film, est de la partie, la société d’animation Kroyer Films, créée par le réalisateur Bill Kroyer, metteur en scène du précédent volet, est gentiment remerciée, tandis que d’autres studios sont affiliés à la conception de cette suite, qui prend le nom de FernGully 2 : The Magical Rescue (Les Merveilleuses Aventures de Crysta en français). Le film est produit par Wildbrain Entertainment, société de divertissement spécialisée dans des programmes télévisées, quelques productions cinéma et du contenu commercial, et animé par Wang Film Productions à Taipei, Taiwan. Tous les travaux de pré-production, y compris la conception des personnages, le scénario, la colorisation et l’animation par ordinateur ont lieu dans les installations de Wildbrain à San Francisco, tandis que la post-production, qui comprenait le montage, la composition musicale, le doublage et la prise de son, est assurée par la succursale de Los Angeles.
La réalisation du métrage échoue à Phil Robinson, animateur, directeur artistique et metteur en scène sur plusieurs séries télévisées pour enfants (Les Pierrafeu en Culottes Courtes, Yogi l’Ours, Fantastic Max, Alvin et les Chipmunks, Robotboy), et David Marshall, également transfuge de la télévision (réalisateur de plusieurs épisodes des séries Les Animaniacs, Les Bisounours, Poochini et alors spécialiste des effets visuels sur Star Wars : Ewoks et Star Wars : Droïdes, puis sur Futurama, Rick & Morty et Solar Opposites quelques années plus tard), qui prennent la suite de Bill Kroyer. Côté casting, aucune des voix originales du premier volet ne reprend son rôle. Exit Samantha Mathis, Robin Williams et Christian Slater, place à d’illustres inconnus, généralement cantonnés à des voix additionnelles. Le casting vocal français demeure en revanche inchangé, chaque personnage faisant son retour dans cette suite gardant la même voix.
Les Merveilleuses Aventures de Crysta part donc avec très peu d’atouts et ce n’est pas avec son intrigue que le métrage compte se rattraper. La vie a ainsi repris son cours à FernGully après les événements du premier volet, qui s’était achevé avec la défaite de Hexxus, génie du mal avide de destruction, accidentellement réveillé par les humains, et dont l’esprit a été de nouveau emprisonné pour l’éternité. Les fées tentent d’oublier ce triste épisode en vaquant à leur principale occupation, à savoir protéger FernGully de toute menace extérieure. Tout en poursuivant cette mission, Crysta s’amuse régulièrement avec les bébés animaux de la forêt, dont Nugget le kangourou, Wal le wombat et Bandy le bandicoot. De leur côté, Pips et les scarabées trompent l’ennui en semant régulièrement la pagaille, bien que l’elfe commence à se lasser de la vie paisible de la forêt. Tout bascule lorsque des braconniers font irruption et enlèvent simultanément Nugget, Wal, Bandy, ainsi que d’autres bébés, sous les yeux de Pips et Crysta. Après une tentative ratée de les sauver, laquelle se solde par un gigantesque incendie, Pips et sa bande décident de se rendre chez les humains pour retrouver les bébés et les libérer, accompagnés de la chauve-souris Batty, dont les connaissances sur le monde des hommes s’avèreront très utiles.
Les Aventures de Zak et Crysta dans la Forêt Tropicale de FernGully n’était pas dénué de défauts et souffrait d’un manque de moyens évident, mais avait un charme indéniable grâce à une animation de qualité, des décors magnifiques, un équilibre maîtrisé entre humour et émotions fortes et un message à la fois alarmant et pertinent sur l’écologie. Sa suite, quant à elle, a bien du mal à s’élever à son niveau et fait pâle figure face à son prédécesseur. En dépit d’une intrigue sympathique et agréable à suivre, Les Merveilleuses Aventures de Crysta ne parvient en effet pas à se défaire de son image de produit de consommation destiné aux bacs de cassettes vidéo. Les idées ne manquent pas, mais très peu fonctionnent en totalité.
Dès les premières minutes, l’un des éléments les plus frappants des (Les) Merveilleuses Aventures de Crysta est sans conteste le déni presque total de l’opus précédent. Les personnages ne font ainsi aucune référence à Hexxus, déclarent qu’il n’y a jamais eu d’humains à FernGully et semblent avoir totalement oublié Zak, héros du premier film et intérêt amoureux de Crysta, comme s’ils étaient frappés d’amnésie ou, tout simplement, si les scénaristes ne maîtrisaient pas le matériau d’origine et avaient effectué leur travail dans la précipitation. Si la volonté, louable certes, de ce second chapitre est de faire table rase du passé et faire peau neuve, il ne fait toutefois aucun doute que l’équipe du film n’a souhaité garder que les grandes lignes et proposer une histoire assez banale pour respecter le calendrier et livrer l’opus au plus vite.
Aussi, certains moments du film paraissent ridicules et manquent de la magie du premier opus. L’animation originale de FernGully était colorée, fluide et agréable, tandis que dans Les Merveilleuses Aventures de Crysta, tout est terne et plat. La forêt autrefois enchanteresse et féérique paraît basique et ordinaire. Même si l’animation demeure décente et agréable, elle reste saccadée et bancale par endroits, manque de dynamisme tandis que les arrière-plans sont quasiment identiques d’une scène à une autre, hormis celles se déroulant en dehors de FernGully. L’animation des personnages pâtit également de la production accélérée, certains d’entre eux perdant leurs ailes d’un plan à un autre ou flottant dans les airs au lieu de voler. Les erreurs sont dès lors très fréquentes dans le film.
Peu de surprises également du point de vue du scénario, qui n’a rien d’enthousiasmant. L’idée de départ est paradoxalement très bonne, bien que l’opus mette énormément de temps à démarrer. Certaines scènes sont, effectivement, très longues, impactant le rythme du film et pouvant perdre le spectateur. Le récit démarre donc sous les meilleurs auspices, malgré ses airs de productions bas de gamme, et propose une histoire convenable et intéressante, avant de se perdre dans des intrigues inutiles qui ne mènent nulle part dès que les héros intègrent le monde des humains. L’ennui fait peu à peu son apparition et il devient très facile de décrocher. De plus, si Les Aventures de Zak et Crysta dans la Forêt Tropicale de FernGully portait un message environnemental, sa suite s’avère surtout infantilisante et naïve. L’ensemble est trop sucré et terriblement forcé. Le film perd tout son intérêt dès que l’intrigue se déroule en dehors de FernGully et toute la partie dans le monde des humains se révèle ennuyeuse.
Les Merveilleuses Aventures de Crysta ne peut pas non plus compter sur ses personnages pour rattraper les dégâts. Les héros ne sont, en effet, pas aussi sympathiques que dans le précédent volet, voire fades. Absente une bonne partie de l’intrigue dès la moitié du film, Crysta a perdu son courage, sa détermination et même sa vivacité. Elle n’est plus véritablement au centre de l’intrigue, bien que sa maturité fasse plaisir à voir. Le métrage semble vouloir placer uniquement Pips, dont l’objectif principal dans le film est de trouver un moyen de tromper l’ennui (!), sur le devant de la scène. Seul Batty, qui garde sa personnalité décalée et loufoque, apporte de l’humour, sans pour autant retrouver la folie et le dynamisme qui le caractérisaient.
L’introduction de nouveaux personnages permet toutefois une touche de nouveauté bienvenue. Les bébés animaux se montrent attachants et leur détresse suscite l’émotion, tandis que Budgie, une jeune fille qui fait la connaissance de Pips et sa bande et se joint à leur cause, et son grand-père forment un duo amusant. Quant aux antagonistes, ceux-ci ont beaucoup de difficultés à se hisser au niveau du terrifiant Hexxus. Bénéficiant d’une animation maîtrisée, le génie du mal était source de cauchemars pour bon nombre d’enfants ayant vu le premier film, tant son apparence était imprévisible. Dans ce second film, les braconniers ne sont pas vraiment menaçants, mais génériques, stéréotypés et caricaturaux, affublés de dialogues mal écrits et d’un design banal et sans imagination.
La bande originale est également peu mémorable contrairement au premier film qui contenait plusieurs chansons entraînantes et magiques. Quelques morceaux sont certes ici sympathiques, mais aucun n’est particulièrement entêtant. L’opus contient ainsi un total de quatre chansons dont uniquement deux sont vraiment marquantes. Ici à FernGully fait ainsi penser à Si Je Mange un Être Vivant, déjà le plus faible titre de l’opus précédent, tandis qu’On S’Amuse Comme des Fous est agaçante et insupportable. Reste les chansons C’Est Ici, émouvante et bien composée, et le diptyque Rentrer À La Maison/Il Suffit D’Essayer, interprétée par Batty et les bébés animaux, d’abord tragique puis emplie d’espoir et de bonne humeur.
Prévu pour être distribué en vidéo en décembre 1997, à l’occasion du cinquième anniversaire de la sortie du premier volet en salles, Les Merveilleuses Aventures de Crysta voit néanmoins son exploitation repoussée au 17 mars 1998, les studios voulant éviter la compétition avec d’autres productions destinées au marché de la vidéo, dont la commercialisation devait avoir lieu à la période de Noël. Parmi elles : A Christmas Carol (également distribuée sous la bannière 20th Century Fox Home Entertainment), Annabelle’s Wish (Ralph Edwards Productions) et La Belle et la Bête 2 : Le Noël Enchanté (Disney Television Animation, Walt Disney Home Video). Sans surprise, malgré un nombre de ventes très élevé, Les Merveilleuses Aventures de Crysta reçoit un accueil généralement glacial de la part des critiques et des fans du premier film, qui lui reprochent son aspect purement commercial. Il constituera ainsi la dernière incursion de la petite fée et de FernGully au cinéma comme à la télévision.
Conçu à l’économie avec des moyens limités et profitant de l’intérêt soudain du précédent film, Les Merveilleuses Aventures de Crysta ne fonctionne pas et n’a pas d’autre ambition que de remplir les caisses des producteurs. Il en ressort un film plutôt divertissant, mais décevant, bancal et mal écrit, à l’animation sommaire et expédiée, qui n'a de capacité de satisfaire que le jeune public.