Love, Simon
Le synopsis
Simon Spier mène la vie ordinaire d’un garçon de 16 ans, qu’il partage entre sa famille et son groupe d’amis du lycée. Il cache néanmoins un secret qui lui pèse : il est gay. Il trouve une oreille attentive auprès du virtuel et anonyme Blue, un autre élève de l’école qui vient juste de dévoiler, caché derrière son écran, son homosexualité. Au moment où Simon pense avoir enfin trouvé un certain équilibre dans sa vie personnelle, ses échanges avec Blue sont rendus publics... |
La critique
Le livre Moi, Simon, 16 ans, Homo Sapiens écrit par Becky Albertalli sort en 2015 et trouve alors très vite son public. Malgré un pitch et une écriture simples, cette histoire romantique et moderne sur l’acceptation de soi et le coming out, se révèle aux lecteurs, sensible et touchante. Les plus jeunes s'y sont identifiés, les plus âgés s'en sont rappelés, et ceux qui ne sont pas directement concernés sont tout de même tombés sous le charme de Simon.
20th Century Fox se précipite alors pour en acquérir les droits et lancer un projet d’adaptation sur grand écran dès la fin 2015. Si l’homosexualité s’est aujourd’hui banalisée - il est important de rappeler qu’elle était encore considérée dans les sociétés occidentales au début des années 80 comme un délit et le reste aujourd’hui dans plus de 100 pays dans le monde - jamais un grand studio n’avait encore mis en scène la romance entre deux adolescents du même sexe. Il faudra donc un an de genèse pour que le réalisateur et l’interprète principal soient enfin trouvés.
Greg Berlanti était tout indiqué pour mettre en scène les aventures de Simon. Après ses débuts de producteur et scénariste pour la série Dawson, il écrit, produit et réalise Le Club des Cœurs Brisés en 2000, une comédie romantique osant déjà à l’époque narrer la vie d’un groupe d’amis gays, avec comme têtes d’affiches : Timothy Olyphant (Hitman), Dean Cain (Loïs et Clark : Les Nouvelles Aventures de Superman) et Zach Braff (Scrubs : Toubib Or Not Toubib !). Il se lance ensuite dans la création de séries télévisées, accomplissant également le rôle de scénariste et producteur sur de beaux succès tels que Brothers & Sisters, Blindspot, Riverdale, et dans le genre super-héroïque Arrow, Flash, Supergirl et Titans. Créateur prolifique, il lui arrive même de gérer simultanément et habilement plusieurs séries pour diverses chaînes télévisées. Il réalise également pour le cinéma la comédie romantique Bébé Mode d’Emploi en 2010, réunissant pour l'occasion Katherine Heigl et Josh Duhamel. Il retrouve d'ailleurs ce dernier pour son troisième film Love, Simon.
La lourde tâche d’incarner le jeune Simon repose quant à elle sur les épaules de Nick Robinson. Découvert dans la série Melissa & Joey dans laquelle il joue de 2010 à 2015, il a déjà fait quelques incursions sur grand écran, en particulier dans The Kings of Summer en 2013, Jurassic World en 2015, puis La 5ème Vague en 2016.
Pour donner vie à son fidèle petit groupe d'amis hétéroclite, il se voit en outre accompagné des acteurs australiens Katherine Langford venue de la série Netflix 13 Reasons Why (depuis 2017) dans le rôle de Leah et Keiynan Lonsdale - également chanteur et danseur - de la saga Divergente (2015/2016) et la série Flash (depuis 2015) dans le rôle de Bram. Enfin, Jorge Lendeborg Jr. interprète le rôle de Nick et Alexandra Shipp complète la bande dans celui d'Abby. Après avoir personnifié la regrettée chanteuse dans le biopic télévisé Aaliyah : The Princess of R&B en 2014 et tourné dans quelques séries, elle incarne la version jeune et rebelle de Tornade dans X-Men : Apocalypse en 2016 et X-Men : Dark Phoenix en 2019.
Dans la famille Spier, sont demandés Josh Duhamel et Jennifer Garner, les parents affectueux de Simon. Mannequin de formation et révélé dans le soap opéra La Force du Destin en 1999 - qui lui vaut le Daytime Emmy Awards du Meilleur Acteur dans un second rôle en 2002 - Josh Duhamel participe ensuite à la série Las Vegas de 2003 à 2008. Il est connu au cinéma pour avoir prêté main forte aux Autobots dans la saga Transfomers en 2007, 2009, 2011 et 2017.
Étudiante en théâtre, Jennifer Garner est, quant à elle, révélée dans le rôle phare de la série Alias en 2001 et obtient dès 2002 le Golden Globe de la Meilleure Actrice dans une série télévisée. Elle passe très vite au cinéma en jouant notamment dans Pearl Harbor en 2001, Daredevil en 2003, Elektra en 2005, et confirme l'étendue de son talent dans des rôles plus sérieux dans Juno en 2007, La Drôle de Vie de Timothy Green en 2012 et Dallas Buyers Club en 2013.
Love, Simon, dont l’accroche est on mérite tous une première grande histoire d’amour, n’est pas un film sur la différence. Il a en effet l’intelligence d’aborder le thème de l’homosexualité de manière simple et subtile, mais surtout comme la plus juste des (nouvelles) normalités. Malgré la pression sociale, Simon ne fait pas tout un plat de sa « condition », estimant d’ailleurs qu’il n’a rien à revendiquer.
Certes, ses questionnements intimes sont indissociables de l’œuvre et restent un enjeu de taille. Il doit apprendre à s'assumer tout en souhaitant se préserver, gérer ses premiers sentiments naissants avec distance et anonymat, jusqu'à avoir le courage d'être enfin lui-même pour s'ouvrir aux autres. Son alter-ego Blue, tel un miroir et un fantasme, est d'ailleurs un personnage à part entière de l'histoire, que la version cinéma s'amuse à personnifier de multiples façons, tel que Simon souhaiterait le voir.
Mais Love, Simon est bien plus que cela. Il combine une quête personnelle et une histoire d’amour moderne en abordant également de nombreux autres sujets tels que l’amitié, la famille, le passage de l'enfance à l’âge adulte, l'importance de rester soi-même tout en acceptant le changement, le regard des autres et le rôle de chacun au sein de la société. Le film offre par ailleurs une réflexion intéressante sur la place des écrans dans la vie moderne, où tout paraît dangereusement plus simple et facile.
Bien sûr, Love, Simon est à ranger dans la catégorie de film pour adolescents avec tous les codes du genre même s'il dépasse souvent largement par sa profondeur cette simple étiquette. Que le spectateur soit garçon ou fille, homme ou femme, adolescent qui rencontre ses premiers émois ou qui attend ce moment avec impatience, adulte à la recherche de l'âme sœur ou en couple épanoui, le film parle à toutes et tous, avec une certaine hâte ou douce nostalgie. Personne n'échappe en réalité à ces grandes questions et personne n’oublie sa première histoire !
Le récit traitant finalement - et surtout - des rapports humains, l’osmose parfaite entre le groupe d’amis était primordiale pour la bonne réussite du film. La mission est fort heureusement remplie. Chacun des jeunes acteurs apporte, en effet, une énergie palpable à l'écran, offrant à l'ensemble une dynamique et une symbiose dont manquait peut-être son homologue version papier. La multitude de personnages secondaires n'est d'ailleurs pas en reste et dédramatise avec intelligence l'enjeu par des répliques bien senties et situations tout aussi cocasses.
Il faut dire que dans la peau du jeune héros, Nick Robinson est tout simplement d'une justesse et d'une sensibilité incroyables. Le spectateur ne peut s'empêcher d'éprouver une profonde compassion pour Simon, ou très égoïstement de revivre grâce à lui certains passages de sa propre vie.
Du côté de la figure familiale, les Spier forment un couple des plus adorables. Jennifer Garner - que les rôles maternels rendent de plus en plus radieuse - incarne ici avec bienveillance et malice la maman psychologue de Simon, toujours pleine de bonnes intentions mais pénible comme peut l’être une mère pour un ado de 16 ans. Quant à Josh Duhamel, il rend ici fidèlement justice au papa sensible, un peu lourd et très maladroit, mais terriblement aimant et attachant.
Simon a 16 ans et comme tout adolescent de son âge, il ne peut vivre sans musique. La bande son est donc ici entraînante et décapante, classique et fidèle à ce genre de films. Composée de divers artistes aux influences pop, elle propose notamment quatre titres du groupe indie pop Bleachers, et des chansons plus connues comme I Wanna Dance With Somebody (Who Loves Me) de Whitney Houston et Someday at Christmas des Jackson 5.
La musique originale est, pour sa part, signée Rob Simonsen, un jeune prodige du piano qui étudie la musique à l’université et commence sa carrière en 2003. Il travaille aussi bien sur des musiques additionnelles, comme celle de L’Odyssée de Pi en 2012, que des compositions intégrales comme celles de LOL en 2012, À Vif ! en 2015, Nerve et le français Demain Tout Commence en 2016. Il a également composé pour de nombreuses publicités, notamment pour Apple et Coca-Cola pour le Super Bowl de 2018. Il offre ici une partition au son très 80/90, désinvolte et légère, représentative de l’insouciance de ses protagonistes, qui s'intègre parfaitement à la playlist de Simon.
Love, Simon est présenté en avant-première le 27 février 2018 lors du Mardi Gras Film Festival australien, puis dans divers festivals de films classiques ainsi que gays et lesbiens, avant et après la sortie américaine du 16 mars 2018. Il est proposé petit à petit à travers le monde jusqu'à la sortie française le 27 juin, qui n'est cependant pas la dernière. L'opus fait malheureusement un peu partout les frais de la censure locale : certains pays le restreignent aux moins de 17 ans (alors qu'il s'agit d'une histoire d'amour basique abordée de manière très chaste), quand il n'est pas totalement interdit de sortie comme à Singapour, en Inde, en Chine ou encore en Russie. La France, réputée pour avoir un système de classification des films parmi les plus libres au monde, se démarque elle en le proposant sans aucune restriction.
Avec un tout petit budget de 17 millions de dollars, Love, Simon a déjà rapporté près de 60 millions de recettes internationales avant la sortie française. Un très bon score pour un film en apparence léger - mais profond et abouti - accompagné de très bonnes critiques outre-Atlantique. L'opus se classe ainsi déjà quatorzième des Teen Movies à succès et troisième succès du genre chez 20th Century Fox après Nos Étoiles Contraires et Roméo + Juliette.
Love, Simon, vrai coup de cœur, offre au spectateur un récit sincère et poignant, jamais niais ou larmoyant : certaines scènes notamment les tête-à-tête sont à ce titre particulièrement intenses.
Bourré d'optimisme, le film - comme le roman dont il est tiré - est certes très idéaliste voire utopique. Mais il acte en fait que les temps changent ! Il est, en effet, louable de voir un long-métrage traiter au cinéma de manière positive de l’homosexualité chez les adolescents, une chose impensable encore il y a quelques années. Love, Simon se paye même l'outrecuidance de décrocher une nomination aux MTV Movie & TV Awards dans la catégorie décalée du Meilleur Baiser. Un bien joli symbole pour toute une communauté et surtout une belle consécration !
Love, Simon est à découvrir d’urgence et sans complexe (le film ne rend pas gay !) puis à voir et à revoir entre amis ou en famille. Accessible à tous, les lecteurs assidus du roman prendront plaisir à retrouver Simon et toute sa joyeuse bande. Les novices eux se hâteront de faire sa connaissance et de découvrir enfin qui est le mystérieux Blue. Mais tous assurément prendront plaisir à suivre ce beau périple. Un seul regret se fait jour : quitter Simon alors que sa véritable histoire ne fait que commencer. Et c'est là que les spectateurs se mettent à rêver d'une suite...