Jackpot
Titre original : What Happens in Vegas Production : 20th Century Fox New Regency Productions Date de sortie USA : Le 9 mai 2008 Genre : Comédie romantique |
Réalisation : Tom Vaughan Musique : Christophe Beck Durée : 100 minutes |
Disponibilité(s) en France : |
Le synopsis
La trop sérieuse Joy se fait larguer par son fiancé tandis que le trop léger Jack se fait virer de son travail par son propre père. Noyant leur chagrin respectif à Las Vegas… et dans l’alcool, les deux inconnus se retrouvent mariés ensemble le lendemain matin. Une péripétie a priori sans réelle importance et vite réversible, jusqu’à ce que Jack joue une pièce de 25 cents appartenant à Joy dans une machine à sous et empoche la somme de 3 millions de dollars… |
La critique
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé et doit être consommé avec modération. Excepté dans un univers fictif et lorsqu'il est propice à la création d’un bon film ! À tous ceux qui sont allergiques aux comédies sentimentales sirupeuses et aux personnages mielleux… À tous ceux qui frôlent l’indigestion devant les histoires d’amour guimauves et le trop-plein de bons sentiments dégoulinants… À tous ceux qui n’ont jamais le choix du programme le soir du 14 février ou de leur anniversaire de mariage… Jackpot est fait pour eux !
Sur une idée de départ de la scénariste Dana Fox, qui souhaite tout d'abord écrire au sujet d’un couple qui apprend à se connaître pendant son divorce, elle réenvisage finalement d'écrire sur un couple qui apprend à se connaître dans une toute autre circonstance, bien plus farfelue. Elle entend en effet la fameuse phrase, qui fut longtemps le slogan marketing de la capitale mondiale du divertissement : « Ce qui se passe à Vegas, reste à Vegas », qu’elle estime parfaite pour un titre de film (conservé pour moitié dans sa version originale). Puis l'union éclair (55 heures) de Britney Spears, toujours à Las Vegas, quelques temps après cette découverte confirme sa nouvelle idée de scénario.
La scénariste décide donc de placer deux inconnus dans cette ville ostentatoire où le temps s’arrête, l’alcool coule à flot, le jeu est de mise et les coups de tête sont rois. Tous deux entraînés par leur meilleur ami respectif le temps d'un week-end pour y oublier leurs soucis, Joy et Jack se rencontrent, boivent un peu trop et se marient dans la même nuit. Cette folie pourrait être vite oubliée et le divorce aussitôt prononcé - aussi facilement et rapidement que leur union - mais le gain commun de 3 millions de dollars les lie malgré eux. Une histoire et une situation cocasses, pas si incongrues que ça, dont 20th Century Fox valide immédiatement le scénario.
C’est le réalisateur écossais Tom Vaughan qui officie en tant que maître de cérémonie. Né en 1969, il prend tout d'abord des cours de théâtre à la Royal Scottish Academy of Music and Drama et obtient un rôle dans une série nommée Stookie à l'adolescence. Ce premier cachet lui permet d'investir dans une camera vidéo avec laquelle il commence à tourner des courts-métrages. Il décide ensuite de déménager pour l'Angleterre afin de poursuivre ses études en arts et en théâtre à l'université de Bristol. Après la réalisation de premiers courts-métrages professionnels et plusieurs publicités, il commence à travailler pour la télévision et notamment la BBC.
Après y avoir réalisé plusieurs téléfilms, il décide de se lancer dans le cinéma. Si Starter for 10 (2006) avec James McAvoy est son premier film anglo-saxon, Jackpot est son premier opus américain. Il réalise par la suite trois autres longs-métrages qui ne rencontrent malheureusement pas le succès : Mesures Exceptionnelles (2010) avec Harrison Ford et Brendan Fraser, Mademoiselle Détective (2012) avec Miley Cyrus - qui sort presque partout dans le monde directement en vidéo - et Teach Me Love (2014) avec Pierce Brosnan, Jessica Alba et Salma Hayek. Il retourne alors à la télévision britannique pour la réalisation de quelques épisodes de la série Victoria (2016).
Pour insuffler l’énergie nécessaire à Jackpot, un couple phare à la symbiose parfaite doit être déniché. Et les heureux élus ne sont autres que Cameron Diaz et Ashton Kutcher !
Madame, née en 1972 et top-modèle de formation, est choisie pour jouer les pin-up dans son tout premier film : The Mask (1994). Ne souhaitant pas être qu'un physique, la belle fait de suite ses preuves dans des œuvres indépendantes comme Petits Mensonges Entre Frères (1996) pour Fox Searchlight Pictures, avant de montrer ses dons pour la comédie, notamment dans Mary à Tout Prix (1998) de 20th Century Fox. Inoubliable drôle de dame dans Charlie's Angels (2000 et 2003) et voix de la Princesse Fiona dans Shrek (entre 2001 et 2010), la prolifique carrière de Cameron Diaz oscille entre les films dramatiques tel Gangs of New York (2002) pour Miramax, d'action tel Night and Day (2010) et comiques tel Triple Alliance (2014),ces deux derniers pour le fameux studio Fox.
Monsieur, né en 1978 et mannequin également, est découvert dans la série à succès That '70s Show (1998/2006) de 20th Century Fox Television. Après quelques incursions au cinéma dans des comédies telles que Eh Mec ! Elle Est Où ma Caisse ? (2000), Pour le Meilleur et Pour le Rire et Treize à la Douzaine (2003) toujours pour 20th Century Fox, le beau-gosse est enfin remarqué dans un autre registre avec le sublime L'Effet Papillon (2004). Plus connu pour être Monsieur Demi Moore à l'époque et après d'autres comédies telles que Valentine's Day (2010) et Happy New Year (2011), Ashton Kutcher retrouve le petit écran et succède à Charlie Sheen dans Mon Oncle Charlie (2011/2015), tandis que la critique descend son interprétation de Steve Jobs dans le biopic Jobs (2013).
Classique histoire du couple improbable aux deux moitiés incompatibles, Jackpot parvient néanmoins à entraîner le spectateur dans une folle aventure, qui n’a rien à voir avec l’amour (du moins au début). Légalement uni par les liens sacrés du mariage, le tout nouveau et tout beau couple n’a pas d’autre choix que de respecter la décision du juge Hon. R. D. Whopper (« Honore le Whopper », pour les aficionados de Burger King), plus que lassé des divorces. Pour que chacun encaisse son million et demi, Joy et Jack doivent tenter de vivre ensemble sous peine de ne jamais voir leur argent, soit une sentence de six mois de mariage forcé.
L’occasion pour eux - et le spectateur - de faire connaissance et en découvrir davantage… pour le meilleur et surtout pour le pire. Hormis le fait d’être différents et de détester au plus haut point tout ce que représente l’autre, la vraie problématique - et quelle épreuve - est donc de tenter de supporter son nouveau conjoint. Mais difficile pour la perfectionniste, psychorigide et prévisible Joy qui ne vit que pour son travail, et pour l'approximatif, laxiste et hasardeux Jack qui se laisse vivre, de cohabiter dans la même pièce. Entre la sempiternelle question de la position de la lunette des toilettes, le partage de la salle de bain, la dispersion du linge sale et l'utilisation d'appareils ménagers au petit matin, la guerre des nerfs ne fait que commencer.
Et s'il s’avérait qu’il est finalement plus facile de faire craquer l'autre et d'empocher par la même occasion la totalité du pactole ? Sauf que... les deux protagonistes ont la même idée ! Tous les coups sont donc permis pour toucher les 3 millions de dollars promis, pour le plus grand bonheur du public. Joy et Jack redoublent alors d’inventivité et d’ingéniosité pour se dégoûter et faire tomber la tête de son adversaire : une fête surprise pour pousser l’un à l’adultère, un mensonge pour faire rater à l’autre le rendez-vous officiel qui rendrait caduque l’accord passé avec le tribunal, un boycott du travail de Joy, une incursion de la famille de Jack…
Et pourtant ! À force de se côtoyer et découvrir ce qui les rend vulnérables et attachants, tous deux prennent conscience qu’ils ne sont pas aussi durs et forts qu’ils ne le pensaient. Joy est hantée par son ex-fiancé campé par Jason Sudeikis (Comment Tuer son Boss ? en 2011 et 2014) pour lequel elle ne se pense pas être assez bien. Jack est, lui, vampirisé par son père interprété par Treat Williams (Un Cri dans l’Océan en 1998) qui passe son temps à le rabaisser et ne croit pas en ses capacités. Et s'ils n'étaient pas si différents après tout ? Si tous deux pouvaient apprendre l'un de l'autre pour se bonifier ? Si au lieu d’être incompatibles, Joy et Jack n'étaient-ils pas finalement complémentaires ? « Avec des si »…
Les fans de la pétillante californienne sont aux anges. Cameron Diaz fait ici preuve de tout son talent comique. Impétueuse et insolence, elle incarne la trop conventionnelle Joy, avec un soupçon de grossièreté (mais point de vulgarité) qui lui va si bien. Les fans du beau Ashton Kutcher - peut être moins dynamique que sa compère mais tout aussi sympathique - se consolent avec son sourire ravageur et quelques bonne réparties. Mais l’alchimie est parfaite ! Après le tournage, tous deux déclarent être légèrement pompette lors de la scène du mariage afin de donner du réalisme à l'événement. Pas difficile à croire connaissant le talent de Cameron Diaz pour sabrer le champagne (dont elle fait preuve une nouvelle fois à l'écran).
Jackpot vaut également pour le nombre de petits rôles secondaires, quoique malheureusement sous exploités. Si chacun est soutenu corps et âme par son meilleur ami, merveilleusement campés par les facétieux Lake Bell et Rob Corddry, Joy et Jack doivent jouer au couple modèle pour tromper la psychologue nommée par la cour et chargée de suivre la bonne parole du couple, incarnée par la toujours excellente Queen Latifah (Chicago en 2003 et Le Magicien d'Oz des Muppets en 2005). À noter pour les fans de Marvel, l'apparition de Krysten Ritter (Jessica Jones à partir de 2015 et The Defenders en 2017) et celle de Zach Galifianakis (Very Bad Trip, Les Muppets, le Retour en 2011 et Opération Muppets en 2014).
D’une durée de 46 jours, le tournage se déroule principalement dans la ville de New York, choisie pour sa législation sur le mariage et le divorce conforme au sujet du film. Le plus gros de l’histoire s’y déroule en effet et Jackpot est l’occasion rêvée de présenter les deux facettes de la Grosse Pomme qu’illustrent les personnages. D’un côté, Joy, sophistiquée et ambitieuse, évolue dans un milieu privilégié et en tant que vraie working girl passe le plus clair de son temps à Wall Street. De l’autre, Jack, simple et oisif, se contente du minimum et se la coule douce à Brooklyn (quartier moins huppé, bien que l'affirmation soit plus que discutable désormais).
Si tout commence (presque) à Las Vegas, ce lieu mythique n’est que le clou du tournage, qui prend place au Planet Hollywood Resort and Casino. Tournées en deux semaines et dans des conditions complexes - au beau milieu d’une foule intense qui encensent les stars lors des prises de vue devant les fontaines du Bellagio - les péripéties sont montées frénétiquement pour illustrer le plus fidèlement possible toute la folie de l’endroit. Les prises de vues sont également agrémentées de plusieurs images d’archives, illustrant aussi bien les paysages vertigineux des gratte-ciels new-yorkais que les hôtels clinquants névadains.
Point de fête et de mariage sans musique ! L’ambiance sonore est signée Christophe Beck, compositeur canadien né en 1972. Il commence l’apprentissage du piano à 5 ans avant de proposer ses propres partitions dès l’âge de 11 ans. Étudiant en musique à l’université de Yale et en cinéma à la Thornton School of Music, il fait ses débuts à la télévision et se distingue notamment pour son travail - récompensé par un Emmy Award en 1998 - sur la série Buffy Contre les Vampire, pour laquelle il compose durant deux saisons et revient apporter son aide pour l'original et très inspiré épisode musical intitulé Que le Spectacle Commence.
Il se dirige ensuite très vite et activement vers le cinéma, aussi bien dans des comédies telles que American Girls (2000) et la trilogie Very Bad Trip (2009, 2011 et 2013), que des films à grand spectacle tels qu’Elektra (2005), Percy Jackson : Le Voleur de Foudre (2010) et Edge of Tomorrow - Aujourd'hui à Jamais (2014) ; sans oublier bien-sûr La Reine des Neiges (2013), Ant-Man (2015) et sa suite Ant-Man et La Guêpe (2018) pour Disney. Il offre ici une partition classique mais dynamique, en totale adéquation avec le couple qu’il illustre, introduite par la chanson Grace Kelly de Mika qui fait office d'ouverture - dont le réalisateur adore le ton très gai et énergique, parfait pour poser le cadre de sa comédie - et agrémentée de petites musiques trouvées sur iTunes pour limiter le budget.
Faites vos jeux… rien ne va plus. Jackpot débarque en France le 7 mai 2008, avant de sortir deux jours après aux États-Unis et dans le reste du monde. Avec une mise de 35 millions de dollars, le film rapporte plus de 219 millions de gains mondiaux, dont un peu plus de 80 millions rien que dans son pays d'origine (le quart est amassé le premier week-end, le plaçant second derrière Iron Man sorti la semaine précédente). Un très beau succès malgré des critiques presse généralement négatives, soulignant la prévisibilité et la platitude de l’œuvre, ainsi qu'une Cameron Diaz qui en fait trop (mais elle joue si bien l'hystérie !) et un Ashton Kutcher au contraire peu charismatique.
Le film est même nommé aux Razzie Awards dans la catégorie pire actrice pour Cameron Diaz - qui n’a rien à craindre fort heureusement face à Paris Hilton cette même année - et la catégorie pire couple à l’écran avec Ashton Kutcher, que la riche héritière remporte également. Comme quoi, l’idée de base du couple le plus invraisemblable aux deux personnages aussi différents l'un que l'autre (dans laquelle réside finalement tout l’intérêt du film), portée par l'aplomb et l’alchimie rayonnante entre les deux interprètes, est saluée à sa juste valeur !
La main est cependant chanceuse et la - pas si douce - comédie trouve son public. L’adage le dit pourtant bien : le casino gagne (presque) toujours. Car Jackpot est un petit film bien ficelé, dont l’histoire d’amour peu conventionnelle sort des sentiers battus et dont les personnages caricaturaux sont malgré tout attachants. Certes, l’histoire de Joy et Jack, prévisible, ne révolutionne pas le genre. Mais lui est-elle demandé de réinventer la comédie romantique ? Bien sûr que non ! Son couple d’acteurs stars et ses situations rocambolesques lui confèrent en tout cas un charme indéniable, délicieusement acide et quelque peu irrévérencieux.
Vive les mariés ! Point de honte à savourer Jackpot comme il se doit et pour une fois sans modération, puisque, comme le dit si bien son titre original, « Ce qui se passe à Vegas… ».