Hellraiser
Inferno

Titre original :
Hellraiser : Inferno
Production :
Dimension Home Video
Neo Art & Logic
Miramax
Date de sortie USA :
Le 3 octobre 2000 (Vidéo)
Genre :
Horreur
Réalisation :
Scott Derrickson
Musique :
Walter Werzowa
Durée :
99 minutes
Disponibilité(s) en France :
Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis :

Le synopsis

En enquêtant sur l'assassinat d’une ancienne connaissance, le détective Joseph Thorne découvre sur les lieux du crime la boîte de Lemarchand. En l'ouvrant, il déclenche une série de meurtres menant systématiquement à la même personne : lui-même. Joseph doit alors prouver son innocence ; il se lance pour cela à la poursuite d’un individu, mystérieux tueur, surnommé “L’ingénieur”.

La critique

rédigée par
Publiée le 29 mars 2022

Hellraiser : Inferno marque un tournant dans l’histoire de la franchise initiée par Clive Barker. Il s’agit, en effet, du premier volet à sortir directement en vidéo après l’échec critique et les médiocres recettes en salles de Hellraiser : Bloodline. Sans être la catastrophe annoncée, il est aussi le premier à faire l’objet d’une politique artistique très discutable de la part des studios, à savoir que sa production a été lancée en grande partie pour conserver les droits sur la base d’un scénario ayant peu voire pas du tout de lien avec la saga à l’origine. Une formule que reprendront sans gêne les opus suivants, avec plus ou moins de réussite.

Après la déconvenue de Hellraiser : Bloodline, Miramax et Dimension Films envisagent malgré tout la mise en chantier d’un cinquième volet sur un scénario de Stephen Jones et Michael Marshall Smith. L’intrigue tournait autour de Kristy Cotton, personnage principal des deux premiers films, qui se retrouvait face à une secte dont l’objectif est de libérer le Léviathan et les cénobites dans le monde réel, avec pour climax la ville de Londres piégée dans la configuration de Lament. Ce projet, baptisé Hellraiser : Hellfire, sera finalement rejeté pour des raisons budgétaires après qu’il a été annoncé que le film sortirait en vidéo sans passer par la case cinéma. Clive Barker, créateur de la saga, sera un temps en négociation pour revenir en tant que producteur exécutif en 1999, mais se voit très vite remercié pour divergences artistiques et privé de toute intervention sur ce nouveau chapitre. Pinhead et ses cénobites sont donc mis au placard quelques temps afin que les producteurs puissent trouver une idée originale et se consacrer à d’autres succès horrifiques dont Scream, Mimic ou Une Nuit en Enfer sans oublier la mise en chantier de Halloween : 20 Ans Après, Il Revient
Devant les succès récents de leurs derniers films, Miramax et Dimension Films se motivent donc à sortir un nouveau volet de Hellraiser. Mais c’est surtout le risque de perdre les droits de la franchise qui les pousse à se remettre à la tâche. Tout est une question d’économie et de gain de temps : ce cinquième film doit se faire au plus vite et n’aura donc pas les honneurs d’une exploitation en salles, avec un budget restreint de 2 petits millions de dollars. Au même moment, Bob et Harvey Weinstein reçoivent la visite de Scott Derrickson venu présenter son scénario intitulé Darkness Falling, qu’il a co-écrit avec Paul Harris Boardman. L’histoire se centre alors sur un détective traquant un tueur en série très violent, dans une intrigue mêlant enquête et monde démoniaque, le personnage principal ayant des difficultés à distinguer le réel et l’imaginaire. Auparavant, les deux hommes s’étaient rencontrés à l’école de cinéma et avaient déjà chacun réalisé un court-métrage, The Roof pour l’un, Love In The Ruins pour le second. Le scénario est ainsi acheté mais à condition d’adapter l’histoire à l’univers Hellraiser avec en prime un contrat pour trois scripts.

Après avoir offert à Derrickson la somme de 10 000 dollars pour le tournage d’une séquence-test, les frères Weinstein sont tellement convaincus du résultat qu’ils l’engagent comme réalisateur sur le film, qui prend dès lors pour titre Hellraiser : Inferno. Né le 18 mars 1977 à Denver, dans le Colorado, Derrickson a fait ses études de cinéma à l’Université de Californie du Sud : il devient ensuite scénariste sur Urban Legend 2 : Coup de Grâce sorti en 2000, et réalisateur la même année sur Hellraiser : Inferno. Il poursuit dans le domaine de l’horreur et de la science-fiction avec L’Exorcisme d’Emily Rose (2005), puis le remake du classique de science-fiction Le Jour où la Terre s’Arrêta (2008), Sinister (2012), Délivre-Nous du Mal (2014). Il intègre ensuite l’écurie Marvel en réalisant Doctor Strange en 2016. De son côté, Paul Harris Boardman, en plus d’avoir fréquenté la même école que Derrickson et collaboré avec lui sur la majorité de ses films, sera également crédité à l’écriture de quelques fictions horrifiques telles Dracula 2000, Les Messagers (2007), Scream 4 (2011), Poltergeist (2015), Cell (2016) et la série Netflix Archive 81 (2022).

Lancé pour des raisons purement juridiques, Hellraiser : Inferno a donc la lourde tâche de faire suite à Hellraiser : Bloodline et d’injecter du sang neuf. Chronologiquement, l'opus peut se situer entre le troisième (Hellraiser III : Hell On Earth) et le quatrième, qui racontait l’histoire des cénobites sur trois générations : le XVIIIe siècle, le XXe siècle et le futur. Il s’agit donc d’une intrigue "standalone", un schéma que suivront les films suivants. L’idée de mêler l’univers Hellraiser et un véritable thriller, centrée sur un héros ambigu et torturé, est honorable. Le récit se présente ainsi comme un polar complexe dans lequel intervient Joseph Thorne, un détective peu sympathique, distant avec sa famille, infidèle, drogué, prétentieux, corrompu et lancé sur la piste d’un tueur qui laisse derrière lui des cadavres mutilés et des doigts d’enfants tout en se faisant appeler “L’Ingénieur”. Après être tombé sur la fameuse boîte de Lemarchand laissée sur la scène de crime, Joseph n’aura aucun scrupule à voler la pièce à conviction et résoudre l’énigme de ladite boîte, laissant la porte ouverte à Pinhead et les cénobites, démons du plaisir et de la douleur, dans le monde réel, qui se feront une joie de tourmenter l’enquêteur.

Au casting, Doug Bradley reprend le rôle de Pinhead pour le plus grand bonheur des fans avec, à ses côtés, plusieurs acteurs confirmés. En premier lieu, Craig Sheffer interprète Joseph Thorne. Découvert dans Voyage of The Rock Aliens (1984), le comédien avait déjà travaillé sur une adaptation d’une œuvre de Clive Barker, Cabal (1990). Il poursuit sa carrière la décennie suivante dans de nombreux films dramatiques ou fantastiques : Et au Milieu Coule Une Rivière (1992), Visiteurs Extraterrestres (1993), The Road Killers (1994), Au-Delà du Désir (1997). Les adolescents des années 2000 le connaissent également pour son rôle de Keith Scott dans la série Les Frères Scott (2003-2007, 2012). Après quelques séries B, il retourne à la télévision en 2021 en jouant un personnage clé dans American Horror Story : Double Feature.
D’autres acteurs complètent bien sûr la distribution : James Remar (Les Guerriers de la Nuit, 48 Heures, Mortal Kombat : Destruction Finale, Django Unchained), Nicholas Turturro (Jungle Fever, New York Police Blues, Haute Trahison, BlacKkKlansman : J’ai infiltré le Ku Klux Klan), Kathryn Joosten (À la Maison-Blanche, Treize à la Douzaine 2, Desperate Housewives). 

S’il ne révolutionne pas le genre, Hellraiser : Inferno démarre tout de même sous de bons auspices. Les influences du thriller surnaturel et du film de tueur en série, qui ne sont pas sans rappeler L’Échelle de Jacob ou Seven, se ressentent tout au long de l’opus et lui donnent un certain cachet. Une idée assez intéressante et prometteuse, qui permet de trancher avec le côté “slasher” de la franchise, malgré un manque de moyens évident et visible à l’écran. L'opus démarre ainsi sur une présentation simple mais efficace de Joseph jusqu’à ce que le doute s’installe autour de lui et chez le spectateur. Pendant que les meurtres de personnes liées de près ou de loin au héros se multiplient, il se voit en effet contraint de devoir prouver son innocence, le tout dans une ambiance de visions cauchemardesques qui le torturent. Ces créatures prennent logiquement l’apparence de cénobites plus que réussis, signés une fois encore Gary J. Tunnicliffe, qui effectue sur le film un travail soigné en dépit du manque de budget, offrant une nouvelle galerie de monstres terrifiants. Parmi eux, les jumelles inspirées du précédent volet ou encore Torso, dont l’esthétique et le maquillage marquent instantanément la rétine.
À l’image de son bestiaire, l’aspect visuel de l'opus fait partie de ses points forts. Si les apparitions des cénobites sont plutôt rares, leurs interventions sont toujours aussi efficaces et bienvenues. L’atmosphère est pesante, froide et sale, chaque scène provoquant le malaise et plaçant le spectateur dans une situation inconfortable. Tout est ici malsain, sordide et inquiétant. L’image correspond ainsi parfaitement au ton de la saga et l’affiliation à l’univers Hellraiser est indéniable. En termes de mise en scène et de lumières, certaines scènes sont tout bonnement impressionnantes, instaurant l’angoisse et accentuant les différences entre la réalité et l’imaginaire violent et sanglant. Hellraiser : Inferno renoue dès lors avec ce qui faisait le sel des deux premiers volets et qui manquait fortement à Hellraiser : Bloodline, à savoir une mise en scène sombre, une ambiance glauque et des décors lugubres. Le résultat a beau être déroutant et épuré, il donne au film sa propre identité, marque un retour aux sources et évite les idées saugrenues. En simplifiant l’intrigue et les enjeux, Hellraiser : Inferno parvient à sortir du lot et à se démarquer des précédents volets.

Outre sa photographie et son ambiance, le scénario, bien qu’ayant subi moult réaménagements et réécritures pour coller le plus possible à l’univers Hellraiser, a beaucoup de qualités. L’idée même de faire vivre au personnage principal son propre enfer tient la route et correspond aux thèmes de la franchise. Peu à peu, le doute s’installe et son innocence est remise en question. Ainsi, le spectateur n’arrive pas non plus à distinguer le réel de l’imaginaire et finit par se laisser emporter dans la spirale infernale vécue par Joseph tout au long du métrage. La mise en scène, plutôt correcte pour ce type de production, accentue cette plongée dans le subconscient d’un homme qui ne sait plus faire la différence entre sa triste existence et ses démons intérieurs. L’interprétation est également à souligner, Craig Sheffer, convaincant en héros torturé, sait faire ressortir la culpabilité et l'ambiguïté de son personnage. Aussi détestable que pathétique, il réussit à le rendre autant attachant que repoussant. Le reste du casting fait son travail, sans pour autant sortir du lot, Doug Bradley, pourtant peu présent dans le film mais toujours aussi charismatique et angoissant, tirant sans problème son épingle du jeu.

Il n’empêche que Hellraiser : Inferno a du mal à se défaire de son image de métrage bricolé et rafistolé. Tourné en grande partie pour conserver les droits de la saga, ce que les autres volets suivront sans honte, difficile de ne pas y voir une certaine forme d’escroquerie, surtout quand il est su que le scénario utilisé n’était pas prévu pour en faire un épisode Hellraiser. Les raccourcis sont donc bien présents, ne serait-ce que lors des apparitions des cénobites et de la boîte, qui semblent avoir été ajoutés par obligation pour sortir le film rapidement et à moindre coût. L’univers dépeint par Clive Barker dans les deux premiers volets en prend un sacré coup, notamment pour ce qui est de l’action des cénobites et leurs objectifs. Pinhead n’est pas ici animé par le plaisir de faire souffrir des âmes perdues en les soumettant aux supplices les plus douloureux, mais simplement à punir des personnes pour les mauvaises actions qu’elles ont commises de leur vivant. Le ton moralisateur que prend le film dans son dernier tiers peut donc en rebuter plus d’un, notamment les fans de la saga, qui ne retrouveront plus leur antagoniste préféré, malgré un final inattendu qui fait son petit effet.

L’image souvent très lisse et les décors pauvres et aseptisés du film desservent également le récit, si bien que le spectateur n’arrive pas toujours à s’impliquer dans ce que le métrage raconte. Hellraiser : Inferno perd manifestement son public à quelques occasions. Bien que le charisme des cénobites et de leur chef Pinhead reste intact, il est ainsi regrettable de les voir réduits à peau de chagrin et seulement présents pour assurer quelques jump-scares et hallucinations, ou meubler la dernière partie. Trop en arrière-plan, délaissés au profit du personnage principal, ils se font beaucoup attendre et n’inspirent plus vraiment la peur. Leur variation est passionnante, mais bien loin de la mythologie développée par la saga. Le film trahit donc une grande partie de tout ce que Hellraiser avait construit, passant de démons de la douleur et du plaisir à des monstres moralisateurs uniquement motivés par l’idée de punir et occupés à tourmenter les fautifs. La bande-son, assurée sur ce volet par Walter Werzowa, compositeur autrichien sur une majorité de thrillers (Eraser, Taking Lives : Destins Violés, Mimic 2 : Le Retour), permet malgré tout au film de gagner des points et intensifie les scènes d’angoisse.

Par ailleurs, l’opus est assez avare en effets gores. Là où ses prédécesseurs n’avaient pas peur de choquer et de montrer des mises à mort sanglantes et cruelles ou autres créatures au physique terrifiant, Hellraiser : Inferno est trop soft et a peu d’occasions d’impressionner. Cette évolution, certes intéressante, peut laisser penser que l’équipe du film ne comprenait pas ce qu’elle avait entre les mains ou, tout simplement, que les producteurs cherchaient juste à se faire de l’argent à bon compte sur le dos d’une franchise qu’ils ne voulaient surtout pas perdre ! Il serait toutefois assez injuste d’accuser les auteurs de dénaturer complètement la saga, dans la mesure où le scénario d’origine n’était pas du tout prévu pour être un film Hellraiser, ce qui donne à Hellraiser : Inferno des airs de bâtard. Il reste malgré tout une œuvre intéressante qui apporte à sa manière sa pierre à l’édifice en racontant une histoire annexe sous l’angle du thriller fantastique, chose assez rare dans la franchise, en lieu et place de l’horreur. Une approche originale donc, qui sera reprise dans les opus suivants, mais avec beaucoup moins de réussite.
Hellraiser : Inferno sort directement en vidéo le 3 octobre 2000, distribué par Dimension Home Video et Buena Vista Home Video. Les avis sur le film seront assez mitigés, notamment parce qu’il n’a pas été conçu comme une suite directe à Hellraiser : Bloodline - qui peut donc être vu comme la vraie conclusion de la franchise - et son ambiance, plus proche de l’horreur psychologique que de l’horreur physique, contrairement aux précédents opus. Il récolte néanmoins suffisamment de critiques positives pour être vu comme une alternative intéressante à tout ce que la saga proposait auparavant, l’approche du thriller et le côté enquête étant très appréciés. L’acteur Doug Bradley révèle également être satisfait du résultat final et du développement de son personnage, l’antagoniste du film n’étant plus seulement Pinhead, mais aussi le personnage principal. En revanche, il sera très mal reçu par Clive Barker, ce dernier étant déçu par la tournure prise par le film. Malgré des qualités et des ventes assez convenables, Hellraiser : Inferno ne signe pas un grand succès en DVD à sa sortie même si cette déconvenue ne décourage pas les studios de pencher sur un nouveau film.

Réalisé à l’économie et conçu essentiellement pour ne pas perdre les droits, Hellraiser : Inferno fait entrer la franchise dans une nouvelle ère : celle des productions au rabais basées sur des scénarios originaux mais non conçus pour être des films de la saga.
Hellraiser : Inferno reste tout de même une proposition intéressante, avec une approche inédite et des thèmes ambitieux, soutenus par une interprétation convaincante et une réalisation efficace. Une suite parfaitement recommandable hélas plombée par un manque de moyens évident, une maîtrise bancale du matériel d’origine et des intentions franchement douteuses.

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