Inhumans
Titre original : Inhumans Production : Marvel Date de sortie USA : Le 01 septembre 2017 Genre : Fantastique IMAX |
Réalisation : Roel Reiné Musique : Sean Callery Durée : 75 minutes |
Le synopsis
Les Inhumains vivent cachés des humains sur Attilan, une cité protégée par un dôme sur la Lune. Mais, un coup d'état renverse le régime en place et la paix précaire qui existe sur la base obligeant la famille royale à s'exiler sur Terre... |
La critique
Inhumans est assurément l'une des expériences cinématographiques du Marvel Cinematic Universe la plus étrange mais malheureusement aussi la plus ratée... Il s'agit, en réalité, de promouvoir une nouvelle série à venir sur ABC en proposant ses deux premiers épisodes en IMAX. L'initiative est ainsi alléchante mais, à la sortie de la projection, laisse un goût amer tant l'échec est double. D'abord, l'intérêt du format semble minime voir inutile. Mais surtout, la qualité intrinsèque de la série, que ce soit sur petit ou grand format, est globalement mauvaise ; des décors aux effets spéciaux, du récit aux personnages, tout est raté. En fait, les rares éléments qui ressortent du lot sont le méchant joué par un Iwan Rheon décidément charismatique à souhait et le gros chien numérique, Gueule d'Or, aussi mignon qu'attachant.
Les Inhumains sont donc des personnages imaginés par Jack Kirby et Stan Lee, apparus pour la première fois dans Fantastic Four #45 en décembre 1965. Créés par la race extra-terrestre Krees, ils sont issus d'une expérimentation de mutation à partir d'humains. Les Kree veulent, en effet, en faire leurs esclaves mais renoncent à leur projet afin de se consacrer à leur empire. Livrés à eux-mêmes, les Inhumains vont donc errer sur Terre avant de fonder leur cité, Attilan, située dans un premier temps en Atlantique Nord puis sur l'Himalaya avant de la déplacer sur La Lune. Aujourd'hui, Attilan est dirigée par Flèche Noire, que la voix aussi destructrice qu'une explosion nucléaire oblige à rester muet, et son épouse Medusa dont la chevelure est une arme redoutable. Ils sont aidés par Crystal, sœur cadette de Medusa, dotée de pouvoirs sur les quatre éléments ; Gorgone, aux sabots suffisamment puissants pour déclencher des secousses sismiques et Gueule d'Or (Lockjaw), un bouledogue géant ayant le pouvoir de téléporter quiconque le lui demande.
S'ils n'ont pas eu l'honneur des salles obscures avant cette demi-incursion que représente la projection d'Inhumans en IMAX, les Inhumains sont apparus à la télévision dans de nombreuses séries animées : The New Fantastic Four (1978), Fantastic Four (1994), Ultimate Spider-Man (2012), Hulk et les Agents du S.M.A.S.H. (2013), Avengers Rassemblement (2013) ou Les Gardiens de la Galaxie (2015) mais aussi dans le Comic Animation InHumans (2013).
Leurs incorporations dans le Marvel Cinematic Universe s'est, en revanche, faites dans la douleur sur fond de guerre interne entre deux managers de Marvel : Kevin Feige et Isaac Perlmutter. Suite au rachat de Marvel par Disney en 2009, les ambitions de la Maison des Idées pour créer un univers audiovisuel riche et cohérent à la fois au cinéma et à la télévision se font, il est vrai, jour. Le MCU à la télévision débute ainsi lors de la Phase II, en particulier, après Iron Man 3. Au cours de la première saison des (Les) Agents du S.H.I.E.L.D., les événements de Thor : Le Monde des Ténèbres mais surtout de Captain America : Le Soldat de l'Hiver ont, en effet, un fort impact sur la série. Mais dès la deuxième saison, les liens se font plus tenus même si Agent Carter se trouve, elle, directement liée au film Captain America - First Avenger ainsi qu'au court-métrage Agent Carter. Les séries diffusées sur Netflix, Daredevil, Jessica Jones, Luke Cage, Iron Fist et The Defenders font, elles aussi, partie du même univers mais ne se contentent que de quelques citations sans interagir d'aucune façon avec l'univers des films. Pire, certains acteurs secondaires présents dans ces séries peuvent se retrouver dans des petits rôles différents dans les films. Cet état de fait, évidemment regrettable, vient en réalité d'une guerre larvée que se livrent Kevin Feige, responsable de la branche cinéma, et Isaac Perlmutter, patron de Marvel depuis 2005 et superviseur du reste dont la télévision. En 2015, le divorce est d'ailleurs publiquement consommé puisque Kevin Feige et ses Marvel Studios ne dépendent plus de Marvel Entertainment d'Isaac Perlmutter mais directement de la branche cinéma de The Walt Disney Company placée elle sous la responsabilité d'Alan Horn. C'est donc la raison pour laquelle les héros Marvel de cinéma et de télévision ont peu de chance de se rencontrer un jour, même si contractuellement, il n'est pas totalement impossible que cela arrive.
Inhumans est né de ce combat d'égos. Les premiers échos d'un film sur les Inhumains remontent ainsi à 2011 avec une confirmation en octobre 2014 pour une sortie programmée en novembre 2018 au cours de la Phase III du MCU. Le film est ensuite repoussé à 2019 pour être finalement enlevé du planning en avril 2016 mais sans que son annulation ne soit officiellement confirmée. Parallèlement, les Inhumains apparaissent pour la première fois dans la saison 2 des (Les) Agents du S.H.I.E.L.D. mais sans les éléments iconiques des comics. En novembre 2016, Marvel décide de proposer les personnages plutôt à la télévision, pour une diffusion en septembre 2017. La série ne sera en revanche ni une refonte du film abandonné ni un spin-off des (Les) Agents du S.H.I.E.L.D. mais appartiendra au même univers que cette dernière avec des éléments pouvant influer l'une sur l'autre. Ce lien tenu avec le Marvel Cinematic Universe est d'ailleurs peut-être le premier problème de Inhumans. Il manque ainsi clairement une explication de ce que sont les Inhumains. La mise en perspective des personnages et du peuple est clairement défaillante, tandis que les liens avec (Les) Agents du S.H.I.E.L.D. sont à la fois trop vagues et trop imprécis pour que le public puisse pleinement s'en satisfaire.
Dans un contexte décidément mouvementé, Scott Buck est choisi pour être le showrunner de la série Inhumans. Affichant alors plusieurs sitcoms à son compteur (Une Fille à Scandales, Les Oblong, Nikki), il travaille chez HBO sur la seconde saison de Six Feet Under dès 2002. Il en devient par la suite coproducteur exécutif et rejoint, toujours sur la même chaine, l’équipe de Rome. Après l’annulation de cette dernière, il est appelé sur une autre série à succès, Dexter, qui en est alors à sa deuxième saison. Après le départ des créateurs, il y prend le poste de showrunner pour les saisons six, sept et huit mais reçoit de violentes critiques face à ses choix scénaristiques. Cela ne l’empêche pas d’être choisi par Marvel et Netflix pour être showrunner d’Iron Fist, et donc par la suite, toujours chez Marvel, d’Inhumans.
Pour son lancement, Inhumans propose alors une initiative aussi étonnante que surprenante. Il s'agit, en effet, de la première série à être produite puis diffusée en partie en IMAX. Elle est ainsi une co-production entre Marvel Television, ABC Studios et IMAX Corporation. IMAX est donc ici un partenaire financier et couvre totalement le budget des deux premiers épisodes qui sont ensuite diffusés en avant-première sur les écrans ultra larges du monde entier. IMAX a, il est vrai, approché Marvel à la suite du succès de la diffusion des épisodes 9 et 10 de la Saison 4 de la série HBO, Game of Thrones, en 2015. Mais là où les épisodes de Jon Snow avaient été proposés à la télévision six mois plus tôt, ici, les épisodes seraient pensés pour l'IMAX et proposés en avant-première. Le deal permet aussi à ABC Studios d'investir plus d'argent sur les effets spéciaux tout en espérant donner envie aux spectateurs de découvrir le reste de la série sur son antenne voire de suivre la saison 5 des (Les) Agents du S.H.I.E.L.D..
Netflix ou IMAX, cinéma ou télévision, l'initiative prouve au moins un chose : le monde de l'audiovisuel tente de se réinventer et de proposer des expériences nouvelles. En fait, peu importe l'écran, l'essentiel reste la qualité de l'histoire racontée et les personnages dépeints.
Le réalisateur des deux épisodes, Roel Reiné, va donc les filmer avec une caméra IMAX, d'une façon cinématographique, privilégiant les plans d'ensemble à l'opposé des plans rapprochés chers à la télévision. Néanmoins, il tourne des deux façons afin de proposer un mouvement de caméra différent entre la diffusion cinéma et télévisée. La version IMAX a ainsi insisté sur les décors, en particulier ceux d'Hawaï, réellement de toutes beautés. Le montage est aussi différent puisque le film dure 75 minutes là où la version des deux épisodes à la télévision sera de 84 minutes. Des scènes de jointures et de coupures pour la publicité seront ainsi rajoutées alors que le récit se suit sans à-coup en IMAX. Techniquement, le visionnage en IMAX laisse clairement sur sa faim. Malgré un budget largement plus important que pour n'importe quelle série Marvel, les effets spéciaux ne tiennent pas la route pour un écran aussi grand (sauf peut-être Gueule d'Or). Mais surtout, les délais extrêmement courts de production avec seuls vingt petits jours de tournage font que ce qui est visible à l'écran fait pauvre : des costumes aux combats en passant par les décors intérieurs, tout parait bon marché. En fait, le seul intérêt de l'IMAX sont les vues extérieures et encore uniquement celles qui ne se passent pas en milieu urbain !
L'idée de proposer une série en IMAX est donc sur la papier intéressante mais les ambitions artistiques d'Inhumans ne sont malheureusement pas à la hauteur de l'évènement. Il faut dire que, dès l'annonce de la mise en chantier à la sortie en IMAX, il ne s'est passé que dix mois. Un temps bien trop court pour pouvoir proposer une vision ambitieuse des personnages. Il est vrai aussi que peu de séries auraient pu être mises en valeur par le très grand écran, et lors de l'été 2017, la seule était clairement la septième saison de Game of Thrones. IMAX et HBO auraient proposé en exclusivité les deux derniers épisodes de la saison sur grand écran, non seulement le public se serait rué dans les salles, mais en plus, il n'aurait pas souffert de la comparaison avec pas mal de blockbusters de l'été 2017.
Au delà de la réalisation, Inhumans accumule les mauvais choix artistiques à commencer par les décors intérieurs. La cité d'Attilan est, en effet, censée faire un minimum rêver ou du moins dépayser. En réalité, tout est ici fait en béton mais de façon peu harmonieuse. Et les intérieurs sont du même acabit : froids et vides. Les costumes pêchent eux aussi affichant bien malgré eux un aspect kitsch risible alors même qu'ils tentent de se rapprocher le plus possible de ceux des comics. C'est d'ailleurs peut-être ça le réel problème. Certains éléments font vraiment factices à commencer par la mauvaise perruque de Medusa.
Mais au delà des problèmes visuels, Inhumans se voit aussi plombé par un gros handicap narratif. Le spectateur lambda ne comprend pas le souci d'Attilan ni son fonctionnement. Pourquoi les Inhumains sont sur la Lune même s'il est su que c'est d'abord pour se cacher des humains ? Pourquoi vaut-il mieux suivre le précepte de Flèche Noire et rester cacher plutôt que de retourner sur Terre ? Comment la ville fonctionne notamment au niveau de la nourriture et l'approvisionnement en air ? Pourquoi Flèche Noire, censé être un souverain bon et juste, laisse-t-il se perpétuer un système de classe qui provoquera sa chute ? En fait, le spectateur est tellement dubitatif sur cette ville mystérieuse et sur son fonctionnement qu'il a bien du mal à se sentir concerné par son sort. Pire, il a presque l'impression que les intentions de déstabilisation du méchant sont plus justes que le statu-quo voulu par le souverain légitime. Il y a donc clairement un problème de récit et d'inversion des valeurs quand le constat amène le spectateur à s'attacher plus au méchant qu'aux protagonistes principaux de l'histoire.
Il faut dire que les personnages n'aident pas non plus à rentrer dans l'opus.
Le seul à vraiment sortir du lot est clairement Maximus, le frère de Flèche Noire. Joué à merveille par Iwan Rheon, connu pour avoir été l'infame Ramsay Bolton dans Game of Thrones, il livre une prestation vraiment convaincante. Il est tellement au dessus du lot que le spectateur s'attache bien trop à lui à lui, voulant presque qu'il réussisse son coup d'état.
Inversement, Flèche Noire manque de charisme. Anson Mount fait pourtant tout son possible pour rendre son personnage attachant mais le voir muet et endimanché dans un costume de mauvais goût fait qu'il est vraiment difficile de le prendre au sérieux. Seule la scène de son arrestation en pleine rue permet d'envisager enfin tout son potentiel mais il est déjà trop tard pour que cela soit efficace, narrativement parlant.
Medusa affiche, elle, deux facettes l'une sur Attilan et l'autre à Hawai. Et bizarrement, c'est quand elle sur Terre qu'elle est le plus crédible et la plus attachante. Sa robe et sa perruque sont, en effet, vraiment affreuses si bien que Serinda Swan n'arrive pas, malgré son talent, à rendre son personnage touchant pendant toute la première moitié du pilote.
Les personnages de Karnak (Ken Leung) et Gorgon (Eme Ikwuakor), les cousins de Flèche Noire, sont, pour leur part, un peu interchangeables et jouent tous sur le même registre : ils ne disposent ici sans doute pas assez de temps pour pouvoir prouver l'intérêt de leur présence.
Crystal (Isabelle Cornish), la soeur de Medusa, s'en sort, en revanche, un peu mieux étant d'ailleurs la seule de la famille royale à rester sur Attilan ce qui promet un beau potentiel pour la suite de la série.
Enfin, il faut noter la présence de Gueule d'or (Lockjaw), le gros chien aux pouvoirs de téléportations. Il est non seulement adorable mais possède des capacités amusantes. Clairement, il fait partie des points positifs du film pilote.
Les premières diffusions de l'opus ont lieu à partir du 28 août 2017 dans plus de de 667 écrans IMAX à travers le monde. La diffusion s'étalera pendant une exclusivité de deux semaines. Mais les résultats de la première semaine s'avèrent décevant avec seulement 2.6 millions de dollars récoltés dans le monde, une goutte d'eau par rapport au budget pourtant déjà faible du film. Il faut dire que les critiques en sortie de projection sont vite assassines. Le public est en outre réfractaire à l'idée de payer une place de l'ordre de 15 € pour des épisodes d'une série qu'il ne connait pas, n'attend pas et qu'il pourra voir gratuitement un mois plus tard à la télévision dans une version longue. Il y a donc des grandes chances que cet essai raté refroidisse IMAX ou Marvel de tenter à nouveau l'expérience. Une chose est sure : chat échaudé, le spectateur ne s'y fera, lui, plus reprendre ! Pire, redevenu téléspectateur, il risque de se détourner de la série : sachant que le budget était plus important sur les deux premiers épisodes et au vu du résultat obtenu à l'écran, les six restant prédisent, en effet, une qualité terriblement médiocre.
Proposer le pilote des Inhumans en salles IMAX aurait pu être une bonne idée mais un manque d'ambition et de budget transforme cette initiative enthousiasmante en accident industriel, honte artistique et arnaque commerciale.
Seul Iwan Rheon sauve, en réalité, le pilote de l'ennui total mais n'aide malheureusement pas à trouver un intérêt de le proposer sur très grand écran. Paradoxe suprême, la version IMAX ne donne absolument pas envie de voir la suite de la série. A 15 € la place pour assister un naufrage, l'expérience reste amère...
Inhumans est assurément le premier faux pas de Marvel dans le MCU !