Une Nana au Poil
Titre original : The Hot Chick Production : Touchstone Pictures Date de sortie USA : Le 13 décembre 2002 Genre : Comédie |
Réalisation : Tom Brady Musique : John Debney Durée : 104 minutes |
Disponibilité(s) en France : |
Le synopsis
Quand la fille la plus populaire du lycée se retrouve coincée dans le corps d'un homme de trente ans, elle va devoir apprendre à composer avec la nouvelle image qu'elle renvoie et la franchise de son entourage. Mais elle découvre que la vie n’est finalement pas qu’une question d’apparence… |
La critique
Avec cette nouvelle comédie, Touchstone Pictures confirme son statut de label plus adulte en s’adonnant à un genre souvent représenté sous son étendard et ce, même si le concept de l’échange des corps de deux personnages est un thème déjà abordé maintes fois par les Studio Disney notamment dans Un Vendredi Dingue, Dingue, Dingue et ses remakes (Un Vendredi de Folie ; Freaky Friday : Dans la Peau de ma Mère). Le public visé est, en effet, ici définitivement plus âgé, proposant aux spectateurs un savoureux cocktail de stéréotypes, passant de la blonde sexy au père macho jusqu’aux adolescentes branchées, le tout accompagné d’un langage fleuri, parfois vulgaire, développant au final un humour sans doute trop lourd…
Le réalisateur d'Une Nana au Poil est Tom Brady. Né le 30 septembre 1963 dans le New Jersey, il décroche son entrée dans la prestigieuse Université d'Harvard grâce à des écrits et un prix d’interprétation obtenus au lycée. Diplôme en Littérature Anglaise en poche, il écrit déjà ses premiers scénarios et joue ses premiers rôles dans différentes pièces de théâtre. A l’Université d’Hawaï, il obtient ensuite son diplôme de réalisation (Master of Fine Arts - Directing) et entame une carrière de scénariste et de producteur pour la télévision même si la plupart de ces projets durant cette période restent méconnus. Parmi ses œuvres les plus célèbres, il est important de souligner sa participation à la production de quelques épisodes de la série Profession : Critique ainsi que son rôle de co-producteur sur des épisodes ponctuels des (Les) Simpsons en 1995. Son premier projet d'envergure au cinéma est Animal ! L’Animal… sur lequel il occupe le poste de scénariste là où Rob Schneider, vedette de la série Men Behaving Badly, assume lui déjà le rôle-titre. Pour Une Nana au Poil, il passe ensuite pour la première fois derrière la caméra. Le scénario co-écrit avec Rob Schneider, assoit alors un type d’humour potache qui devient bien vite sa marque de fabrique ; ses films suivants, The Comebacks (2007) et Bucky Larson : Super Star du X (2011), confirmant son penchant pour les comédies burlesques.
L’univers musical est confié, pour sa part, au compositeur John Debney. Né en 1956, il se passionne tout jeune pour le rock. Fils de Louis Debney, un compositeur cher au studio du grand Walt, réputé pour son travail sur Blanche Neige et les Sept Nains, le Mickey Mouse Club ou encore la série au vengeur masqué Zorro, il suit les traces de son père et intègre les studios Disney dans les années 80. Là, il se fait remarquer notamment pour avoir remplacé au pied levé James Horner dans l’ensorcelant Hocus Pocus - Les Trois Sorcières, mais aussi pour son travail sur la bande originale de Kuzco, l'Empereur Mégalo ou encore celle de Princesse Malgré Elle. Sur Une Nana au Poil, la signature du compositeur n'est pas vraiment reconnaissable : les mélodies restent, il est vrai, par trop discrètes par rapport aux dialogues se contentant d’accompagner les effets comiques ou de souligner les moments riches en émotion.
Niveau casting, le personnage principal, Clive Maxtone, est joué par Rob Schneider. Né en 1963, c'est adolescent qu'il commence sa carrière en écrivant des sketches qu'il joue dans des cabarets faisant ainsi les premières parties de Dana Carvey et de Jay Leno. Au début des années 90, il décroche le poste de rédacteur au Saturday Night Live pendant quatre ans devenant l’une des vedettes majeures du show aux côtés d’Adam Sandler, Chris Rock et Mike Myers. Par la suite, il endosse des rôles assez divers : il apparaît en effet dans Maman, J’ai Encore Raté l'Avion et Demolition Man puis obtient des rôles plus importants dans des films à plus ou moins gros budget comme Pinocchio, Judge Dredd, Piège à Hong Kong. S'inspirant de réalisateurs américains et britanniques, il co-écrit Gigolo à Tout Prix et Animal ! L'Animal... dont il est l'acteur vedette et qui signe sa première collaboration avec Tom Brady. Rob Schneider cultive décidément l'art de se déguiser et aime enchaîner les rôles atypiques. Il se retrouve donc ici à jouer une adolescente trop sûre d’elle dans une prestation pour laquelle il reçoit la récompense du pire acteur de la décennie aux Razzie Awards en 2009.
Rachel McAdams incarne, quant à elle, l'adolescente victime du sort d'échange. Venant du théâtre, la jeune fille débute sa carrière à l'écran à vingt ans, à la télévision, dans la série The Famous Jett Jackson. En 2002, elle fait ses premières armes au cinéma dans My Name is Tanino puis persévère sur la voie de la comédie avec notamment Lolita Malgré Moi. Enchaînant avec plus ou moins de réussites les long-métrages, elle s'oriente finalement vers des rôles plus sérieux dans Sherlock Holmes, Spotlight et Docteur Strange.
Le rôle d'April, la meilleure amie de Jessica, est confié à Anna Faris. La belle blonde cultive, tout au long de sa carrière, l'image de la femme-objet ou du moins un peu limite intellectuellement. Son pouvoir comique provient surtout de la naïveté des personnages qu'elle interprète et du fil rouge qui conduit cet humour tout au long des productions dans lesquelles elle apparaît. Elle est ainsi connue notamment pour ses rôles dans les parodies de films d'horreur Scary Movie, Souviens-toi, la Saint-Valentin... Dans Une Nana au Poil, elle reprend évidemment son rôle culte de la blonde naïve de service.
Au registre des rôles secondaires, se remarquent Eric Christian Olsen révélé par Pearl Harbor, puis dans Sex Academy ou The Comebacks, mais aussi Robert Davi, moins habitué à la comédie, connu surtout pour ses rôles dans Les Goonies, Expendables 3, Predator 2, et qui campe ici le père d’April. Le rôle de la mère de Jessica est, pour sa part, tenu par Melora Hardin, déjà vue chez Disney en 2009 dans Hannah Montana - Le Film, au côté de Miley Cyrus. Enfin, Matthew Lawrence, qui campe ici Billy, a su se faire remarquer pour son rôle de Christopher Hillard dans le cultissime Mme Doubtfire mais aussi, lors d'une nouvelle collaboration avec Brady, dans The Comebacks. Reste également à citer l'apparition clin d'oeil de deux figures des années 1990 / 2000, les jumelles Tamera et Tia Mowry, actrices stars de Sister, Sister mais aussi d’Adam Sandler en babacool à l’accent forcé.
Une Nana au Poil s’impose donc comme une comédie au ton foncièrement adulte, parfois à la limite du vulgaire. Les nombreuses scènes axées sur le sexe masculin (le personnage principal ayant une fâcheuse tendance à le sortir à tout bout de champ) et un langage quelquefois cru éloignent l'opus immédiatement de la signature Disney. Et l'effet comique fonctionne ! Il faut dire que le réalisateur a choisi d'utiliser un environnement connu par tous les spectateurs en recourant à de très nombreux clichés. Tom Brady ne se prive pas, en effet, d'en user et abuser pour faire rire son public. Les premières scènes situent donc le spectateur dans un lycée typique américain. Ainsi, les groupes d'influence se partagent le territoire : les filles branchées, les sportifs, les intellectuels maladroits, les gothiques. D'autres scènes montrent une idée préfabriquée de la société : la discothèque ! L'Instant Tang, est, il est vrai, le repère des danseurs de Hip-Hop et des mauvais garçons. Au passage, l'homme de service aux toilettes s'amuse à imiter Morgan Freeman, se présentant, comme dans la plupart de ses films, en homme bon et sage, prêt à rendre service et délivrant ici une séquence mémorable sur l’usage du sexe masculin aux toilettes ! Le personnage de Taquito/Spence montre, pour sa part, deux stéréotypes bien amenés : celui de l’homme efféminé et du jardinier mexicain. Le seul intervenant qui n'est finalement pas atteint dans la film par le virus de la représentation et des archétypes est donc le petit frère, seul enfant de l'histoire. Innocent et naïf, mais aussi et surtout protecteur et sincère, il est ce qu'il décide d'être, même s'il est incompris au départ puisqu'il qu'il trouve son identité dans le travestissement. Mature avant l'heure, il fait montre d'un esprit de tolérance à toute épreuve, se retrouvant ironiquement à expliquer à sa soeur « qu'il l'accepte telle qu'elle est ».
Au-delà du ressort comique du film, le spectateur peut ressentir la volonté de transmission d'une morale et d'un avertissement. Il s'agit ici de démontrer qu'il faut être bon et loyal, sous peine de se voir puni un jour ou l'autre. C'est tout le sens du sort vécu par une princesse égyptienne, présentée au début du film, qui pour avoir voulu échapper à son devoir doit vivre une existence qui n'aurait pas dû être la sienne. Jessica, l'héroïne principale, devra donc elle aussi apprendre de ses erreurs pour pouvoir grandir. Rien ne sert d'être hypocrite ou méchant avec les autres, il vaut mieux être à l'écoute de chacun, respecter les différences et tendre la main. La morale prône ainsi la nécessité d'être soi-même à l'image du personnage de Ling-Ling, mi-coréen, mi-africain, fier de ses origines.
La relation entre les hommes et les femmes est également un point très important abordé dans Une Nana au Poil. Mais une fois de plus, à grand renfort de clichés, Tom Brady montre qu'ils ne se comprennent pas, même si leurs intérêts convergent (un peu à la manière du livre Les Hommes viennent de Mars, les Femmes Viennent de Vénus). Du côté féminin, l'homme est ainsi vu comme un prédateur sexuel qui n'a pas d'autres dimensions comme la tendresse ou l'intelligence. Jessica n'envisage ainsi pas un instant que son petit-ami Billy puisse ressentir un profond sentiment d'amour envers elle et se ficher de l'aspect physique. Du côté des hommes, plusieurs caractères sont représentés (le père de Jessica, amoureux et machiste, Billy le romantique, Clive le matérialiste..) et il est ainsi facile de constater que les hommes sont plus polyvalents sentimentalement que ce qu'imaginent les femmes à leur égard. L'échange des corps va évidemment venir chambouler tant de certitudes, les deux parties devant apprendre à composer avec les inconvénients physiques de l'autre : les poils pour l'un, les règles pour l'autre, etc.
Des questions de société plus profondes sont également posées ici ou là. L'égalité des chances est-elle la même pour tout le monde ? Les Pompom Girls, plus populaires, ont par exemple plus facilement de laisser-passer pour répéter au début du film. Elles exercent une pression sur le système éducatif en se servant de cette popularité. Cela s'applique aussi sur les vendeurs de glaces par exemple, ne pouvant résister au « sex appeal » de l'héroïne jouant de son charme. Jessica se rendra ainsi compte de l'étendue de ces avantages seulement lorsqu'elle n'y aura plus accès une fois dans la peau d'un homme de trente ans. Le schéma familial est aussi questionné via la famille d'April avec ce père, figure imposante dont l'autorité n'est jamais contesté et qui pense sa femme stupide ou paranoïaque. De même, le jugement négatif sur la communauté gay est abordé par le biais du personnage du barman, un homme musclé qui jette un regard méprisant sur ce qu'il croit être de nature homosexuelle. La connotation féminine d'Une Nana au Poil rendra enfin les spectatrices nostalgique des années 2000 avec la musique, le style vestimentaire, les coiffures typiques de l'époque. Tout est en effet pensé pour ce public-cible présentant là un relooking sur le modèle de boys band ; ici, un univers rose et poudré à la maison et là-bas, le beau sportif du lycée sans oublier le bal de promo du lycée, institution américaine par excellence. L'apothéose est d'ailleurs atteinte quand Jessica, dont l'existence est décidément parfaite, révèle sa crainte de vivre un conte de fées à la Disney. Ce constat girly fait, il reste néanmoins à noter que l'auditoire masculin n’est pas oublié dans l'opus et reçoit lui aussi son lot de clins d'oeil appuyés comme si en réalité le film voulait parler à tout le monde.
A l 'exception de son langage vulgaire inapproprié aux plus petits, Une Nana au Poil se destine à un public assez large. S’il fait passer un bon moment de par l’usage d’un humour potache, signature de son réalisateur, auréolé par la performance délirante de Rob Schneider, l’utilisation de clichés et de préjugés interroge aussi sur de réelles questions déjà au cœur des discussions à l’aube des années 2000 et qui demeurent furieusement d'actualités…