Brad Bird Parle des Indestructibles 2
L'article
De passage à Paris le 14 juin 2018, avant de rejoindre Annecy où il allait présenter son film au Festival International du Film d'Animation, le réalisateur Brad Bird, accompagné des producteurs, Nicole Paradis Grindle et John Walker, est venu parler des (Les) Indestructibles 2 devant un parterre de journaliste et de blogueurs. Chronique Disney a eu la chance de participer à cette table ronde.
Pour le réalisateur, faire un film qui a du succès est toujours grisant mais aussi un peu intimidant quand il s'agit de faire une suite où les attentes sont très importantes. Quand il a commencé à travailler dessus, il a d'ailleurs très vite décidé de ne pas aller sur internet pour ne pas se polluer la tête... Mais malheureusement, il a eu la mauvaise idée de ne pas suivre à la lettre cette bonne résolution ! Or, les internautes ont tendance à être "légèrement" excessifs. Il faut donc faire attention à ne pas tomber dans le piège de la check-list où tous les éléments du premier long-métrage apparaissent d'une manière ou d'une autre dans la suite au risque certain de trop freiner la créativité. Brad Bird s'est donc attaché de s'éloigner autant que faire se peut de cet état d'esprit. Pour réaliser son film, il a imaginé ce que lui-même voudrait voir s'il était assis au cinéma et uniquement lui !
Brad Bird avoue ensuite que la profusion de film de super-héros a quelque peu émoussé son enthousiasme pour le genre. Ainsi, quand il est reparti dans l'écriture du film, alors qu'il allait travailler dessus durant des années, il a hésité pendant une bonne heure, puis a mis sa lassitude de côté pour se focaliser sur ce qu'il aimait particulièrement dans cette histoire : la famille et comment les pouvoirs surhumains intervenaient dans leur vie de tous les jours ! Parmi les idées qui ne sont pas retrouvées dans le premier film, celle du raton laveur a réussi à s'imbriquer dans le second. Il y avait aussi les scènes avec la baby-sitter mais finalement incluses dans le court-métrage Baby-Sitting Jack-Jack. Néanmoins, le réalisateur avoue qu'il aimait beaucoup l'idée des pouvoirs multiples du bébé et surtout il trouvait intéressant que les parents apprennent finalement ce que le public savait déjà : Jack-Jack a bien des pouvoirs... incontrôlables !
Plus que le genre de super-héros, c'est celui des espions qui a toujours fasciné Brad Bird. Il faut dire que dans sa jeunesse les films et les séries de super-héros n'étaient pas très qualitatifs. Il est alors plutôt parti sur l'idée des fictions d'espionnage qui possédaient des méchants d'envergure comme Dr. No ou Goldfinger. C'est aussi la raison pour laquelle il a choisi l'ambiance des années 60 pour ses deux films. Il trouve en effet que les méchants sont bien meilleurs quand ils ont un point de vue et qu'il fait sens. Leurs actions peuvent ainsi être moralement inacceptables mais toujours cohérentes et réfléchies.
Brad Bird se rappelle alors que le premier film a été un challenge technique à réaliser. Les Indestructibles a d'ailleurs failli être un échec à chaque étape du processus car, même chez Pixar, ce qui a été accompli à l'époque ne l'avait jamais été en animation CGI. Le second a donc eu recours à une technique plus mature avec une incroyable panoplie de techniciens et d'animateurs aguerris rendant les choses bien plus faciles. Ce qui ne change pas et ce, peu importe que le budget soit de 200 dollars ou de 2 millions de dollars, c'est l'importance de l'écriture d'une histoire intéressante avec des personnages attachants.
Le réalisateur raconte ensuite l'anecdote de l'apparition dans le second opus du chanteur de RnB, Usher. Ce dernier, fan absolu du premier film, a, en réalité, fait des pieds et des mains pour savoir s'il pouvait avoir un rôle dans la suite. Brad Bird lui répond qu'il n'y a rien qui serait à la mesure de son talent mais lui propose tout de même une petite scène où un personnage rencontre sa plus grande idole, Frozone. Après avoir enregistré son doublage, Usher demande timidement si cela convient... Brad Bird acquiesce : il raconte alors, en l'imitant, que le chanteur s'est mis à hurler : "JE SUIS DANS LES INDESTRUCTIBLES !!!".
À propos de la possibilité d'un troisième film, Brad Bird répond malicieusement : "Demanderiez-vous à une femme qui vient d'accoucher de son deuxième enfant, après seize heures de contractions, si elle est prête pour un troisième et pour quand ? Surtout que vous, vous n'avez toujours pas vu à quoi ressembler le nouveau né..."
Pour conclure, Brad Bird avoue adorer travailler chez Pixar qui est, dans son esprit, un studio qui offre la possibilité à chacun de ses réalisateurs de mettre leur propre sensibilité dans leurs films. Brad Bird revient ainsi rapidement sur l'apport de John Lasseter sur l'opus. Ce dernier a en effet travaillé sur l'histoire ayant un talent incroyable pour le storytelling, tandis qu'il a porté à bout de bras le premier en convaincant les responsables de Disney de l'époque (qui ne font plus partie des studios depuis bien longtemps), que l'idée était bonne et que le film allait cartonner. Mais Nicole Paradis Grindle rajoute que si le départ de John Lasseter va laisser un vide créatif, d'autres vétérans comme Pete Docter, Andrew Stanton ou Lee Unkrich sont à même de prendre le relai au sein des Pixar Animation Studios. De plus, de nombreux jeunes réalisateurs, comme Domee Shi qui vient de signer le court-métrage Bao, sont en train de réaliser des films originaux. Pixar est donc à un tournant créatif de son histoire, entre maturité et bouillonnement.