La Passion des Trains de Walt Disney
L'article
Walt Disney avouait avoir plusieurs passions. L'animation, évidemment, qui était devenue la base de son activité cinématographique, ou encore l'histoire de l'Amérique, qui transparaissait dans nombreux de ses films. Parmi les nombreux hobbys de Disney, les trains occupaient une place de choix. Il avouait souvent que c'était son moyen d'évacuer la pression accumulée dans ses studios. Cette passion était telle qu'au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, Disney laissait souvent tomber ses artistes et ses studios pour se consacrer aux trains.
L'amour de Walt pour les trains remonte à sa petite enfance, à l'époque où il vivait dans la ferme familiale de Marceline. Régulièrement, il venait regarder son oncle Mike (Michael Martin) qui conduisait certains des trains de la société Atchison, Topeka and Santa Fe Railway, qui contournaient la ville. Il aimait également poser une oreille sur les rails, afin d'entendre les locomotives arriver. De retour à Kansas City, Disney put pour la première fois satisfaire son amour des trains, en se faisant embaucher comme vendeur de friandises et de sodas dans les wagons de la compagnie du coin.
Walt Disney aimait par-dessus tout partager sa passion pour les vieux trains avec ses proches. Avec sa femme, notamment, à qui il demandait de temps en temps de poser son pied sur un rail, simplement pour ressentir les vibrations que peut faire un train arrivant au loin. Et puis avec les enfants qui partageaient sa vie, et en particulier ses neveux, à qui il offrit, en 1947, un train électrique comme cadeau de Noël.
Mais surtout, Disney partageait sa passion avec certains de ses artistes, en particulier les deux légendes de l'animation : Ward Kimball et Ollie Johnston, qui l'incitèrent à aller encore plus loin dans la réalisation de son hobby. En particulier Ward Kimball, qui possédait une vraie locomotive, une vraie voiture et un vrai circuit, grandeur nature, qu'il avait baptisé le Grizzly Flats Railroad, et que Disney avait découvert en 1945. C'est d'ailleurs Kimball que Walt Disney invita à participer avec lui à la Railroad Fair de Chicago. C'est en 1948 que les deux artistes s'embarquèrent à Pasadena, en direction de Chicago. Le président de la Santa Fe Railroad autorisa même Walt et Ward à faire siffler le train dans lequel ils voyageaient. Dans plusieurs interviews, Kimball raconte que Disney était comme un enfant, et qu'il ne l'avait jamais vu aussi heureux ! A Chicago, le duo put découvrir et monter à bord de nombreuses locomotives, parfois très anciennes, comme la LaFayette, la John Bull ou la Tom Thumb. Ils assistèrent à l'occasion à plusieurs spectacles, feux d'artifices et autres parades. Ils profitèrent également des nombreux décors construits pour l'occasion, notamment un village d'indien sponsorisé par la Santa Fe Railroad, un quartier inspiré de la Nouvelle-Orléans sponsorisé par la Illinois Central Railroad, un ranch ou encore un faux geyser crachant de l'eau sous pression tous les quarts d'heures. Lors du voyage qui ramenait Disney et Kimball à Los Angeles, ils visitèrent enfin le Greenfield Village, construit par l'industriel Henry Ford, et dans lequel il avait rassemblé des bâtiments historiques d'Europe et d'Amérique, comme la maison des frères Wright, rassemblés autour d'une rue… Disney garda de cette expérience de très nombreux souvenirs, qui l'inspirèrent grandement lors de la conception de Disneyland U.S.A., en particulier pour la création de Main Street, de Frontierland, de New-Orleans Square et du Disneyland Railroad…
C'est au cours de l'année 1948 que Walt Disney décida de franchir le pas et de s'offrir son propre train électrique. Dans une lettre adressée à sa sœur Ruth, il lui expliquait que, comme le médecin lui avait conseillé de trouver un loisir pour oublier un peu le travail, il avait décidé de se faire un cadeau auquel il avait rêvé toute sa vie : un train électrique. C'est ainsi qu'il installa un circuit dans l'une des pièces jouxtant son bureau, et dès qu'il avait un moment à lui, il s'isolait pour jouer avec. Dans la même lettre, Disney expliquait à sa sœur que son petit train de quelques centimètres, possédait une vraie cheminée, capable de cracher de la fumée, et un vrai sifflet, et qu'il avait doté son parcours de plusieurs petites stations. Avec l'aide d'un des machinistes des studios, Robert Broggie, il construisit un décor très détaillé, avec son tunnel, ses petites villes et ses ponts. Mais lorsque la maquette fut enfin terminée, Disney décida d'aller encore plus loin.
En effet, éternel insatisfait, il abandonna progressivement son petit train électrique, pour se consacrer à la construction d'un vrai train. Cette idée lui avait été suggérée par l'animateur Ollie Johnston, qui avait lui-même construit un modèle réduit à l'échelle 1/20ème dans le jardin de sa maison de Sierra Madre. Disney était complètement emballé par cette idée, et surtout par le fait de pouvoir s'asseoir sur le train et de se laisser conduire par lui ! Il rencontra alors plusieurs personnes capables de l'aider à concrétiser son nouveau projet. Tout d'abord, il rendit visite à un ami de Ward Kimball, Dick Jackson, qui construisait des modèles réduits. Il rencontra aussi un autre fan de trains miniatures, nommé William « Casey » Jones. Lorsqu'il eut rassemblé l'ensemble des informations dont il avait besoin, il envoya le chef du département machinerie des studios, Richard Jones, pour acheter des pièces détachées indispensables pour commencer à construire son train. Et finalement, à Noël 1948, le modèle réduit était terminé et opérationnel. Il s'agissait d'une réplique du Central Pacific 173, au départ installé dans l'un des studios d'enregistrement. Les spectateurs purent d'ailleurs découvrir ce train dans le film Operation Wonderland, documentaire décrivant les étapes de la production d'Alice au Pays des Merveilles, et au début duquel Walt Disney arrivait, assis sur la locomotive.
Lorsque son nouveau train fut enfin fini, encore une fois, Disney décida d'aller encore plus loin. A cette époque, lui et son épouse Lillian était à la recherche d'une nouvelle maison, avec un terrain suffisamment grand pour accueillir une nouvelle maquette de train, et surtout, pour pouvoir construire un circuit plus long que celui des studios. Rapidement, Lillian trouva une charmante maison, mais Walt refusa de l'acheter, car elle ne contenait pas assez de place pour son train. Finalement, il trouva son bonheur dans une propriété située dans le quartier de Holmby Hills, à Los Angeles. Dès l'acquisition de la maison, les travaux commencèrent par la construction d'un bâtiment apte à accueillir son train, et dont l'architecture fut inspirée par la ferme du film Danny le Petit Mouton Noir, qui avait elle-même été inspirée par la ferme familiale des Disney à Marceline. Le hangar construit, la prochaine étape fut de mettre en place un vrai chemin de fer tout autour du terrain. Lillian Disney voyait ce projet d'un mauvais œil. En effet, le trajet passait exactement à l'endroit où elle avait prévu ses plantations. Afin de lier sa passion aux exigences de sa femme, Walt fit alors creusé un tunnel de plusieurs mètres de long. Les fleurs de la maîtresse de maison étaient ainsi préservées ! Après des mois de travaux, environs 25 000 $ investis et des tonnes de terre retournés, Walt avait enfin son petit train privé, copie conforme à l'échelle 1/20ème du Carolwood Pacific Railroad. La locomotive fut baptisée Lilly Belle, en hommage à Lillian Disney. De nombreux visiteurs de marque vinrent découvrir l'engin, parmi lesquels Edgar Bergen, le ventriloque de Coquin de Printemps, la chanteuse Dinah Shore, que l'on peut entendre dans La Boîte à Musique, et le peintre Salvador Dali, qui travaillait alors sur le projet Destino.
Les trains occupèrent donc une place de choix dans la vie de Walt Disney, et son œuvre en est le reflet. Déjà, la légende raconte que c'est dans un train le ramenant de New York, où il s'était fait voler son personnage d'Oswald le Lapin chanceux, que Disney imagina Mickey Mouse. Mais surtout, les locomotives ponctuent régulièrement les œuvres qu'il a créées. Dans Dumbo, tout d'abord, avec Casey Junior, le train du cirque dans lequel vit le petit éléphanteau. Dans Les Trois Caballeros, où Donald parcourt l'Amérique latine à bord d'un train multicolore, aux roues rondes et carrées ! Dans Danny le Petit Mouton Noir, où le petit Jeremiah embarque à bord d'un vieux train à vapeur pour se rendre à la foire. Dans La Belle et le Clochard, le Clochard dort dans une ancienne gare dans laquelle d'anciennes locomotives à vapeur sont au repos. Dans Le Brave Mécanicien, qui raconte l'histoire d'un machiniste qui doit, contre vents et marées, apporter dans les délais le courrier embarqué à bord de sa locomotive. Dans L'Infernale Poursuite, où un contrôleur de gare sudiste lutte pour sauver une ligne de chemin de fer menacée de destruction. Il ne faut pas oublier les courts-métrages, en particulier Le Voyage de Mickey, dans lequel la célèbre souris, embarquée dans un train à destination de Pasadena en compagnie de Pluto, est aux prises avec le contrôleur, joué par Pat Hibulaire, qui veille à faire respecter l'interdiction de faire monter des chiens à bord. Et puis surtout, Walt Disney rendit hommage aux amateurs, comme lui, de modèles réduits dans le court-métrage Bon pour le Modèle réduit, dans lequel Donald pilote un train miniature identique à celui qu'il a construit dans ses studios et dans son jardin… Et puis, bien entendu, Disneyland U.S.A. est un autre exemple de la passion de Disney pour les trains, anciens, avec la Disneyland Railroad, mais également modernes, avec le célèbre Monorail. Ses imagineers respecteront d'ailleurs cet amour des trains, presque religieusement, en dotant chacun des resorts à travers le monde d'une déclinaison du Disneyland Railroad.
Disney et les trains, c'est donc une longue histoire, commencée dans la petite enfance du créateur de Mickey, et qui, tout au long de sa carrière, ponctua son œuvre, qu'elle soit privée ou publique.