Percy Jackson

Le Dernier Olympien

Percy Jackson : Le Dernier Olympien débute de façon surprenante avec le jeune héros et Rachel Dare en lieu et place d'Annabeth, sans doute pour dérouter les lecteurs et créer du suspens sur la future vie sentimentale de son personnage principal. Comme d'habitude, le récit s'ouvre avec des créatures attaquant les héros, un conflit qui se termine par Rachel révélant ses intentions amoureuses auprès de Percy, lequel ne sait pas comment réagir. Cette scène d'introduction permet de se remettre d'emblée dans le rythme avant de poursuivre avec des éléments tragiques, effectuant ainsi un glissement dans la tonalité du récit qui amorce la bataille finale. Malgré cela, Rick Riordan conserve le sens de l'humour propre à la série et n'oublie pas de parsemer l'histoire d'anecdotes liées à la vie quotidienne de la Colonie des Sang-Mêlé.

Rick Riordan est l'un des auteurs de fantasy jeunesse et jeunes adultes les plus connus du monde occidental, ayant créé l'univers de Percy Jackson traduit dans quarante-deux langues et inspiré de la mythologie grecque. Son premier roman s'intitule pourtant Big Red Tequila et appartient à une autre série du genre policier nommée Tres Navarre. Au-delà de l'univers mythologique auquel l'immense majorité de ses romans appartiennent, il a coécrit la série The 39 Clues publiée chez Scholastic entre 2008 et 2016.

L'auteur offre de façon habile au lectorat un résumé des précédents tomes, ce qui permet de bien se repositionner dans le récit. Il continue aussi d'étendre l'univers de Percy en faisant intervenir de plus en plus de Titans et de créatures, mais aussi en donnant aux personnages secondaires une place de choix. Ainsi, Beckendorf du pavillon d'Héphaïstos, Silena Beauregard du pavillon d'Aphrodite, Connor Alatir du pavillon d'Hermès et Clarisse du pavillon d'Arès, ont un rôle prédominant dans les événements. Annabeth quant à elle, ainsi que Grover, ne feront une apparition prolongée que bien plus tard pour reformer le trio originel, ce qui peut être déroutant mais permet de se concentrer sur d'autres personnages. Il s'avère aussi que quelqu'un à la Colonie des Sang-Mêlé est un espion, et pour rendre la révélation intéressante, il fallait déjà bien connaître ce personnage et le noyer dans une myriade d'autres individus pour que la révélation ne soit pas trop évidente. Et étant donné que la bataille contre les Titans implique tous les demi-dieux et pas seulement les héros bien connus du lectorat, il était nécessaire que le lectorat en connaisse plus de quelques-uns pour se sentir impliqué dans cet affrontement.

Dans cet ouvrage ultime, Nico Di Angelo prend toute son importance et devient un personnage profondément charismatique, qui apporte une touche de noirceur de par son passé tragique et la perte de sa sœur. Ce personnage aura d'ailleurs droit plus tard un ouvrage dont il est le héros principal : Le Soleil et l'Étoile - Une Aventure de Nico Di Angelo par Rick Riordan et Mark Oshiro (Disney•Hyperion (US) et Albin Michel (France), 2023). Les références à des œuvres Disney, ici La Petite Sirène (1989), font sourire, d'autant qu'elles parsèmeront aussi la prochaine série de l'auteur, Héros de l'Olympe (Disney•Hyperion (US), 2010-2014 ; Albin Michel (France), 2011-2015). La seconde bataille des Titans fait de son côté écho à Hercule (1997), lorsque Hadès emmène les Titans à l'Olympe. Le lectorat sera ravi de découvrir les autres mondes peuplant l'univers de la mythologie gréco-romaine, tels que le monde marin de Poséidon et le royaume des morts d'Hadès.

Tout au long de la série, le choix de l'auteur a été de situer les dieux grecs aux États-Unis, ce qui d'emblée peut paraître étrange, car il n'y a aucune raison réelle pour que les divinités quittent la Grèce si tant est qu'ils aient besoin dans leur aspect d'avoir un lieu défini - ce fait est avancé par Rick Riordan lui-même qui précise que les dieux peuvent être dans plusieurs endroits à la fois. Il semble en revanche maladroit qu'Hermès évoque les enfants qu'il a de par le monde et qu'il ne cite que des localisations étasuniennes. L'auteur rajoute par la suite d'autres pays, mais cela montre bien l'omniprésence de celui à la bannière étoilée qui peut paraître quelque peu excessive par moments.

Comme dans la série Magnus Chase et les Dieux d'Asgard (Disney•Hyperion (US), 2015-2017 ; Albin Michel (France), 2016-1018) que Rick Riordan écrira plus tard et qui se focalise sur la mythologie scandinave, il plane une ambiguïté certaine concernant la notion de bien et de mal chez les dieux : Zeus a ordonné la mise à mort de Bianca et Nico di Angelo, il a aussi condamné Prométhée parce qu'il a donné le feu aux hommes, et ordonné la mort de la mère des deux enfants. D'un côté, ceci aide à réaffirmer la supériorité et la puissance des dieux qui, du fait de la tonalité humoristique de la série, sont souvent rendus trop terre-à-terre et loufoques. Il y a une logique certaine à les humaniser dans les romans puisque contrairement au Dieu abstrait de la plupart des religions monothéistes, les dieux du polythéisme indo-européen ont des traits caractéristiques proches de leur création humaine, mais il n'en reste pas moins qu'ils sont des créateurs supérieurs et immortels.

L'auteur utilise la boîte de Pandore pour son récit, laquelle aura un rôle-clé et sera un avertissement contre la curiosité. La boîte a cette connotation dans la religion grecque, mais il est important de préciser qu'elle n'est pas représentative de la société gréco-romaine. La curiosité n'était pas considérée comme une tare, bien au contraire, ainsi que l'attestent toutes les découvertes en matière de philosophie, d'astronomie, des sciences et des arts effectuées par ces peuples : La Nature des Dieux de Cicéron en est l'un des plus beaux exemples. Cette ouverture d'esprit est l'un des facteurs qui a permis durant le changement violent de la religion officielle du polythéisme au christianisme par Constantin de faire croire jusqu'à ce jour que les croyances de l'époque n'étaient pas solides. Le fait de pouvoir questionner la religion était en effet quelque chose considéré comme méprisable et d'assez incompréhensible pour les chrétiens dirigeants de l'époque, le christianisme contemporain offrant une vision bien plus stricte : obligation de ne lire que La Bible (pour ceux qui savaient lire), interdiction de questionner l'existence de Dieu (même dans la sphère privée) et interdiction de croire en une autre divinité, car celles-ci étaient dorénavant considérées comme des démons. A contrario, les Romains accueillaient nombre de dieux étrangers dans leur panthéon et offraient dans la plupart des cas la tolérance religieuse comme le révèlent l'archéologie et les données historiques. Sans en faire le procès, il aurait été intéressant de préciser dans le roman cette caractéristique de la société gréco-romaine, ce qui en fait une civilisation extrêmement intelligente.

Le lectorat sera ravi de découvrir la suite de la série littéraire de Percy Jackson et de partir à la découverte de tant de mondes qui peuplent cet univers, tels que les royaumes d'Hadès, de Poséidon ainsi que l'Olympe. Percy Jackson : Le Dernier Olympien offre une grande bataille, de belles conclusions et une fin qui ouvre le récit sur de futures aventures qui mèneront à la série Héros de l'Olympe et bien d'autres encore... Avant que Rick Riordan ne revienne pour poursuivre l'histoire du héros en 2023 dans un nouveau roman : Percy Jackson and the Olympians : The Chalice of the Gods !