Milo sur Mars
Le synopsis
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La critique
Milo sur Mars est le deuxième film (et dernier !) du studios ImageMovers Digital, une société créée et détenue conjointement par Robert Zemeckis et Disney. Tourné en motion capture, il paye au prix fort l'utilisation de cette technique aux rendus hideux. Quand, en plus, il se construit sur une histoire banale mise au service d'une morale de bas-étage, il part avec de très sérieux handicaps. Reste alors uniquement ses superbes décors, ses scènes d'action convaincantes et son univers martien plutôt bien défini...
Le Drôle de Noël de Scrooge est le premier
film issu d'une nouvelle société financée en large partie par la Walt Disney
Company : ImageMovers Digital. Dérivée d'ImageMovers, IMD
(son acronyme officiel) est une firme entièrement dédiée au cinéma virtuel issu
de la technique de la capture de mouvements. Alors que les œuvres précédentes
sur le marché de la Motion Capture - Le Pôle Express et La Légende de
Beowulf (réalisés par Robert Zemeckis) ainsi que Monster House
(seulement produit par ses soins) - restent la propriété de leurs studios
financeurs (respectivement Warner, Paramount et Sony), Le Drôle de Noël de Scrooge
symbolise donc, le premier, la totale prise d'indépendance de Robert Zemeckis. Il
possède, en effet, désormais une structure entière adaptée au projet de cinéaste
qui lui tient à cœur : le développement du cinéma d'animation basé sur le
procédé "Mocap". La Motion Capture - ou capture de mouvements en français -
désigne, de façon générique, les techniques permettant de capter les
mouvements d'un élément réel afin de les renvoyer dans un univers virtuel. Ils
sont ainsi enregistrés puis restitués en temps réel vers d'autres systèmes ;
cette technique étant employée pour faire correspondre des mouvements du vivant
à ceux d'un avatar ou d'une représentation conceptuelle.
L'aventure ne fait pourtant pas long feu. Les résultats au box-office du
(Le) Drôle de Noël de Scrooge
sont, en effet, tellement décevants que les studios Disney annoncent, alors même
que son exploitation n'est pas terminée, la fermeture d'IMD une fois
Milo sur Mars, le projet en
cours, achevé. Des analystes apportent toutefois une autre justification à cette
situation. "Bébé" de Dick Cook, le précédent responsable de la branche film de
la Walt Disney Company, ImageMovers Digital se trouve, à la suite de sa
démission forcée, orphelin, sans plus aucun défenseur en interne. Son
successeur, Rich Ross, poussé par le PDG Bob Iger en personne, manifeste ainsi
sans tarder sa volonté de se concentrer uniquement sur les deux studios
d'animation historiques : Disney et Pixar. Il se murmure par ailleurs que, plus
que les résultats du
(Le) Drôle de Noël de Scrooge,
ce sont les premiers rendus de Milo sur Mars qui l'auraient convaincu
d'arrêter les frais sur cette technique. Ainsi, si Milo sur Mars voit le
jour, c'est seulement parce qu'il n'a pas pu être stoppé vues les sommes déjà
investies ; plus de 150 millions de dollars !
Sur ce projet, Robert Zemeckis n'endosse que le rôle de producteur et confie celui de réalisateur au britannique Simon Wells. Né à Cambridge en 1961, ce dernier débute une carrière d'animateur professionnel chez Amblin Entertainment, la société de productions de Steven Spielberg. Là, il coréalise (avec Phil Nibbelink) plusieurs longs métrages d'animation à succès tels Fievel au Far West (1991), et Les Quatre Dinosaures et le Cirque magique (1993). En 1995, il est le seul maître à bord, pour le même studio, sur la réalisation des aventures de Balto Chien-Loup, Héros des Neiges. Il continue ensuite de collaborer avec Steven Spielberg via sa nouvelle compagnie de productions, DreamWorks. Le Prince d'Egypte, son 4ème projet, s'inspire ainsi largement des Dix Commandements... En 2002, il passe à la réalisation de son premier long métrage "Live", en réadaptant le film La Machine à Explorer le Temps - Time Machine de George Pal (1960). C'est un projet qui lui tient d'ailleurs très à cœur, en sa qualité de petit-fils d'H.G.Wells, l'auteur mondialement connu ! Onze ans plus tard, il revient donc à la réalisation dans un long-métrage à mi chemin du films d'animation et du film "Live".
Milo sur Mars est une adaptation d'un livre pour enfants de Berkeley Breathed, Mars Needs Moms! qui sert une histoire de science-fiction mettant l'accent sur l'amour qu'un enfant porte à sa mère. Il est en cela fort déroutant dans la mesure où son parti-pris de SF est somme toute effrayant ou inquiétant alors même que sa morale sous-jacente est, elle, par trop enfantine. Le film n'hésite pas ainsi à appuyer son message sur l'autorité parentale, développant sa vision de l'éducation des enfants et leurs obligations d'obéissance le tout emmitouflé de bons sentiments et d'émotions familiales convenues... Mais voilà, ce délicat équilibre n'en reste qu'à l'intention : une seule scène en tout parvient, en réalité, à attendrir le spectateur quand Milo hurle à sa maman (comme tout bon garnement qui se respecte) qu'il préfèrerait qu'elle n'existe pas ! La peine de la mère fait alors mouche même si les remords de Milo laissent eux de marbre. Les autres séquences d'émotion sont en revanche ratées et laissent pantois devant tant d'artifices tire-larmes employés... Dommage !
Cette prise de distance du spectateur avec l'émotion maladroitement déversée dans le film vient avant tout de la technique employée pour faire vivre les personnages. Son rendu est tout simplement affreux. La motion-capture est décidément une technologie assassine, notamment pour les personnages humains dont le naturel est anéanti alors même qu'ils sont calqués sur des acteurs « live ». Un comble ! Comme John Lasseter l'expliquait lors de sa Masterclass parisienne en juillet 2011 : "Cette animation est un échec dès lors que l'on tente de reproduire des mouvements réels quand l'univers ne s'y prête pas, en particulier ceux imaginaires. Il est important de garder le côté crédible et cohérent de l'ensemble." La partie terrienne est ainsi une catastrophe car les humains ne sont absolument pas crédibles que cela soit dans leurs mouvements ou leurs apparences. Les yeux sont vides, les mouvements mécaniques sans oublier les visages dévastés. Dans certains plans, Milo semble, en effet, être un vieux avec des rides sur un corps de jeune garçon. Vision d'horreur ! Ainsi, dès ses premières minutes (sur Terre), le film donne une très mauvaise impression. La partie martienne (la majorité de l'opus) est, elle, plus digeste, non seulement parce que les deux humains revêtent des masques et casques cachant leurs laideurs dans le rendu mais aussi parce que la différence de gravité justifie des mouvements peu naturels...
Milo sur Mars a donc bien du mal à convaincre. Pourtant, il serait inéquitable de ne pas lui reconnaitre une vraie réussite. Sa « Science-fiction » -privée toutefois de sa morale trop enfantine- vaut le détour ! Le contexte social mis en place chez les martiens (même s'il n'est pas nouveau et lorgne du coté du roman d'Isaac Asimov, Face aux Feux du Soleil, où la procréation et l'éducation des enfants sont déjà laissées à la responsabilité des robots) est bluffant. Alors, certes, la mythologie imaginée dans le film aurait mérité plus de développements tout comme sa conclusion qui aurait gagné à être moins vite expédiée... Il n'empêche : l'opus sait distiller une curiosité sur l'univers qu'il sert provoquant chez le spectateur une envie de découvrir ce nouveau monde déroutant et, à dire vrai, un peu angoissant. Cette sensation provient d'ailleurs principalement de ses décors de toutes beautés qui livrent une Mars plus convaincante que jamais avec ses entrailles souterraines, son immense déchèterie ou ses dédales métalliques de la ville. Tout est crédible et beau. La séquence de la course-poursuite signe d'ailleurs le summum du rendu recherché, désorientant le spectateur avec malice pour mieux l'inviter au dépaysement.
Malheureusement, les décors sont bien l'unique qualité du film car, à
l'histoire -passable- et la technique d'animation -affreuse-, se rajoute une
galerie de personnages pour le moins laborieuse.
Milo n'est ainsi pas crédible pour un sou, principalement par son apparence
d'ailleurs. Il faut dire que celui qui "joue" le jeune garçon n'est
autre que Seth Green (Les
2 Font la "Père"), un acteur de 37 ans ! C'est à se demander si le
réalisateur n'a pas cherché à se créer lui-même des problèmes... La gestuelle
n'est donc pas celle d'un enfant tandis que le visage arbore des plis
(des rides ?). Le naufrage complet a toutefois été évité puisque la voix de Milo a,
elle, été confiée à un autre acteur... de douze ans ! Pour le reste,
le caractère du personnage est basique à l'excès : une facilité qu'il paye cash
en ne parvenant jamais à se rendre attachant.
La mère, interprétée par Joan Cusack, est tout aussi inexpressive. Son regard
vide et sa gestuelle artificielle plombent littéralement son aura, déjà bien
handicapé par le peu de minutes dont elle dispose dans l'opus. Quant à sa
prestation finale, elle est comme le reste, ridiculement insipide.
Le dernier humain notable du film (le père de Milo étant à peine vu) est Gribble,
un rôle tenu par Dan Fogler. C'est aujourd'hui un adulte qui a grandi sur Mars à
la suite de la même mésaventure que celle vécue par Milo. Il est assurément le
personnage le plus réussi de l'opus de par son rendu mieux réussi que ses
confrères, et son caractère qui révèle un être un peu chtarbé et donc très humain
car beaucoup moins lisse. Le fait d'être le seul de son espèce lui a, il est
vrai, un peu tapé sur le système, obligé qu'il est de se débrouiller, tout en se
cachant de la population martienne. Même si son numéro est, ça et là, un peu
lourd, le spectateur le prend en affection, notamment pour sa capacité à
le sortir de l'ennui dans lequel le film le fait inexorablement sombrer.
En plus de ses humains, Milo sur Mars sert quelques personnages
extra-terrestres. Ki est
ainsi une martienne interprétée par Elisabeth Harnois. Cet être est le contraire
exact des caractéristiques de sa race : espiègle, vivace, rebelle, artiste et
joyeuse ! Elle s'oppose donc à l'ordre établi, d'abord spontanément puis de
manière réfléchie quand elle entre au contact de Milo et Gribble. Elle permet de la
sorte d'envisager l'évolution de la société martienne dont le traitement est
tout bonnement anéanti par une conclusion, décidemment ratée... Forfaiture !
Enfin, le « Vilain » de service est ici une méchante patriarche. Jouée par Mindy
Sterling, elle étonne par sa capacité à faire peur au début du film. Vraiment
inquiétante, elle impressionne directement le spectateur à grands coups de
gesticulations outrancières. Mais voilà, à vouloir en faire trop, elle renverse
tout de go son aura : de menaçante elle devient pathétique. Désormais tête à
claque, elle plombe en grande partie le final...
Mal né, Milo sur Mars a littéralement été descendu par la Critique lui reprochant quasiment tout à l'exception de ses décors : les personnages sont ainsi accusés d'êtres des zombies insipides, l'histoire trop alambiquée et la morale dégoulinante. Le public a suivi et l'a ignoré totalement. Il faut dire que la campagne marketing s'est fourvoyée. Les bandes annonces –ratées- ont fait fuir tout le monde ; la technique de la motion-capture jouant à plein un rôle repoussoir pour les plus jeunes tandis que le titre, trop enfantin pour séduire les adolescents, continuait le travail de sape. Pire, une fois en salles, le très mauvais bouche-à-oreille sur les réseaux sociaux a achevé l'agonie. Résultat, Milo sur Mars est le quatrième plus gros flop de l'histoire du cinéma ! Avec un budget de 150 millions de dollars, sans parler des frais de marketing, il n'a rapporté que 21 millions de dollars aux Etats-Unis et 17 de plus à l'international. Non seulement, il ne se rembourse pas -et de loin- mais il devient aussi le film estampillé Disney le moins rentable de l'histoire du studio. Aux Etats-Unis, il a même fait 4 millions de dollars de moins que Winnie l'Ourson alors que le prix de ses billets était boosté par l'IMAX et la 3D. Après coup, Rich Ross aurait donc du stopper le projet en même temps que sa décision de fermer IMD : Disney aurait sans doute perdu beaucoup moins d'argent dans l'opération...
Raté ! Milo sur Mars est un film raté ! Il paye au prix fort le choix d'une technique d'animation laborieuse, d'une histoire banale et de personnages insipides. Mis à part, ses décors, il ne reste, en effet, pas grand-chose pour le sauver de la qualification de navet intersidéral. C'est d'autant plus vrai qu'avec un budget de 150 millions de dollars, les nombreuses fautes observées dans tout son processus de fabrication sont tout bonnement inexcusables !