Milt Albright
Date de naissance : Le 07 juin 1916 Lieu de Naissance : Kearney, dans le Missouri, aux États-Unis Date de Décès : Le 07 avril 2014 Lieu de Décès : Los Angeles, en Californie, aux États-Unis |
Nationalité : Américaine Profession : Dirigeant Comptable |
La biographie
En juillet 2005, Disneyland fête en grande pompe son cinquantième anniversaire. Pour l’occasion, le Parc d’Anaheim, premier du nom, célèbre en particulier certains des artisans de son succès. Dix-huit personnalités sont alors récompensées par un Disney Legends Award, la distinction la plus haute de la compagnie de Mickey remise en particulier à Milt Albright, réputé pour être le tout premier employé de Disneyland.
Milt Albright est né le 7 juin 1916 à Kearney, dans le comté de Clay, à quelques kilomètres au nord-est de Kansas City, l’une des principales villes du Missouri. Aîné d’une fratrie de trois garçons, il grandit alors au cœur de cette campagne paisible du Midwest. Il y nourrit sa passion pour les grands espaces et surtout pour les voitures. Dès l’âge de onze ans, il fabrique ainsi son premier bolide. Construit avec les moyens du bord, celui-ci est l’objet d’après-midis de jeu extroardinaires !
Devenu un jeune homme, Milt Albright quitte son Missouri natal pour Los Angeles. Un ami de son père doit en effet acheminer une voiture à Los Angeles. Albright est chargé de cette mission. Tombé totalement amoureux de cette ville qu’il découvre pour la première fois, il décide bientôt de s’installer dans le sud de la Californie.
En décembre 1937, Milt Albright a vingt-et-un ans lorsqu’il découvre Walt Disney en Une du Time Magazine. Le cinéaste, dont il admire les cartoons, est lui aussi un enfant du Missouri ayant notamment vécu à Marceline, à seulement cent-cinquante kilomètres de la ferme familiale des Albright, avant d’emménager avec les siens à Kansas City. Forcément, Milt Albright se sent proche de lui. Disney, trente-six ans, pose avec les figurines des sept nains. Il s’agit alors pour lui d’assurer la promotion de Blanche Neige et les Sept Nains, une prouesse artistique sonore et en couleur sans précédent qui s’apprête à sortir en salle. Comme des millions d’Américains, Albright, qui adore les dessins animés, en particulier ceux de Disney, tombe sous le charme de la belle princesse. Il se met alors en tête de parvenir un jour à travailler pour les studios. Toutefois, il ne possède aucun talent pour le dessin, l’écriture ou la peinture. Il n’est pas un artiste dans l’âme. Rattrapé par l’armée pour laquelle il sert durant quelques mois, il gagne pour l’instant sa vie en travaillant pour The Lockheed Corporation, le constructeur d’avions dont les usines sont situées à Burbank, à seulement quelques mètres des studios Disney.
Walt Disney devant le bâtiment animation de ses studios de Burbank, années 1930.
Durant neuf ans, Milt Albright participe à la conception des avions, un travail qu’il n’aime pas. La production est intensive, en particulier après le début de la Seconde Guerre mondiale. Albright trouve cependant un peu de réconfort en passant chaque jour avec sa voiture devant les studios Disney avec ses bâtiments flambant neufs. Se faisant peu d’illusions, Albright n’imagine pas un instant qu’il réussira à intégrer cette formidable entreprise. Au printemps 1947, il tente toutefois sa chance et envoie sa lettre de motivation. Il est alors reçu par Ken Sieling, le directeur du personnel. Il lui avoue ne pas savoir dessiner ni écrire des histoires… À sa grande surprise, il apprend qu’il est néanmoins engagé. Pour Albright, qui profite des départs occasionnés par la guerre, c’est le plus beau jour de sa vie.
Milt Albright intègre les studios Disney le 19 juin 1947 (ou le 9 juin selon certaines interviews). Bien qu’il ne maîtrise pas plus que cela les chiffres, il occupe alors un poste de petit comptable. Au bas de l’échelle, il travaille au milieu d’une armée de bureaucrates placés sous les ordres de Bob Jackman, lui-même sous les ordres de Roy O. Disney. Albright est chargé comme d’autres de tenir les livres de compte. C’est lui qui prépare et livre chaque semaine les chèques de paye des cadres de la société, y compris Walt en personne. Apprenant son métier sur le tas, il aime chaque moment de sa journée. De sa fenêtre, il voit les artistes qui arrivent le matin. Il croise parfois Disney. Il aperçoit les travaux en cours. Tout cela est passionnant. Bien que les années d’après-guerre soient particulièrement difficiles, Albright est vraiment heureux d’œuvrer ainsi pour une société à l’origine de films si formidables.
Minnie Mouse Boulevard, studios Disney, années 1950.
Gagnant la confiance de Roy, Milt Albright monte progressivement en grade et reçoit bientôt la mission de bien observer les comptes et de veiller à leur bon équilibre. Les emprunts sont en effet légion. Les dépenses de Walt sont parfois extravagantes. En 1953, Albright, qui collabore avec le Service des achats dirigé par Bill Cottrell, se charge notamment de payer les fournitures commandées pour le tournage de 20 000 Lieues Sous les Mers. Épluchant les factures, il se rend toutefois compte que quelque chose cloche. Une partie du matériel, à l’évidence, n’a aucun rapport ni avec le film, ni avec le cinéma. L’achat de diligences lui semble tout à fait saugrenu… Milt Albright décide de mener sa petite enquête. Par hasard, il entend alors parler du grand projet du moment, la construction à Anaheim d’un parc d’attraction d’un nouveau genre. Disneyland n’en est qu’à ses premiers balbutiements. Très peu de gens sont au courant de cette nouvelle lubie de Walt. Et Albright, qui en a assez de manipuler les chiffres à longueur de journée, sait qu’il veut en être !
Construction de la gare de Main Street, U.S.A., 1955.
Pour attirer l’attention de Walt, il se met en tête de dessiner un modèle de voiture pour l’attraction Autopia. Il s’y connaît en effet pas mal en voiture. S’inspirant d’une Corvette modèle 1954, il trace quelques plans. Il assemble une maquette puis un prototype en fibre de verre. Celui-ci n’est pas encore complet. Il manque les freins. Et lorsque Walt Disney l’essaye, c’est le drame. Appuyant sur l’accélérateur, le producteur part à toute allure sans attendre les consignes de son employé. Il roule quelques mètres avant de se rendre compte que les freins ne fonctionnent pas. Walt n’a dès lors pas d’autre choix que de foncer dans un mur pour arrêter le bolide qui, sous l’effet du choc, se fend en deux comme une vulgaire coque de noix ! Milt Albright est effaré. Il pense qu’il va être viré sur le champ. « Milt, c’est bien cela ? », demande Disney avant de tourner les talons. Albright est consterné. Quelques jours plus tard, il reçoit un billet de la direction. Il est signé de la main de Disney. « Quiconque possède ce petit grain de folie doit travailler pour Disneyland ! ». Milt Albright jubile !
Construction du Château de La Belle au Bois Dormant, 1955.
Au printemps 1954, Milt Albright est promu par Walt Disney qui le nomme comptable en chef de Disneyland. Il travaille sous les ordres de Joe Fowler, le maître d’œuvre, et de C. V. Wood, le directeur d’exploitation. Alors que toutes les personnes impliquées dans la création du Parc sont encore employées comme consultants payés au cachet, lui est engagé à part entière. Il est le premier à être payé avec un véritable salaire fixe. L’Histoire retient alors qu’il est ainsi le premier employé régulier du Parc. Il reçoit alors son badge. Celui-ci porte le numéro 10 (celui de Walt porte le numéro 1, celui de Roy le numéro 2, celui de Wood le numéro 3 et celui de Fowler le numéro 4…). Parmi les cadres chargés de superviser les travaux d’édification de Disneyland, Milt Albright s'installe dans son modeste bureau situé à l'intérieur de la maison familiale de Ron Dominguez acquise par les studios en même temps que la parcelle adjacente. Il travaille alors sous les ordres de Larry Tryon, l’un des hommes de confiance de Roy, et veille en particulier à payer les fournisseurs, ce qui n’est pas chose facile. Les dépenses sont en effet mirobolantes. Il n’est parfois plus possible de payer les factures. Des centaines de milliers de dollars de créances restent sans réponse. Il faut emprunter auprès de la Bank of America. Il est demandé aux employés d’attendre avant d’encaisser leurs chèques de paye.
Walt Disney inaugure Fantasyland le 17 juillet 1955 devant les caméras d'ABC.
Disneyland est finalement inauguré le 17 juillet 1955. La cérémonie, présentée par Walt Disney, Art Linkletter et Ronald Reagan, est retransmise en direct sur ABC. Les spectateurs ignorent encore le drame qui se joue. Cette première journée est en effet absolument cauchemardesque. Réquisitionné comme ses collègues pour assurer l’accueil des clients, Albright est le témoin des problèmes qui se succèdent à cause de la chaleur, des pannes à répétition… Mais tout ceci est vite oublié lorsque le succès se confirme dans les jours suivants. Pour le plus grand bonheur de Roy, l’argent rentre à flot dans les caisses. Disneyland est un vrai triomphe. Albright est promu par l’avocat des studios Bob Foster qui lui confie la gestion des contrats et des partenariats signés avec les grandes firmes du pays qui veulent toutes être de la partie à l'image de DuPont et Kodak.
Les membres du département publicité et relations publiques de Disneyland :
Charlie Nichols, Jack Lindquist, Eddie Meck, Ed Ettinger, Carl Frith, Lee Cake, Frank Forsyth
Phil Bauer, Dorothy Manes, Marty Sklar, Eleanor Heldt, Milt Albright.
Comme toutes les personnes présentes le jour de l’inauguration, Milt Albright devient l’un des membres du Club 55. Rejoignant bientôt l’équipe chargée de la publicité et des relations publiques dirigée par Ed Ettinger et Edward Meck, il devient en 1957 le gestionnaire d’Holidayland, l’aire de pique-nique et de jeu construite à l’extérieur du Parc. C’est lui-même qui a imaginé cet espace annexe. Arboré, le site de trois hectares ouvre le 16 juin 1957. Il peut accueillir jusqu’à sept-mille personnes réunies à l’occasion d’événements spéciaux, de conventions, de journées récréatives organisées par les entreprises locales. Un énorme barnum avec des tables et des bancs permet d’organiser des banquets festifs. Il est possible d’y manger sur le pouce et d’y boire une bière alors même que la vente d’alcool est strictement interdite dans l’enceinte du Parc. Des jeux simples divertissent les enfants. Des spectacles sont orchestrés par les vedettes locales comme le Sgt. Preston Kal et son célèbre dog show.
Vue aérienne de Disneyland et, au premier plan, d'Holidayland, fin des années 1950.
En plus d’Holidayland dont l’activité durera jusqu’en septembre 1961, Milt Albright, qui rejoint l’équipe marketing du Parc, a également l’idée de fidéliser les clients. Pour ce faire, il met au point un programme spécial, le Magic Kingdom Club. Mis en place en 1958, il est alors réservé aux employés des studios et de Disneyland qui bénéficient de réductions et d’entrées spéciales pour leur famille et eux. Bientôt, le programme est accessible à d’autres compagnies de Californie. À son apogée, six millions de membres issus de quelques trente-mille entreprises en feront partie. Un magazine inédit est au passage créé, Disneyland News, dont le premier numéro paraît dès 1958.
Parmi les autres idées formidables de Milt Albright, figurent également les Grad Nites, des soirées spéciales exclusivement réservées aux étudiants de Californie du Sud ayant achevé leur cursus. La première du genre est ainsi organisée le 15 juin 1961. Le Parc est alors privatisé pour les huit-mille jeunes qui peuvent profiter des attractions à volonté et danser sans retenue jusqu’au bout de la nuit au son des orchestres disséminés aux quatre coins du site.
Désormais âgé d'une soixantaine d'années, Milt Albright refuse encore de partir à la retraite. Après les morts successives de Walt Disney et de son frère Roy survenues respectivement en 1966 et 1971, il demeure ainsi l’un des "vieux de la vieille" qui accompagne la nouvelle direction dans la gestion de la compagnie durant les deux décennies suivantes. À la fin des années 1970, Albright change une fois encore de poste et est promu. Il devient responsable des projets spéciaux au sein du département marketing. Il sert ensuite comme responsable de la communication à destination des clients.
Milt Albright recevant son Disney Legends Award des mains de Dick Cook en 2005.
(Source photo : mouseplanet.com)
Après une carrière longue de quarante-cinq ans, Milt Albright se retire finalement le 17 juillet 1992, le jour-même du trente-septième anniversaire de Disneyland. « J’ai eu la chance immense de travailler pour la meilleure entreprise de divertissements au monde », déclare-t-il alors, « et je tiens à dire à la jeune génération qu’elle ne trouvera jamais un plus bel endroit pour travailler ». Le jour de son départ, Albright est honoré par le Parc qui inscrit son nom sur l’une des fenêtres de la boutique The Mad Hatter installée le long de Main Street, U.S.A.. « Milt Albright, Entrepreneur – No Job Too Big – No Job Too Small », peuvent alors lire les visiteurs qui s’arrêtent devant la façade.
Milt Albright est finalement honoré par The Walt Disney Company qui lui remet en 2005 un Disney Legends Award pour l’ensemble de sa carrière. Parmi les pionniers ayant permis à Disneyland de prospérer, celui qui restera comme le premier employé du Parc disparaît le 7 avril 2014. Il avait quatre-vingt-dix-sept ans…