Chronologie des Médias
Le Coup de Maître de Disney+
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L'article
Vu de Burbank, la chronologie des médias est un OVNI réglementaire dont seuls les Français ont le secret. Empêcher un studio de diffuser quand il le souhaite ses films sur sa propre plateforme est, il est vrai, un concept que les décideurs hollywoodiens ont eu bien du mal à appréhender. Et c’est ainsi que Disney+ a été lancé en France, doublement entravé quand il s’agissait de l’alimenter en contenus frais et surtout, vite.
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Dès son lancement dans l'Hexagone, Disney+ s'est en effet retrouvé coincé dans un double étau.
D’une part, la fameuse chronologie des médias imposait à la plateforme des délais ahurissants pour la firme américaine (à l’origine, il fallait patienter 36 mois après sa sortie en salles avant qu’un « nouveau » film puisse arriver sur une plateforme !).
Et d'autre part, un contrat d’exclusivité avec le Groupe Canal (conclu sous d’autres cieux, avant même que Disney+ ouvre en France) réservait peu ou prou l’exclusivité du catalogue Disney à la chaîne Canal qui s’est mue, entre temps, en plateforme agglomérant des contenus externes.
Si Mickey a un temps bougonné, allant jusqu'à faire mine de se fâcher tout rouge (Dans un jeu de poker menteur, Disney est en effet allé jusqu’à menacer de ne plus sortir ses films au cinéma en France !), il s'est surtout finement rebellé en utilisant tout simplement les armes à sa disposition...
La contre-attaque disneyenne s'est menée en deux temps, certes masqués mais distincts.
Déjà, Disney a rompu avec Canal, qui s’imaginait pourtant incontournable et tout puissant. Disney France est ainsi l’un des rares acteurs audiovisuels à avoir tenu tête à Maxime Saada, le président du groupe Canal+, et ses Bolloré Boys connus pour la violence qu'ils mettent dans leur rapport avec leurs partenaires et confrères (TF1 se rappelle encore, par exemple, avoir subi la coupure sans préavis de ses chaines sur TNT Sat)…
Ensuite, Disney a négocié ardemment avec les organisations du septième art (le BLIC, le BLOC et l’ARP) dans le but de raccourcir les délais de diffusion des films de cinéma sur sa plateforme. Et l’oncle Picsou n’a pas hésité à sortir le chéquier. Pour réduire sa fenêtre de diffusion, Disney+ accepte en effet d’investir davantage dans le financement des productions françaises, pour les trois prochaines années. La plateforme va ainsi verser 25 % (contre 20% actuellement) de son chiffre d’affaires net annuel généré en France à la création française et européenne, au cinéma et à la télévision, avec un seuil minimum de 70 films, durant cette période. Ces 25 % seront répartis à parts égales, la première année, entre le grand et le petit écran. La troisième année, 14 % iront au cinéma, 11 % à la télévision sachant qu'avant ce nouvel accord, Disney+ consacrait 4 % de son chiffre d'affaires pour le premier et 16 % pour le second.
Et le résultat est au rendez-vous ! Disney+ pourra désormais diffuser des longs-métrages 9 mois après leurs sorties en salles ! Autant dire, un délai tout à fait acceptable par les abonnés à la plateforme qui, elle, va enfin pouvoir surfer sur la force de ses contenus. Avec cette nouvelle chronologie des médias, et pour l’exemple, Deadpool & Wolverine, sorti en juillet 2024, peut débarquer dès le mois d’avril 2025, sur Disney+. Autrefois, il fallait attendre jusqu’en décembre 2025.
À titre de comparaison, Netflix doit, elle, toujours se contenter d’une mise en ligne de ses films en streaming 15 mois après la sortie en salles, (la plateforme investit 4 % de son chiffre d’affaires dans le cinéma français) tandis que Prime Video et Max doivent toujours patienter 17 mois.
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Quant à Canal+, c’est la douche froide pour ne pas dire glaciale ! Voir un opérateur aussi proche de sa fenêtre de diffusion (Disney est à 9 mois quand Canal est à 6) est une très, très mauvaise nouvelle. Canal perd ici de sa superbe et pire encore, subit un premier et conséquent coup de canif dans son statut particulier qui devrait donner des idées à d’autres concurrents d’aboutir au même résultat.
La fin de l’hégémonie bolorienne sur le cinéma français est en route et contre toute attente, le premier des libérateurs est une... souris !