Le Grand Soir
Le synopsis
Pour Nova Prescott, faire du bal de fin d’année un moment inoubliable est la priorité des priorités. Alors qu’elle s’attache à en organiser les moindres détails, son élan est stoppé trois semaines avant le grand jour par un incendie accidentel qui détruit le bâtiment où étaient entreposées la logistique et les décorations de l’évènement. Pour l’aider à faire face à cet aléa, le directeur de l’établissement ne trouve alors rien de mieux que d’obliger Jesse Richter, un lycéen rebelle, à l’assister notamment pour la confection de nouveaux décors... |
La critique
De la lecture de son résumé à son titre, en passant par sa galerie de personnages, tout laisse à penser que Le Grand Soir est une comédie pour adolescents basique, typique de la signature Disney, et notamment de celle de sa branche télévision. Et pourtant, son bilan final est bien loin d'être aussi réducteur. Son casting est, en effet, particulièrement performant tout comme son écriture qui réserve, ça et là, quelques audaces scénaristiques bien vues. L'impensable se produit alors : Le Grand Soir offre aux spectateurs un bon moment de divertissement !
Le film a tout de suite attiré l'attention des analystes d'Hollywood. Ils ne
s'intéressent d'ailleurs ni à ses ambitions artistiques, ni à la nature ou
l'utilisation de son budget (à peine 8 millions de dollars, l'enjeu est dès lors
inexistant), mais simplement au fait qu'il est le tout premier long-métrage de
cinéma, validé personnellement par le nouveau patron des studios Disney : Rich
Ross.
Rich Ross rentre à la Walt Disney Company en 1996 après une belle carrière dans
la télévision. Il débute, en effet, chez Nickelodeon où il reste de 1986 à 1993
atteignant le poste de Directeur des Programmes. Il passe ensuite sur le câble
et devient responsable du Développement et de la Production de la chaine FX
Networks. Il débarque chez Disney Channel dans un poste identique qu'il assume
de 1996 à 1999 avant d'accéder au titre de Manager du Développement et de la
Production de la chaine de 1999 à 2002 pour, enfin, en devenir le Directeur
Général de 2004 à 2009. Sous sa direction, Disney Channel passe un cap et
développe comme jamais auparavant son audience. Il faut dire qu'elle change de
modèle d'exploitation (de chaine payante en option, elle est désormais proposée
en basique sur tous les réseaux câblés américains) et de grille de programmes.
Sous Rich Ross, elle n'est plus une mini-généraliste à dominante familiale mais
devient une chaine axée sur le public adolescent, plutôt féminin d'ailleurs. Les
succès de son catalogue sont alors légions, et notamment avec un genre qui en
fait sa première marque de fabrique : les sitcoms Disney Channel. Lizzie
McGuire, Phénomène Raven ou
Hannah Montana sont ainsi parmi
les plus gros succès de la chaine. Rich Ross crée aussi la collection des Disney Channel Original
Movies qui devient emblématique de sa politique éditoriale et fidélise les
adolescents au point de voir Disney Channel taquiner, par ses scores d'audience,
les grandes chaines hertziennes américaines. Enfin, c'est également à lui qui
est due la création des programmes
Playhouse Disney (l'ancêtre de
Disney Junior) mis en place
pour toucher les touts petits et repositionner, dans leur cœurs, les stars
historiques du label, à l'instar de
La Maison de Mickey avec Mickey
et ses amis...
Le départ de Dick Cook en 2009 constitue pour Rich Ross une opportunité de
taille qui surprend le landernau hollywoodien. Alors même qu'il ne vient pas du
monde du cinéma mais également -chose inédite à ce niveau de responsabilités-
qu'il est ouvertement homosexuel, il prend en effet sa place de Président des
Walt Disney Studios et de Responsable des sorties "Live" et animées des labels Disney, Pixar, Marvel et Touchstone.
Il change alors totalement l'équipe en place au marketing et à la production des
studios, se séparant de bon nombre d'anciens collaborateurs de son prédécesseur.
Dans la droite ligne de la politique mise en place par le PDG
Bob Iger, il ferme aussi
ImageMovers Digital et cède le studio
et le catalogue Miramax.
Son ambition est de sortir moins de films Disney, quitte à proposer des
productions d'autres studios à l'exemple de Touchstone qui prend en
charge la distribution de la branche "Live" des studios Dreamworks. Les
longs-métrages Disney sont désormais rangés dans de deux catégories : des opus à
gros budgets, faisant le plein d'effets spéciaux, d'acteurs charismatiques et
d'univers fantastiques ; et d'autres, à petits budgets, portés par des inconnus
mais avec toujours le potentiel rêvé de créer l'évènement en faisant exploser le
ratio coûts/recettes tout en ouvrant la possibilité d'une franchise...
Le Grand Soir rentre donc dans cette deuxième catégorie. Tous les analystes sont alors impatients d'en voir les résultats. Ce tout premier film de l'ère Rich Ross doit, en effet, leur permettre de juger si ce « petit » nouveau, venu de la télévision, est finalement apte à remplacer Dick Cook dont l'aura est immense à Hollywood. Le Grand Soir porte ainsi sur ses frêles épaules la validation tout entière de la nouvelle politique de Disney qui consiste à pousser à l'extrême la synergie totale entre les branches de l'entreprise (Cinéma, Télévision, Parcs, Marchandisage, Web...), une ambition mal vue par l'ancienne garde en place chez les concurrents hollywoodiens... Le couperet du box-office tombe et le bilan s'avère de mauvaise augure pour Rich Ross : Le Grand Soir passe, il est vrai, totalement inaperçu auprès du public, ramenant à peine 10 millions de dollars. Si ce n'est pas un accident industriel puisqu'il se rembourse (au contraire de Milo sur Mars, lancé par son prédécesseur) il met du plomb dans l'aile à Rich Ross et sa politique trop bien huilée... sur le papier ! Le nouveau patron semble, il est vrai, à sa suite chercher sa voie en multipliant les décisions de repli sur soi : abandon probable de The Lone Ranger, arrêt des films délocalisés, etc.
A trop vouloir voir dans Le Grand Soir, la seule validation de la nouvelle politique éditoriale des studios Disney portée par Rich Ross, les analystes ont « gentiment » oublié de s'intéresser à l'œuvre elle-même. Pourtant, à y regarder de plus près, le film est loin de démériter. Autour d'un évènement sacré dans la vie des lycéens aux Etats-Unis - le bal de promotion qui clôt le cycle secondaire quelques jours avant la remise des diplômes - s'entrechoquent différentes histoires de jeunes gens participant à la fameuse soirée. En fait, l'opus est construit comme un épisode de série télévisée avec ses multiples personnages, le tout sur une durée de 100 minutes, avec une qualité de réalisation cinématographique. Et même si certains crient au scandale à l'idée de proposer au cinéma un format de télévision, le concept fonctionne ! C'est, en effet, la belle panoplie de personnages bien définis et attachants qui fait la différence, car si le film s'était focalisé sur un seul d'entre eux, il aurait vite sonné creux. Avec le mélange des protagonistes, l'ennui n'a pas droit de citer. Le ton du (Le) Grand Soir s'inscrit alors dans celui d'une comédie romantique pour adolescents. Ici, pas de potache à la American Pie, de subversif des (Les) Lois de l'Attraction ou du superficiel d'High School Musical - Premiers Pas sur Scène ! Le Grand Soir donne dans la réalité bienveillante - un peu à la Glee mais sans chansons - avec toutefois des histoires bien plus consensuelles, Disney oblige (Pas de gays, de grossesses accidentelles, etc.)
Le film fonctionne donc, et avant tout, par sa galerie de personnages tout
aussi attachants et bien définis les uns que les autres. La grande majorité des
acteurs qui les portent a d'ailleurs peu de films à son actif, tout juste des
participations à des téléfilms (en particulier une certaine Danielle Campbell
vue dans le
Disney Channel Original Movie :
StarStruck, Rencontre Avec une
Star) ou des épisodes de séries. Inconnus du grand public, ils livrent tous
un jeu naturel bienvenu. Le casting est ainsi impressionnant, réunissant, peu ou
prou, toutes les personnalités formant un lycée américain type :
- Nova est la jeune fille parfaite, première de sa classe, présidente des élèves
et organisatrice du bal de promo ;
- Jesse est le rebelle, incompris au grand cœur ;
- Tyler est le populaire capitaine de football, futur roi du bal ;
- Simone est l'amoureuse transie dont le cœur balance entre deux prétendants ;
- Mei, en proie au doute, ne parvient par à révéler à son petit copain son envie
de partir étudier loin de lui ;
- Justin est bien plus sûr de sa relation que l'est sa copine elle-même ;
- Lucas est le jeune garçon qui tombe amoureux de « la » fille inaccessible ;
- Corey est délaissé par son meilleur ami pour une fille ;
- Jordan doute de la fidélité de son petit ami ;
- Rolo est celui que personne ne croit capable de sortir avec un mannequin ;
- et, enfin, Lloyd est le gros boulet de service dont chaque tentative pour
inviter une fille tourne au désastre.
Ce melting-pot, somme toute caricatural, marche étonnamment bien ! Il donne, en effet, une teneur légère et divertissante à l'ensemble car chacun des personnages dans son registre est crédible. L'interaction des relations fonctionne alors à merveille pour un résultat simple mais terriblement efficace.
La Critique américaine, pour sa part, n'a pas été tendre avec le film. Jugeant Le Grand Soir par trop prévisible, un tiers la pris au sens positif du terme et le reste négativement. Dans ce flot, certains soulignent toutefois, à raison, que l'opus retranscrit les émotions simples que ressentent les adolescents sans chichi, ni second degré. Le marketing Disney, quant à lui, loupe carrément son approche : n'ayant pas compris que le média Cinéma est plus exigeant que le média Télévision, il a pensé pouvoir vendre le film comme un Disney Channel Original Movie. Contre-productif : quel public serait prêt à payer pour aller voir sur grand écran un genre qui lui arrive gratuitement par le biais du petit ?
Aprioris – pour certains injustes – mis à part, Le Grand Soir est un film agréable à suivre, à l'histoire divertissante et aux personnages attachants. Un bel opus dans le genre !