Marvel Renaissance
Production : Canal+ Date de diffusion France : Le 07 mars 2015 Genre : Documentaire |
Réalisation : Philippe Guedj Philippe Roure Durée : 52 minutes |
Le synopsis
En 2012, Marvel's Avengers sort en salles et récolte quelque 1,5 milliard de dollars au box-office mondial. La Maison des Idées triomphe alors même que dans les années 80, son activité est en berne au point, en décembre 1996, d'être elle-même déclarée en faillite. De sa chute à sa renaissance, retour sur trois décennies de l'histoire de Marvel. |
La critique
Le 7 mars 2015, Canal+ rend hommage à l'écurie Marvel en diffusant pour la première fois en France Marvel's Avengers, quelques années après son succès colossal sur grand écran. A l'occasion de cette soirée consacrée aux supers-héros, la chaîne cryptée propose le documentaire Marvel Renaissance, une création originale Canal+ réalisée par Philippe Guedj et Philippe Roure.
Le documentaire de 50 minutes débute en grandes pompes sur le constat que les Marvel Studios sont aujourd'hui devenus incontournables à Hollywood alors même qu'un mauvais film aurait pu mettre un terme à ses activités sur grand écran. Marvel's Avengers a explosé au box-office et les héros ont la côte. Le monde entier a découvert la Maison aux Idées et ses personnages. Mais cette success story cache un passé moins glorieux. Dès les années 1980, les ventes de comics commencent à décliner. Des titres comme The Dark Knight, Maus ou Watchmen ont permis à la concurrence de toucher un public de jeunes adultes. Et Marvel a raté le coche. Les meilleures ventes parmi lesquelles Spider-Man ou Avengers déclinent lentement mais surement... L'argent rentre dans les caisses de la compagnie mais de manière détournée. Le prix au numéro augmente inlassablement pendant la décennie, passant de 40 cents à 1 dollar minimum. Surtout, les collectionneurs s'arrachent des numéros aux couvertures multiples ou aux effets brillants. Le contenant a pris la place sur le contenu. Les comics donnent lieu à une grande spéculation, les acheteurs espérant capitaliser sur leur stock de magazines en les revendant plus cher dans les années futures.
Bientôt, Marvel attire le milieu des affaires. L'entreprise est rachetée pour 82 millions de dollars en 1989 par Ronald Perelman, à la tête d'une holding dont la maison d'édition devient l'une des composantes. Elle entre en Bourse en 1991. Les cours s'envolent. Les hommes d'affaires jouent avec elle. Les présidents de succèdent sans jamais manifester aucun intérêt pour les comics. Les intérêts financiers prennent le pas sur les intérêts créatifs. Les lignes de chiffres prennent le dessus sur la ligne éditoriale... Le désastre économique est imminent. La dette auprès des banques atteint bientôt le demi milliard de dollars... Les créances ne sont pas honorées. Les artistes quittent le navire alors que les banquiers prennent le contrôle.
Le 27 décembre 1996, Marvel est soumise au chapitre 11 de la loi sur les faillites. La maison d'édition débute son redressement judiciaire. L'action dévisse. Marvel, qui représente 35% des ventes, menace d'entraîner le marché des comics dans sa chute. L'homme d'affaires Carl Icahn est sur les rang pour mettre la main sur l'entreprise. Il doit pour cela affronter la filiale jouet de Marvel, Toybiz, dirigée par Ike Perlmutter et son responsable créatif, Avi Arad, qui s'accordent avec le propriétaire de l'époque, Ron Perelman. Les banquiers sont aux aguets. Alors qu'Icahn est près à donner 360 millions de dollars pour rembourser les banques, Arad se présente pour prévenir que le personnage de Spider-Man vaut à lui seul 1 milliard de dollars ! Les banquiers annulent la transaction. Icahn est écarté. La justice accorde une fusion entre Toybiz et Marvel.
La seconde partie de Marvel Renaissance, une fois passées les magouilles financières et autres boursicotages, revient sur la résurrection de la Maison des Idées. James Palmiotti et Joe Quesada passent sous contrat avec elle et inaugurent la série Marvel Knights. Des personnages comme Daredevil renaissent, notamment à l'aide du réalisateur Kevin Smith, engagé comme scénariste et qui ramène le héros aveugle sur le devant de la scène. Surtout, Smith crée le lien entre l'éditeur et Hollywood. Avi Arad, dont la série télévisée X-Men marche bien, veut conquérir le cinéma. Il signe avec la 20th Century Fox pour l'adaptation d'un film basé sur les aventures des élèves du Professeur X. Les comics revivent également avec la collection Ultimates qui relance les arcs narratifs et attire de nouveaux lecteurs. L'intérêt pour les supers-héros explose. Les ventes aussi ! Marvel renaît. Iron Man, Spider-Man, Captain America débarquent tour à tour sur les écrans. L'éditeur reprend néanmoins le contrôle de ses productions avec la création de Marvel Studios dirigés par Avi Arad. Louis Leterrier est recruté pour tourner L'Incroyable Hulk. Le film, au même titre qu'Iron man, produit en parallèle et sorti un peu avant, est perçu par Arad comme la première pierre d'une série de films qui doit donner naissance à Marvel's Avengers.
En 2006, la machine est lancée lorsqu'Avi Arad se retire des affaires. Trois ans plus tard, le 31 août 2009, Ron Perlmutter vend Marvel à Disney pour 4,2 milliards de dollars. Kevin Feige prend la tête de Marvel Studios. Si les créatifs sont inquiets par l'emprise de la maison de Mickey, ils se satisfont bien du fait que leur société n'est plus menacée. Marvel revient de loin et sa renaissance est accomplie.
Le documentaire Marvel Renaissance possède plusieurs qualités, en particulier la diversité de ses intervenants : des auteurs et artistes, de Mark Waid à James Palmiotti en passant par Mark Millar, Tom DeSanto, le scénariste des deux premiers films X-Men et le réalisateur Louis Leterrier, des dirigeants comme Harvey Miller, ex-avocat de Marvel, Shirrel Rhoades, ex-président de Marvel, Bill Jemas, ex-président du pôle édition, Avi Arad, le fondateur de Marvel Studios, ainsi que des fans, des professionnels de l'édition et des journalistes dont Thor Parker (Directeur artistique de Midtown Comics), Umberto Gonzalez (Latino Review) et Dominic Patten (Deadline Hollywood). Essentiellement basé sur des témoignages, le documentaire est vivant. Marvel Renaissance profite également d'un caractère clair renforcé par sa durée, finalement courte. Le novice comme le connaisseur peuvent y trouver leur compte et les explications demeurent simples et accessibles. Les boursicotages et autres agiotages sont remarquablement bien amenés. Présenté par les réalisateurs comme un « thriller financier », Marvel Renaissance a cela de bien qu'il remet simplement mais surement les pendules à l'heure. D'ailleurs, au passage, il apparaît que le Marvel Cinematic Universe, souvent attribué à Kevin Feige, est bien le bébé d'Avi Arad. Chacun retrouve donc son rôle.
Mais les qualités du documentaire sont également ses défauts. L'intégralité des intervenants ne sont plus liés à Marvel, à l'exception notables des auteurs de comics. Ainsi, les dirigeants et certains artistes ne sont plus impliqués dans la société. Aucun exécutif actuel n'est donc à l'écran pour apporter son témoignage. La parole n'est-elle pas en conséquence tronquée ? Surtout, aucun des grands intervenants de l'époque, comme Perelman (dont c'est l'avocat qui parle) ou Icahn ne sont interrogés, certainement de leur propre choix. Seuls les artistes sont encore sous contrat avec Marvel. Dès lors, ils apparaissent bien polis et bien corrects vis-à-vis de leur société. Là-encore, la parole n'est-elle pas biaisée ?... Et si le novice peut se satisfaire de 50 minutes d'explications très simples, qu'en est-il du fan qui attend documents d'époque et descriptions poussées. Aucune image réelle d'archives. Certaines scènes sont reconstituées par des illustrations créées pour l'occasion par une illustratrice, Alexe. Même les unes de presse sont des reconstitutions créées pour le reportage. Si le documentaire est intéressant, il peut laisser sur sa faim... L'explication est simple. Marvel n'a pas participé à sa conception. Sans pour autant empêcher la réalisation, la Maison aux Idées n'a donné aucun extrait de films, aucune image, et n'a fait intervenir aucun de ses exécutifs. Même Stan Lee, présenté par un intervenant comme le « pape » du comics, a dû certainement être obligé de retenir sa langue...
Marvel Renaissance n'en demeure pas moins une belle entreprise. Car si l'implication de Marvel fait défaut, et c'est le reproche principal à faire à ce documentaire, il résume finalement très bien trente ans d'histoire de l'éditeur. Les novices s'en contenteront. Les experts auront envie d'aller chercher plus loin. Surtout, l'émission permet de bien faire le point sur une entreprise aujourd'hui incontournable qui pourtant, quelques années plus tôt, vivait son calvaire.