CanalSat Entraîne les Chaines Disney dans sa Chute
L'article
Les audiences Médiamat'Thematik viennent de tomber et sont lourdes d'enseignement. Si toutes les chaines Disney reculent, en effet, en nombre de téléspectateurs de façon notable, leur situation est cependant bien différente.
Médiamétrie - Médiamat'Thematik - Septembre 2014 / Février 2015
Médiamétrie - Médiamat'Thematik - Septembre 2015 / Février 2016
Disney Channel reste ainsi la chaine leader de la télévision payante
en France (exæquo avec TV Breizh). Avec 0,6% de part d'audience
nationale, elle cède néanmoins 0,1 point. Chaque mois regardée par 8 215 000
téléspectateurs, elle égare tout de même près d'un million de paires d'yeux ;
une situation qui s'explique essentiellement par l'impact de
Violetta qui a boosté, comme
jamais, l'audience de la chaine sur la période précédente comparable.
Le
modèle Disney Channel continue donc de faire ses preuves. Accessible
partout en basique, la chaine s'impose bien sûr dans son univers (les chaines «
Jeunesse ») mais bien au-delà puisqu'elle est numéro un et se paye le luxe de
battre des chaines généralistes comme RTL9 ou fédératrices comme Paris
Première ou Téva. Elle tire sa force de ses programmes, de son label
et de sa disponibilité chez tous les opérateurs en offre basique. Avec
Disneyland Paris, elle constitue à l'évidence une
vitrine essentielle du label Disney et soutient activement les ventes de
tous ses produits dérivés. Sans la force de Disney Channel, par exemple,
jamais le marketing autour de Violetta ne serait parvenu à un tel niveau
de chiffre d'affaires.
Contrairement à leur grande sœur, Disney XD, Disney Junior et
Disney CINEMA ne peuvent manifestement pas
fanfaronner.
Sur le cas de la dernière, Disney CINEMA, il est sans
doute encore un peu tôt pour tirer un bilan définitif. La chaine n'a, en effet,
pas clos son premier exercice depuis son changement de nom et la modification de
sa ligne éditoriale. Plus que toutes les autres chaines Disney, Disney
CINEMA est, il est vrai, la moins comparable avec l'exercice précédent. Elle
a, en outre, perdu son canal de rattrapage qui permettait à
Disney Cinemagic de masquer artificiellement
ses piètres résultats d'audience. L'offre Cinéma de Disney reste donc en
France la plus faible de toutes les majors américaines ; Paramount Channel
et TCM Cinéma battant Disney CINEMA à plate couture sur le créneau
de l'offre Cinéma. Il faut dire que ces dernières, outre une vraie démarche
éditoriale, sont disponibles partout, là où Disney CINEMA se confinait au
câble et à CanalSat jusqu'au 1er janvier 2016, date à laquelle elle s'est
bunkerisée sur le seul CanalSat.
Disney XD et Disney Junior sont, en revanche, dans des
situations clairement délicates. La survie de la première se pose tandis que la
seconde n'est plus l'ombre d'elle-même sur la question de son rayonnement.
Disney XD, la chaine « Garçon » du label de Mickey est à la peine. Elle
perd 657 000 téléspectateurs en moyenne mensuelle et tombe en dessous du 0.1% de
part de marché d'audience nationale. Sur le seul périmètre du payant (câble,
satellite, ADSL), son retrait du câble lui fait perdre 0.1 % passant de 0.2% à
0.1% de part de marché. En réalité, la chaine a toujours été très faible depuis
qu'elle a abandonné le format précédent défendu sous la bannière Jetix.
Malgré des programmes à fort potentiel pour le public visé (avec les séries
animées Marvel et Star Wars notamment), la chaine n'est, en effet,
jamais parvenue à drainer vers elle les jeunes téléspectateurs en nombre. Ses
trop faibles résultats d'audience plombent ainsi littéralement l'aura de ses
programmes et aucun d'eux ne parvient à créer le buzz ou même simplement
l'envie. Star Wars : Rebels
n'existe ainsi en France que grâce à sa diffusion sur France 4 qui lui
assure l'exposition suffisante. Mais voilà, comme les épisodes arrivent trop
tard sur la chaine publique, le capital-sympathie avec le public visé est entamé
et bien souvent, l'évènement de sa diffusion n'en est plus un ; les ados ayant
piraté le programme depuis belle lurette. Il s'en suit une audience en berne,
des produits dérivés qui ne s'écoulent pas et, pire, se retrouvent trop vite
dans les magasins de déstockage style Noz à des prix dégriffés insultants pour
leur marque.
Disney Junior, la chaine des « tout petits » débute, elle, une descente aux enfers somme toute récente. Elle paye déjà cash son retrait du câble qui la prive du précieux public parisien, à haut pouvoir d'achat ; la part de marché du réseau câblé étant surdéveloppée dans la capitale par rapport à la province. Ainsi, sur une période, la chaine perd 471 000 téléspectateurs en moyenne mensuelle et cède 0.1 % de part de marché pour s'établir à 0.2% de part de marché d'audience nationale. Sur le seul périmètre du payant (câble, satellite, ADSL), son retrait du câble lui fait perdre 0.3 % passant de 0.9% à 0.6% de part de marché. C'est un recul très important. Elle subit là une double peine : le désamour de la télévision payante auprès des foyers français et son confinement au seul bouquet CanalSat. Les 28 chaines de la TNT donnent en effet, un sentiment de satiété aux téléspectateurs qui sont moins enclin à s'abonner à un bouquet fourre-tout payant tandis que tout un pan de la population consomme différemment la télévision à grands coups d'achats VOD ou d'abonnements à des plateformes de type Netflix. Disney ou pas, le recul des chaines payantes n'est pas une spécialité franco-française : elle se constate sur tous les marchés comparables, américain en tête. En revanche, deux spécificités hexagonales viennent accélérer le phénomène.
Déjà, la France, pays inventeur des box, a un marché de la télévision payante
particulièrement éclaté. Jusqu'à peu, cinq opérateurs (SFR,
Numericable, Bouygues Télécom, Orange et Free) se
disputaient en effet les clients internet auxquels vient se rajouter
spécifiquement pour la télévision l'offre satellitaire Canal Sat. Un
phénomène de concentration est toutefois sur le point de tempérer cet
éparpillement avec Numericable qui a d'ores et déjà croqué SFR et Orange
qui envisage régulièrement de se marier avec Bougues Télécom… En sortira, à coup sûr, une
rationalisation des offres.
Il n'empêche. Le téléspectateur français, en plus
du bouquet gratuit de la TNT avec ses 28 chaines nationales dont deux chaines «
jeunesse » (France 4 et Gulli), a accès à des bouquets dits
basiques qui vient compléter, dans le cadre de son accès à internet, son offre
de programmes télé par une ribambelle de chaines dont certaines sont de vrais
rouleaux compresseurs, Disney Channel étant la première d'entre elles.
En
plus de ce bouquet, le même téléspectateur, toujours via sa box, peut compléter
son offre avec des achats de VOD au coup par coup, des services illimités comme
Netflix, FilmoTV ou Canalplay ou des options de chaines
quasi à la carte avec par exemple, les OCS. A partir de là, il est de
moins en moins enclin à souscrire un abonnement global à un bouquet entier,
quand bien même se prétendrait-il prémium. Et c'est là que la deuxième
particularité franco-française se pose avec le problème de l'hégémonique mais
bien fragile CanalSat.
Car, si tant est qu'il le puisse techniquement, le téléspectateur français
conserve-t-il un intérêt à s'abonner au bouquet fourre-tout du groupe Canal
?
En réalité, une ribambelle de contrariétés et obstacles vient le démotiver.
Déjà, il n'est pas possible de s'abonner à Canal Sat directement via le
réseau câblé. Si des astuces dérivatives existent (via le Cube notamment), elles
sont pénibles à mettre en place (il faut ainsi accepter l'idée d'avoir deux
décodeurs) et le résultat n'est pas forcément à l'arrivée, la qualité des images
étant soumise à la celle du signal et de la bande passante allouée au flux.
Ensuite, des tracas administratifs se présentent en nombre à l'abonné potentiel
: il faut, en effet, quand il s'agit de s'abonner à CanalSat par
Orange par exemple, souscrire un abonnement supplémentaire dont les règles
de vie ne sont pas les mêmes que celles du FAI natif. Les conditions de
désabonnement sont laborieuses et le téléspectateur a l'impression d'être pris
au piège avec une règle différente par opérateur. Libre de se désabonner de son
FAI après la période d'engagement mais contraint de respecter la date
anniversaire de son abonnement CanalSat au risque de se voir repartir
pour un an… Et c'est tout le sentiment de confiance et de liberté qui se voit
planté, d'autant plus que le téléspectateur est désormais nourri aux conditions
de Netflix dont la souplesse est juste remarquable… Enfin, le
fonctionnement intrinsèque des bouquets est différent jusqu'à la numérotation
des chaines ! Ainsi, quand il s'agit de passer du bouquet Orange à celui
de CanalSat via pourtant le même décodeur (et c'est le cas aussi chez
SFR, Bouygues ou Free) le positionnement des chaines n'est pas la même. Bonjour
le casse-tête pour s'y retrouver ; Canalsat ne respectant même pas la
numérotation TNT pour mieux favoriser les chaines dont il est éditeur…
Et que dire des services replay qui, là-aussi, sont différents, le catalogue n'étant pas le même selon que le téléspectateur soit côté FAI ou côté CanalSat. En réalité, il est à se demander si la notion de simplicité a été prise en compte à un moment donné dans l'établissement des offres. Dans tout cela, l'offre de télévision Disney a perdu en visibilité. Il est tellement laborieux d'accéder aux chaines Disney XD, Disney Junior et Disney CINEMA que le téléspectateur en a fait son deuil et se contente de l'offre concurrente bien plus facile d'accès.
Ce constat est d'ailleurs le même pour les services de télévision Disney. Disneynature | tv n'a jamais été déployée partout, Disneytek s'est contentée de Free tandis que Disney Channel Pop Pick Play dont l'accessibilité est plus large ne fait que proposer un catalogue de bric-et-de-broc, sans cohérence éditoriale. La télévision payante est à un tournant en France. Savoir y trouver sa place est la condition de survie des modèles et des chaines. Si Disney Channel a su le faire, le reste du bouquet de chaines Disney (XD, Junior, CINEMA, Disneynature | tv…) et ses services VOD attenants n'y sont manifestement pas encore parvenus. La faute à une conception datée du rapport du téléspectateur aux programmes :
- non, il ne s'abonne plus à un bouquet généraliste fourre-tout pour avoir accès à une chaine qu'il désire en se frappant toute une ribambelle d'autres dont il n'a que faire ;
- non, il ne conçoit plus d'être lié par des conditions d'abonnement remontant à la télévision des années 90 ;
- non, il n'admet plus d'empiler les décodeurs dans son salon...
Le téléspectateur des années 2015 veut avoir accès aux
programmes, chaines et services, facilement sans avoir se poser la question de
savoir si la chaine ou le programme qu'il vise est disponible ou non chez son
FAI, sans fil à la patte, avec des conditions d'abonnement simple, sans
anicroche technique ridicule (une chaine doit avoir le même numéro partout et sa
qualité de l'image doit être constante), sans contrainte de temps sur la
disponibilité des programmes…
L'industrie du disque en refusant de
changer son modèle s'est fait laminer par le changement de comportement des
consommateurs qui sont allés chercher ailleurs que sur les canaux traditionnels
la musique qu'ils visaient.
Si l'industrie de la télévision ne prend pas
le virage à temps, elle connaitra le même sort et cherchera trop tard à se
sortir d'un modèle d'exploitation daté, les canaux parallèles ayant entre temps
le beau jeu de prendre le relai.
C'est tout l'enjeu et il est d'autant
plus important pour Disney qui, synergie oblige, fait reposer tout son
marchandisage sur le succès de ses productions et donc de leur accessibilité.
Aucune poupée, aucune peluche ne se vendra si son personnage n'a pas, à la
base, l'exposition, qu'il se doit d'avoir auprès du public…