Alice en Chine
Titre original : Alice Chops the Suey Production : Walt Disney Animation Studios Date de sortie USA : Le 17 août 1925 Série : Genre : Animation 2D / Film "Live" |
Réalisation : Walt Disney Durée : 7 minutes |
Disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
Alice et Julius prennent tout juste vie quand la jeune fille se fait enlevée par un chinois qui l'emmène à Chinatown... |
La critique
La série des Alice Comedies a toujours été un vibrant hommage à celle des frères Fleisher, créée en 1919, Out of the Inkwell. Walt Disney y puise, en effet, l'idée de voir des personnages animés interagir avec la réalité. Pour sa collection, il en inverse toutefois la dynamique et, plutôt que de faire quitter aux toons leur monde, il préfère, lui, y projeter un acteur (une actrice, en l'occurrence).
Les frères Fleisher
sont des grands noms du cinéma d'animation avec lesquels Walt Disney partageait
sa quête permanente d'innovation. Max Fleischer a ainsi notamment déposé le
brevet du rotoscope en 1915, une technique visant à animer des personnages de
manière réaliste, à moindre coût. En 1919, il l'utilise avec son frère pour
réaliser, pour le compte de J.R. Bray Studios, la série Out of the Inkwell,
avec Koko le clown. Cette dernière connait immédiatement un franc succès qui
autorise à ses concepteurs d'accéder à leurs propres studios dès 1921, qu'ils
baptisent logiquement Out of the Inkwell Films.
Dans les années 1920, les deux frères se bâtissent une solide réputation
d'excellence technique et de créativité. Abandonnant en 1927 la production sous
le nom Out of the Inkwell Films, leurs studios renaissent en 1929 sous
l'appellation de Fleischer Studios. Ils sont alors parmi les rares à
Hollywood à être en capacité d'absorber le choc de la révolution du sonore,
l'adjonction du son devenant le standard des films dès la fin des années 20. Ils
lancent ainsi, sans trop de mal, la série Talkartoons dont le héros est
un nouveau personnage appelé Bimbo. S'il ne parvient pas vraiment à se faire
accepter par le public, un rôle secondaire prend immédiatement sa relève. Une
certaine Betty Boop devient ainsi le premier personnage féminin à bénéficier de
sa propre série de dessins animés aux États-Unis. Lancé sur une excellente
dynamique, les Fleischer Studios poursuivent donc sur la voie du succès
en adaptant au cinéma le comic-strip Popeye Le Marin dont le retentissement va
bien au-delà de leurs espérances, donnant lieu à trois moyens-métrages.
Les années 1930 sont autrement plus délicates pour les Fleischer Studios.
L'adoption du Code Hays par Hollywood les poussent, en effet, à s'autocensurer,
allant jusqu'à asexuer Betty Boop lui ôtant ainsi ses atouts majeurs. Pire,
cédant à la pression de leur distributeur, Paramount Pictures, les frères
Fleischer se mettent à imiter le style de Walt Disney perdant au passage
l'originalité qui a fait leur réputation. Le résultat obtenu fait de la série
des Color Classics une bien pâle copie des
Silly Symphonies que le public ne
tarde pas à bouder. La compétition avec Disney atteint son paroxysme quand les
Fleischer Studios réalisent deux longs-métrages censés concurrencer les
films de la société de Burbank. Réalisés par une équipe constituée en grande
partie d'animateurs inexpérimentés, Les Voyages de Gulliver et
Bugville, mal vendus par Paramount Pictures, seront des échecs
cinglants ! Acculés, les deux frères cherchent alors à se refaire une santé
financière. Ils tentent le tout pour le tout avec la série Superman,
adaptée du comic-book du même nom. Elle bénéficie d'un budget record et marque
le retour de leur studio au style qui a fait son succès : une animation
particulièrement soignée mise au service de sujets plus adultes et plus urbains
que ses concurrents. Le succès de Superman, si grand soit-il, ne permet
pourtant pas d'assainir les comptes des Fleischer Studios.
Hypothéqués dès 1942 à Paramount Pictures, ils sont absorbés par la major
qui les reprend en main et les rebaptise Famous Studio, remerciant au
passage et sans aucune autre forme de procès, les deux frères.
Alice en Chine est assurément le cartoon de la série qui rend le plus hommage à Out of the Inkwell. L'apparition d'une main humaine utilisant une plume et son encrier pour créer le personnage de Julius et les décors de Chinatown constitue, en effet, un vrai clin d'œil au travail des frères Fleisher, plus encore quand Alice et les "méchants", d'origine asiatique, sortent du pot d'encre pour investir l'écran.
La seconde moitié du cartoon reprend, elle, son schéma plus classique avec un Julius qui sauve Alice (le personnage de la fillette est décidément de plus en plus anecdotique !) tout en tentant d'échapper à une horde de poursuivants. Certains gags, notamment ceux basés sur la queue du chat (le félin l'utilise comme une roue de monocycle ou comme des hélices d'avion) fonctionnent alors à merveille.
Au final, Alice en Chine étonne agréablement par son envie de chercher un peu d'exotisme et d'originalité dans une série somme toute très formatée. Une vraie curiosité...
Les bobines d'Alice en Chine existent et sont conservées dans la collection privée de Lobster Films, la société de Serge Bromberg.