Leçons de Leadership Créatif
Mon Aventure à la Tête de l'Entreprise qui Transforme la Magie en Réalité

Titre original :
The Ride of a Lifetime : Lessons Learned from 15 Years as CEO of the Walt Disney Company
Éditeur :
Alisio
Date de publication France :
Le 16 mars 2021
Genre :
Essai
Auteur(s) :
Robert Iger
Autre(s) Date(s) de Publication :
Random House (US) : Le 23 septembre 2019
Nombre de pages :
347

Le synopsis

Bob Iger narre son ascension vers les sommets de The Walt Disney Company. Devenu Président Directeur Général en 2005 d'une société qui vient de vivre une profonde crise de succession, il s'attache à restaurer la confiance et la créativité des différentes équipes. Il expose alors sa stratégie et les qualités fondamentales nécessaires à la tête de la première entreprise de divertissement au monde pour faire face à la concurrence, aux changements sociétaux et pour devancer les défis technologiques sans les subir.

La critique

rédigée par
Publiée le 12 juillet 2024

Dans Leçons de Leadership Créatif, Robert Iger propose sa vision du management, du leadership d’entreprise et prodigue les principes qui l’ont guidé tout au long de sa carrière d’ABC à The Walt Disney Company. À la publication de ce livre, en septembre 2019, il fait le bilan d’une aventure au long cours, car il est depuis 45 ans dans la même entreprise, au gré des rachats et fusions, et depuis 14 ans, le sixième Président-Directeur Général de The Walt Disney Company, poste qu’il quittera le 25 février 2020 avant d’y revenir, le 20 novembre 2022, suite à l’éviction du successeur qu'il s'était pourtant choisi, Bob Chapek.

Dans la première partie intitulée « Apprendre », Bob Iger invite les lecteurs à suivre son ascension et les mentors qui l’ont inspiré, lui permettant de forger sa conception de la direction d’entreprise.
Il commence sa carrière chez ABC en 1974 en tant que superviseur de studio, c'est-à-dire en tant qu’homme à tout faire pour un catalogue d’émissions, puis occupe le même poste à ABC Sports alors présidée par Roone Arledge. Ce dernier révolutionne la manière de concevoir la diffusion du sport par l’innovation, par l’art de raconter des histoires et d’en faire un divertissement. Bob Iger retient de cette période le refus de la médiocrité pour être fier de ses créations, la nécessité d’innover, de s’intéresser aux nouvelles technologies pour devancer la concurrence et que rien n’est impossible, pas même de couvrir la diffusion d’un championnat du monde de tennis de table en Corée du Nord. Il comprend également qu’un responsable capricieux peut fragiliser une équipe, mener à l’inefficacité et qu’il est important de se soucier des personnes comme des coûts.

En 1985 Capital Cities Communications, un groupe de médias (presse, radio et télévision), lance une offre de rachat sur ABC ; la fusion devient effective le 3 janvier 1986. Entrent en scène, Tom Murphy et Dan Burke, une paire de dirigeants avisés qui savent valoriser les capacités plutôt que l’expérience, qui ont confiance en leurs équipes et leurs donnent des responsabilités permettant à chacun de révéler son potentiel. Ils réorganisent ABC et Bob Iger se voit proposer le poste de directeur de la programmation sportive de la chaîne ; il gère alors la programmation des Jeux Olympiques d’hiver de Calgary malgré une météo capricieuse, un véritable challenge qui nécessite de gérer l’imprévu, de savoir s’adapter. Les résultats d’audience sont excellents.
Il se voit donc confier la direction d’ABC Entertainment bien qu’il ne soit pas issu du monde du divertissement et qu’il n’ait pas d’expérience dans le domaine. Il est épaulé par Stu Bloomberg et Ted Harbert, les responsables des émissions en prime time. À ce poste, il apprend à trouver un équilibre entre les nécessités budgétaires, les résultats financiers tout en respectant le processus créatif. Pour innover, il faut prendre des risques (par exemple avec les séries Twin Peaks et New York Police Blues) et il faut aussi autoriser l’échec. Dan Burke lui propose de devenir président d’ABC au début de l’année 1993 et lorsque ce dernier prend sa retraite tandis que Tom Murphy lui demande de devenir Président-Directeur Général adjoint de Capital Cities/ABC. Sa réussite fulgurante repose pour beaucoup sur la capacité de ces deux dirigeants à accorder leur confiance et à tirer vers l’excellence les collaborateurs en lesquels ils croient.

Bob Iger livre dans cet essai son point de vue sur la fusion tant commentée en son temps, de Capital Cities/ABC avec The Walt Disney Company. Selon lui, c'est une opération bénéfique pour The Walt Disney Company car la taille de la nouvelle entité lui permet de rester indépendante et d’assurer la croissance à un moment où les scores de Walt Disney Animation Studios sont décevants. Son objectif en tant que président de Capital Cities/ABC est de s’assurer que le personnel d’ABC soit bien traité par Disney et de faciliter la transition car c’est un véritable choc entre les cultures des deux entités. Chez ABC, les créatifs, les équipes ont une grande liberté à partir du moment où ils s’engagent à respecter et maîtriser leurs budgets. Chez Disney, tout est centralisé. Aucun nouveau projet ne peut être lancé sans l’aval de Strategic Planning qui doit analyser les possibilités commerciales, ensuite seul Michael Eisner se charge de toutes les décisions créatives. Il n’omet pas sa frustration de voir Michael Ovitz choisi par Michael Eisner pour devenir Président de The Walt Disney Company et il observe la dégradation rapide des relations entre les deux dirigeants. Pour lui, Ovitz est le mauvais choix car il se comporte comme l’agent artistique qu’il est et laisse toute latitude aux artistes dans les contrats alors que dans l’organisation Disney, tout est soupesé avant une décision. Il est donc aux premières loges de la débâcle entre le foisonnement d'idées de Michael Ovitz et l’indifférence croissante de Michael Eisner qui ne l’écoute pas et le prive de tout rôle important. Bob Iger décrit ses six premiers mois chez Disney comme les plus démotivants et improductifs de sa carrière, car si les deux personnes les plus haut placées ne s’entendent pas, le reste de l’entreprise ne peut fonctionner.

En décembre 1996, Michael Ovitz est congédié, Michael Eisner dirige seul la société pendant 3 ans. En 1998, la compagnie n’a pas de stratégie internationale cohérente, or Michael Eisner souhaite notamment un développement vers la Chine. Bob Iger est alors l’un des rares dirigeants Disney à disposer d’une expérience internationale acquise avec ABC Sports et l’émission Wild World of Sports et à connaître un peu la Chine, pays dans lequel il avait distribué des programmes ABC pour enfants. Il est donc nommé Président de Walt Disney International avec pour objectif de développer la stratégie internationale de la société et de trouver le site d’un futur Parc à thèmes en Chine. En décembre 1999, Michael Eisner lui propose le poste de Directeur général adjoint et Administrateur de Disney. Bob Iger est, de principe, en position de succéder un jour à Michael Eisner, une situation qui mène à des relations compliquées entre proximité et évitement.

L’après 11 septembre provoque une période de pessimisme, une chute du tourisme et des actions Disney, les résultats d’ABC sont en berne et Michael Eisner s’isole de plus en plus face à un conseil d’administration qui souhaite le voir préparer sa succession. Par ailleurs, Steve Jobs et Michael Eisner ne parviennent plus à s’entendre sur le contrat entre Pixar et Disney qui doit être renégocié. Les films Pixar sont des succès artistiques et financiers, Jobs estime toutefois que Eisner le traite comme un partenaire subalterne. Pour Bob Iger, ce qu’exige Steve Jobs est irresponsable financièrement pour Disney mais il estime que le malaise est plus profond et se joue autour d’une guerre d’égo dans laquelle nul ne veut céder. Il en va de même selon lui pour les relations compliquées entre Roy Disney et Michael Eisner. Bob Iger ne s’étend pas sur la crise du « Sauver Disney » mais il se positionne plutôt du côté de Michael Eisner. La tentative d’OPA de Comcast sur Disney ajoute à la crise et Michael Eisner décide de partir en 2006, à la fin de son contrat. Pour le conseil d’administration, il faut du renouveau, difficile pour Bob Iger de l’incarner puisqu’il est le « second ». Commence une bataille éprouvante pour succéder à Michael Eisner. Scott Miller, conseil en communication politique, lui propose une stratégie de campagne afin de rallier les administrateurs qui pourraient changer d’avis en dégageant trois priorités claires pour l’avenir. Il les expose lors d’un grand oral et de quinze entretiens, un processus de succession qui le mène à la seule crise d’angoisse de sa carrière. Il parvient à convaincre le conseil d’administration et doit succéder à Michael Eisner le 3 octobre 2005.

Dans la deuxième partie intitulée « Diriger », Bob Iger livre ses trois grands axes stratégiques pour développer la marque Disney : développer des contenus de qualité, innover pour ne pas subir et se développer mondialement. Il met en pratique les leçons qu’il a retenues de ses expériences passées.
Il commence par réduire l’emprise de Strategic Planning pour restaurer le moral de l’entreprise et remettre le processus créatif au centre. « Pour raconter de grandes histoires, il faut des gens de grands talents », leur faire confiance et accepter le risque car « gérer la créativité est un art et non une science ». Il faut également mettre de côté son égo et savoir écouter. Il accorde à Roy Disney le respect et la reconnaissance dont il a besoin, ce qui permet d’obtenir la paix en interne. Reste donc à renouer avec Steve Jobs. Cela se fera via un contrat de diffusion des contenus Disney et ABC sur iTunes avec en ligne de mire pour Bob Iger, Pixar devenu la référence de l’animation inventive. S’intéresser aux innovations technologiques était le meilleur moyen pour lui de toucher Steve Jobs et d’obtenir son attention. Lors du premier conseil d'administration de la compagnie auquel il participe en tant que nouveau P-DG, Bob Iger provoque un électrochoc en présentant une analyse qui montre qu’auprès du public, les films Pixar sont devenus synonymes d’animation qualitative et qu’ils ont remplacé Disney. La marque Disney repose sur un socle quasi unique, Walt Disney Animation Studios, lorsque celui-ci vacille, la compagnie est en péril. Il est donc nécessaire pour lui dans un premier temps de réanimer la division animation et il propose donc de racheter Pixar. Respecter la méthode de travail de Pixar et placer les talents de la société à la tête de la division animation de Disney, tel est le cœur de « l’accord Pixar ».

Sa vision du choc subi par le personnel ABC lors de l’acquisition par Disney lui est très utile dans la manière d’assurer une transition plus facile lors des différents rachats (Pixar, Marvel, Star Wars). Il faut faire coexister les marques sans qu'elles ne se nuisent, ne pas perdre la base de passionnés, notamment pour Marvel et Star Wars car ce serait leur faire perdre de la valeur. Les acquisitions Pixar, Marvel et Star Wars reposent toutes sur l’idée de Bob Iger qu’il faut diversifier le répertoire narratif de la compagnie, consolider et élargir son socle, trouver de superbes licences utilisables dans toute la gamme des activités. Marvel, c’est une richesse infinie de propriété intellectuelle, près de 7000 personnages même si certains très populaires ne peuvent être exploités en raison d’accords passés précédemment. Il est vite apparu que Marvel allait rapporter bien plus que prévu. La popularité des films a rejailli sur les produits dérivés, les activités des Parcs à thèmes, de la télévision, au-delà des meilleures prévisions. Black Panther, par exemple, est un succès commercial mais avant tout un succès culturel. Pour Bob Iger, il est essentiel que toute la diversité de la société soit vue et représentée dans les activités de créations et de divertissement de The Walt Disney Company. Avec Star Wars, il ne s’agit pas d’acheter une entreprise mais de devenir le dépositaire de l’héritage de George Lucas et de ne pas décevoir la base des passionnés. George Lucas a dit de Star Wars : Le Réveil de la Force qu’il n’avait rien de novateur, ni en terme d’intrigue, ni en termes de technologies. Pour Bob Iger, il fallait un film qui fasse « typiquement » Star Wars pour ne pas perdre les fans. Le film a battu des records de recettes et il estime qu’il a plu aux fidèles de la saga, c’était là l’objectif. Un fil conducteur relie ces trois acquisitions, des négociations compliquées mais rendues possibles grâce au rapport de confiance établi avec Steve Jobs, Ike Perlmutter et George Lucas. Pour Steve, il fallait respecter l’essence de Pixar, pour Ike, assurer que l’équipe Marvel serait estimée et aurait une chance de prospérer et pour George mettre « son bébé » entre de bonnes mains...

Introduire une culture d’excellence et d’ambition en matière technologique est le deuxième axe stratégique pour Bob Iger, il va de paire avec le développement mondial. Il estime qu’il faut savoir s’adapter au changement pour diffuser les contenus, être à l’avant-garde de l’innovation au risque de « cannibaliser » les activités plus traditionnelles de l’entreprise. Se pose alors la question de bâtir une plateforme ou bien d’en acquérir une. La première méthode demande beaucoup d’investissement, la seconde permet une mise en place plus rapide. La seconde méthode est priorisée avec la prise de contrôle de BAMtech dont les équipes construisent les interfaces pour les nouveaux services Disney+ et ESPN+. Cela implique d’accepter des pertes immédiates de redevances en récupérant les programmes Disney afin de les réunir sur la plateforme. Il sait qu’il faudra du temps pour que le succès de Disney+ se traduise par des profits, l’essentiel est d’abord d’accroître le nombre d’abonnés et de rendre le service accessible par un prix attractif. C’est un basculement stratégique vers le streaming engagé en 2017 et pour Bob Iger, le début de la réinvention de The Walt Disney Company : se passer d’intermédiaires pour offrir du contenu directement au consommateur, continuer d’animer les chaînes traditionnelles tant qu’elles assurent des revenus convenables et de présenter les films sur grand écran dans les salles de cinéma du monde entier. Innover, c’est aussi adapter les pratiques de l’entreprise pour qu’elles servent cette nouvelle direction. Il décide de déterminer la rémunération des cadres en fonction de leur contribution à la nouvelle stratégie, d’attribuer des actions, un plan d’intéressement au capital, en fonction non pas du chiffre d’affaires mais de la qualité du travail commun pour Disney+. Un renouveau qui passe également par l’accroissement et aboutit en mars 2019 à l’acquisition de The 21st Century Fox. Il s’agit alors de se positionner sur de nouveaux marchés, là où Disney est embryonnaire, notamment en Inde ou en Asie, d’assurer une gestion plus efficace des deux studios et d’intégrer une entreprise qui raconte la même histoire que celle posée en ligne directrice par Bob Iger : du contenu de haute qualité, de l’innovation technologique et une présence mondiale.

Au moment où se referme le dernier chapitre de ce livre, le départ à la retraite de Bob Iger est fixé à décembre 2021 (il quittera finalement son poste de P-DG le 25 février 2020), il juge qu’il n’est pas bon de rester trop longtemps au pouvoir car « le bon leadership ne consiste pas à être indispensable, mais à préparer les autres à prendre votre place ». L'avenir démontrera paradoxalement qu'il a mal préparé sa succession, le contraignant à revenir prendre les commandes de la compagnie...
À tout égard, Leçons de Leadership Créatif est un livre à découvrir absolument pour mieux comprendre Bob Iger, sa manière de concevoir la direction d’une entreprise, de gérer la créativité et la voie sur laquelle il a engagé The Walt Disney Company.

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