Mario Gentilini

Dans le cadre des festivités organisées autour du cinquième anniversaire de Disneyland Paris, les studios Disney font le choix de délocaliser exceptionnellement la remise des Disney Legends Awards à Marne-la-Vallée. Célébrée le 11 avril 1997, la cérémonie honore alors les Européens qui, depuis près d’un demi-siècle, ont contribué à leur niveau au succès de l’entreprise à l’image de l’Italien Mario Gentilini.

Mario Gentilini et l'artiste Marco Rota

Mario Gentilini voit le jour le 8 juillet 1909 à Luzzara, dans la région d’Émilie-Romagne, au nord de l’Italie. Après son cursus scolaire, il est exempté du service militaire en raison d'une phocomélie à la main droite. Le jeune homme se destine alors à une carrière de peintre et s’inscrit à la prestigieuse Académie des Beaux-Arts de Brera fondée à Milan en 1776. Maîtrisant parfaitement l’art de la peinture figurative en vogue durant l’entre-deux guerres, Gentilini ne tarde pas à se faire un petit nom en exposant ses œuvres à Rome et à Paris. Pour gagner sa vie correctement, il mène toutefois en parallèle une carrière de professeur d'éducation artistique dans un lycée de Milan.

En 1936, Cesare Zavattini, alors directeur éditorial de Mondadori, lui propose un poste de dessinateur au sein du groupe de presse milanais Arnoldo Mondadori Editore. Or, Mondadori est à l’époque le plus grand éditeur de toute l’Italie. En plus de diverses histoires produites par des artistes locaux, il a signé en 1932 un beau contrat avec les studios Disney qui l’autorisent à publier des bandes dessinées mettant en scène les personnages maison. Un nouveau magazine pour la jeunesse est né de cette union, Topolino, du nom italien de Mickey Mouse. Au départ engagé pour seulement trois ou quatre jours, le temps de remplacer au pied levé un dessinateur du journal malade, Mario Gentilini est chargé de retoucher certains dessins avant leur publication. Apprécié pour son travail, il conserve finalement sa place. Gagnant désormais un bon salaire, il abandonne finalement sa carrière d'enseignant.

Mario Gentilini en 1959

En 1945, Mario Gentilini est promu directeur de la rédaction de Topolino. Avec les années, il décide de changer le rythme de parution de la revue qui, de mensuel, devient un bimensuel en 1954, puis un hebdomadaire en 1960. Pour compléter les histoires conçues aux États-Unis par des artistes tels que Floyd Gottfredson, Al Taliaferro et Carl Barks, il met par ailleurs sur pied une large équipe d’auteurs et de dessinateurs italiens qui s’occupent de créer eux-mêmes des histoires inédites. Parmi eux, Guido Martina, Giuseppe Perego, Luciano Bottaro, les frères Barosso, Romano Scarpa, Giovan Battista Carpi, Gian Giacomo Dalmasso, Pier Lorenzo De Vita, Giulio Chierchini, Luciano Capitanio, Carlo Chendi et Luciano Gatto produisent ainsi des milliers de pages de bandes dessinées totalement originales. Dans les années 1960, ils sont rejoints par Marco Rota, Rodolfo Cimino, Osvaldo Pavese, Sergio Asteriti, Massimo De Vita et Giorgio Cavazzano. Très occasionnellement, Gentilini écrit et dessine lui-même quelques récits. Grâce à cette brillante équipe, l’Italie devient l’un des centres névralgiques de la bande dessinée Disney au même titre que la France ou les pays scandinaves. Réputés pour leur qualité graphique et scénaristique, les comics italiens s’exportent bientôt dans toute l’Europe.

Fort du succès de Topolino, Mario Gentilini lance plusieurs autres titres de presse comme le mensuel I Classici di Walt Disney dans lequel sont compilées les meilleures histoires de Mickey et ses amis. Publié à partir de 1958, ce nouveau magazine remporte à son tour un immense succès. Vendu à deux millions d’exemplaires, le modèle est adapté dans plusieurs langues. Dix ans plus tard, en 1968, Gentilini chapeaute la publication de la toute première édition du Manuale dell Giovani Marmotte, le Manuel des Castors Juniors lui aussi repris à l’étranger, en particulier en France. D'autres titres, Il Manuale di Nonna Papera (Les Bonnes Recettes de Grand-Mère Donald), Il manuale di Paperinik (Magirama des Castors Juniors), Il manuale di Archimede ou bien encore Manuale Del Gran Mogol (Le Manuel de Géo Trouvetou) complètent la collection dans les années suivantes.

Arnoldo Mondadori, Walt Disney et Mario Gentilini, Salone del Bambino, 1965

En plus de sa casquette de rédacteur en chef, Mario Gentilini est également un chef d’entreprise qui s’attèle à promouvoir l’image de Disney à travers l’Italie grâce à différents programmes et autres manifestations. En 1954, il développe Il Club di Topolino, un fan-club permettant de fidéliser les jeunes lecteurs de Topolino en leur offrant la possibilité de collectionner les timbres spéciaux à l’effigie des personnages Disney publiés dans la revue. Le succès est alors immédiat. Le fan-club compte plus de cinq-cent-mille membre dix ans après sa fondation. En 1960, Gentilini crée également le Topolino Ski Trophy, un programme sportif destiné aux enfants de six à douze ans. Présentant le travail de ses artistes à la télévision, notamment dans certaines émissions présentées par Luigi Silori, il installe un stand consacré à Topolino au Salon des Enfants (Salone del Bambino) organisé chaque année à Milan. Le 17 septembre 1965, Walt Disney visite en personne l’exposition accompagné par Arnoldo Mondadori et Mario Gentilini.

Romano Scarpa, Giovan Battista Carpi et Mario Gentilini au micro de Luigi Silori, 1968

Réputé pour son professionnalisme sans faille et son esprit visionnaire, Mario Gentilini avait malgré tout une face sombre. Absolument charmant avec les vétérans tels que Romano Scarpa, le dirigeant pouvait en effet se montrer rigide et avare en compliments auprès de certains de ses collaborateurs, en particulier ses dessinateurs qu'il jalousait parfois, lui dont la carrière artistique avait finalement avorté. C'est ainsi que son image est passablement ternie après trente-cinq ans passés à la tête de Topolino. Désavoué par une partie de sa rédaction qui lui reproche de faire ronronner Topolino dont les ventes se tassent, Mario Gentilini fait finalement le choix de prendre sa retraite en 1980. Son numéro deux, Gaudenzio Capelli, lui succède au poste de directeur et rédacteur en chef. Une grande révolution s'opère alors au sein du journal afin de lui redonner ses lettres de noblesse et surtout une bonne dose de modernité.

Mario Gentilini disparaît en février 1988 à l’âge de soixante-dix-huit ans. En 1997, un Disney Legends Award est remis à titre posthume à celui que Roy E. Disney qualifiait de « grand pionnier dans le domaine de la bande-dessinée ».