The Last Warrior
Titre original : Posledni Bogatyr Production : Walt Disney Pictures Date de sortie Russie : Le 26 octobre 2017 Genre : Fantastique |
Réalisation : Dmitry Dyachenko Musique : George Kallis Durée : 114 minutes |
Le synopsis
La critique
The Last Warrior est une co-production locale russe de The Walt Disney Company CIS en partenariat avec la société russe Yellow, Black and White. Étonnamment ambitieuse, sans être du niveau d'un long-métrage américain, elle se laisse suivre sans déplaisir y compris par un spectateur occidental.
Depuis 2007, les studios Disney tentent l'aventure de la délocalisation. Alors qu'ils se contentaient jusqu'à présent de vendre dans le monde entier leurs productions, pensées et réalisées sur le sol américain, avec certes des relents d'universalité, ils changent, en effet, subitement leur fusil d'épaule et, ambitionnant de s'installer durablement sur les marchés émergents, abordent une nouvelle approche : l'exportation de l'intérieur ! Le marché chinois est ainsi le premier à connaître l'expérience. Viendront après l'Inde, l'Argentine, le Mexique, la Russie, le Brésil mais aussi, les marchés matures que sont l'Allemagne, les Pays-Bas et même la France. Plusieurs des sociétés locales de distribution de The Walt Disney Company mettent ainsi de grandes ambitions dans cette nouvelle politique allant, pour ce faire, jusqu'à signer les œuvres produites du label historique Disney. S'inscrivant dans cette démarche, The Last Warrior marque la troisième coproduction de The Walt Disney Company CIS après The Book of Masters en 2009 et Happiness... en 2015.
The Last Warrior se base sur les personnages de contes très populaires en Russie comme Baba-Yaga ou Kochtcheï.
Baba-Yaga est un être féminin surnaturel occupant plusieurs rôles dans les récits allant d'une divinité chasseresse jusqu'à la simple sorcière. Représentée souvent sous la forme d'une vieille femme, elle peut toutefois apparaître sous d'autres identités. Dans les contes, elle est ainsi à la fois l'adversaire du héros tout autant qu'une guide ou une conseillère.
Kochtcheï, quant à lui, est un personnage mauvais ou malfaisant étant souvent l'ennemi du héros. Sa caractéristique principale vient de son immortalité ou plus précisément encore de sa capacité à dissocier la mort de son corps.
Il sera noté également dans The Last Warrior l'utilisation de Vodianoï, un personnage aquatique venu de la mythologie slave, être malfaisant, esprit des eaux et des marais dont la principale occupation est de chercher à noyer les gens ; ou encore de Vasilisa, une jeune fille transformée en grenouille, version russe du fameux conte des frères Grimm, Le Prince Grenouille, adapté par les Walt Disney Animation Studios en 2009 dans La Princesse et la Grenouille.
The Last Warrior étonne rapidement dans sa capacité à être suivi sans mal par un spectateur occidental malgré les nombreuses références folkloriques russes forcément inconnus de lui. Le long-métrage est ainsi un film d'heroic-fantasy mélangeant l'univers moyenâgeux de Bélogorié avec le modernisme de Moscou. L'opus essaye d'ailleurs de bien mettre en avant cette différence en insistant sur la modernité et la froide opulence qui forment le quotidien du jeune Ivan. Le royaume de Bélogorié, lui, est classique dans sa construction avec son roi, sa sorcière, ses chevaliers, ses créatures magiques... Les décors sont dans l'ensemble de bonne facture et le long-métrage impressionne par une qualité technique plus que satisfaisante. Alors certes, les effets spéciaux ne sont clairement pas au niveau d'une production américaine : le personnage de Vodianoï, l'homme sirène des marais, est par exemple perfectible ; l'incrustation CGI n'étant pas des plus harmonieuse. Par contre, là où The Last Warrior pèche, c'est dans sa bande-son, le recours à des chansons contemporaines ne collant pas du tout au thème de la Fantasy au point d'en être risible. Pour autant, l'ensemble forme un film ambitieux qui se donne visiblement les moyens de l'histoire qu'il veut raconter.
Le récit de The Last Warrior se laisse donc suivre sans déplaisir même s'il n'a rien de vraiment transcendant à proposer. Le scénario, très classique, reprend l'idée d'un jeune anti-héros antipathique qui se retrouve dans un monde qu'il ne connaît pas. Dans ce sens, son histoire ressemble beaucoup au roman de Mark Twain, Un Yankee à la Cour du Roi Arthur, que Disney a adapté de façon plus ou moins fidèle aussi bien au cinéma avec Un Cosmonaute Chez le Roi Arthur (1979) et Un Visiteur chez le Roi Arthur (1995) qu'à la télévision avec Le Chevalier Hors du Temps (1998). Le jeune héros va ainsi tout faire pour retourner là d'où il vient même si l'objectif n'est pas aisé et qu'une quête initiatique s'impose à lui pour réussir. Il va bien sûr au passage apprendre qu'il est l'élu, le seul à pouvoir sauver le monde dans lequel il vient tout juste d'arriver ! Dans son aventure, il fait alors la connaissance d'acolytes aussi bizarres les uns que les autres qui vont l'aider à accomplir son destin. Et c'est là que le film n'est pas très clair dans la définition de ses personnages. Baba-Yaga comme Kochtcheï sont, en effet, censés être des méchants, ou du moins des êtres maléfiques ; et ils sont d'ailleurs présentés comme tels. Pourtant, au final, la frontière entre méchants et gentils reste plutôt floue Les vrais antagonistes ne sont pas ceux-là et si l'un deux est révélé à la fin du film, la sorcière Varvara est, elle, clairement annoncée comme une menace, non seulement pour Ivan mais aussi pour tout le Bélogorié...
Prenant des airs de salade niçoise, The Last Warrior propose alors aussi bien des moments épiques, un road trip dans un pays inconnu, de petites surprises, quelques rares scènes de bravoures et des passages comiques tombant souvent à plat.
Les personnages de The Last Warrior deviennent vite le vrai point noir du film : aucun n'est, il est vrai, foncièrement sympathique si bien que le spectateur a bien du mal à s'attacher.
Ivan, joué par Victor Horiniak, est une véritable tête à claque. Antipathique à souhait quand il est magicien millionnaire à Moscou, il est trimbalé dans Bélogorié sans jamais assumer le statut de véritable héros. Il ne fait, en réalité que suivre ses acolytes d'infortune et se révèle d'une pénible maladresse. Dépourvus de valeurs, il ne commence à accepter ce qu'il est et prendre sa place qu'à la toute fin du film. Dommage.
Ses compagnons sont malheureusement aussi peu sympathiques que lui. Le fait d'avoir choisi des personnages maléfiques du folklore russe rend tout bonnement impossible le processus d'attachement à leur endroit. Et quand ils essayent de devenir plus chaleureux, cela ne fonctionne pas à l'image d'un monstre de Frankenstein qui voudrait afficher un large sourire. Kochtcheï (Konstantin Lavronenko), un immortel démembré, n'a ainsi pas un physique très avenant et possède un caractère brut de fonderie. La sorcière Baba-Yaga (Elena Yakovleva) ainsi que la créature des marais Vodianoï (Sergei Bourounov) ne sont pas forcément plus sympathiques, râlant tout le temps. Même Vasilisa (Mila Sivatskaya), pourtant charmante, apparaît aigrie et méfiante vis-à-vis de tout le monde. Là où le spectateur se rend compte que cette drôle d'équipe ne fonctionne pas est sûrement lors de la scène où Ivan souhaite faire un selfie avec ses camarades d'infortune, livrant une séquence si improbable et peu naturelle qu'elle en est gênante.
The Last Warrior a droit à une première le 11 octobre 2017 à Moscou avant de se voir offrir une sortie générale le 26 octobre 2017 dans toute la Fédération de Russie. Très vite, il y signe un succès historique devenant le plus gros succès d'un film en langue russe. Naturellement, une suite est rapidement annoncée avec une sortie prévue en 2020. Pour mieux vendre l'opus au reste du monde, il se voit parfois désigné en tant que The Last Knight avant de prendre pour titre international The Last Warrior. S'il n'est pas sorti en salles en France, il a droit à une diffusion confidentielle en première exclusivité sur la chaîne gratuite 6ter.
The Last Warrior est un film délocalisé portant le label Disney qui affiche une belle ambition, du moins dans sa portée, son récit et ses effets spéciaux. Classique dans sa trame narrative servant une histoire déjà maintes fois vue par ailleurs, son aura est vite plombé par des personnages, pour la plupart issus du folklore russe, fort peu sympathiques.