Black Panther Power
Production : Canal+ Date de diffusion France : Le 11 janvier 2019 Genre : Documentaire |
Réalisation : Sophie Pagès Durée : 52 minutes |
Le synopsis
De sa création papier à son adaptation au cinéma, le personnage de Black Panther a toujours inspiré de nouvelles générations et toute une communauté. |
La critique
Black Panther Power est un documentaire diffusé pour la première fois sur Canal + le 11 janvier 2019 dans le but d'accompagner la première diffusion du film quasi éponyme sur le petit écran. Dans un format de cinquante-deux minutes, il aborde plusieurs sujets tout en restant rythmé et jamais répétitif. Plusieurs intervenants se partagent alors quelques dizaines de minutes d'écran : de la chef décoratrice Hannah Beachler, au dessinateur Brian Stelfreeze en passant par le réalisateur de Black Panther Ryan Coogler, la journaliste Rokhaya Diallo ou l'humoriste français Thomas Ngijol. Ce panel varié d'une quinzaine de personnalités permet d'avoir un regard sur toutes les facettes du long-métrage, même celles les plus difficiles à appréhender.
Le documentaire emmène d'abord le spectateur à revisiter les origines de Black Panther, le personnage du comics mais également les premiers soubresauts de l'existence de son univers. La première apparition de Black Panther dans les aventures des 4 Fantastiques fait l'effet d'un véritable bond en avant. En 1966, époque lourdement marquée par les revendications du rassemblement Black Panther Party (à qui le super-héros ne doit pourtant pas son nom, Stan Lee s'étant inspiré pour lui d'un bataillon de char de la Seconde guerre mondiale) l'apparition d'un héros noir africain et non pas afro-américain est révélatrice d'envies progressistes de la part de Marvel. T'Challa est effectivement le premier homme noir à revêtir la cape des héros de la Maison des Idées et le fait est que sa création sera l'avènement d'une nouvelle ère où pouvoir être un héros ne dépend plus de sa couleur de peau. 52 ans plus tard, les aventures de la Panthère Noire portées au grand écran reproduisent curieusement le même effet ; les épopées de T'Challa, du Wakanda et de leur incommensurable succès marqueront en effet les esprits.
Loin des représentations habituelles, dans l'univers Marvel, l'Afrique est ici placée au centre du monde ; Ryan Coogler expliquant son souhait d'ériger le Wakanda en place forte, véritable oasis à la fine pointe de la technologie gardée à l'abris de la colonisation. Un certain nombre d'intervenants se relaie alors sur le sujet pour aider le téléspectateur à y voir plus clair avec, pour illustrer leurs propos, plusieurs types d'images tels que des infographies, tweets, snaps, extraits du film ou de tapis rouges...
La politique de Donald Trump est-elle abordée indirectement dans le film ? Black Panther est-il le premier super-héros noir de l'écurie Marvel a être porté à l'écran ? T'Challa et Killmonger seraient-ils des représentations de Martin Luther King et de Malcolm X ? Pourquoi et comment le super-héros africain fédère toute une communauté ? À quels mouvements réels les enjeux de Black Panther font-ils écho ? Comment « Wakanda Forever » est-il devenu un véritable signe de ralliement à travers le monde ? Le débat est riche !
Comme le souligne l'historien Pascal Blanchard, sur le papier, Black Panther n'aurait pas dû fonctionner. Alors pourquoi a-t-il fait l'effet d'une bombe à Hollywood ? Tout simplement parce qu'il répond à un besoin, comme Black Panther Power répond à toutes ces questions. C'est d'ailleurs ce à quoi sont dédiées les vingt-cinq premières minutes du documentaire, expliquer l'inexplicable onde de choc Black Panther qui a secoué les sociétés, véritable phénomène politique et social.
Black Panther Power passe ensuite à un autre sujet inévitable : la place des femmes dans le film, et, plus largement, dans le monde. Détail non négligeable, le documentaire a d'ailleurs été réalisé par une femme, Sophie Pagès, paramètre intéressant à prendre en compte, spécialement sur ce segment. Black Panther est en effet l'un des premiers films à accorder une aussi grande place aux femmes et passe haut-la-main le test de Bechdel. Ryan Coogler explique ainsi au téléspectateur sa volonté profonde de donner le pouvoir aux femmes. Qu'elles soient militaires, espionnes, ingénieures, conseillères, les intervenants du documentaire s'accordent tous à dire une chose : ces femmes, ce sont les femmes de leur vie ! Mère, tante ou sœur, Shuri ou Ramonda sont des hommages à des héroïnes du quotidien. Lors de ce segment dédié aux femmes, le téléspectateur appréciera particulièrement l'intervention de Rokhaya Diallo sur l'importance de Black Panther sur la création de modèles pour toutes et tous et la représentation de la diversité à l'écran. Le documentaire réussit de la sorte à décortiquer l'importance des femmes à la fois dans le film mais aussi dans sa réalisation et sa création.
Et si le Wakanda existait vraiment ? C'est la sensation qu'Hannah Beachler, chef décoratrice et principale intervenante des dernières quinze minutes du documentaire, a voulu donner comme impression à l'écran. Détail intéressant, Ryan Coogler lui-même a insisté pour travailler à nouveau avec sa collègue du film Creed : L'Héritage de Rocky Balboa et la pluralité de leurs collaborations n'est certainement pas étrangère à la réussite visuelle de Black Panther. Au fil de ses confessions, le téléspectateur apprend, entre autres choses, que si la plupart des paysages ont été créés numériquement, les influences, elles, sont bien réelles. Beachler a littéralement écumé l'Afrique à la recherche des éléments qui allaient construire « son » Wakanda et ses récits de voyage sont à la fois une véritable ode à l'aventure mais exprime aussi son désir profond de respecter et de rendre hommage aux différentes cultures africaines. Rien n'a été choisi au hasard, aucune forme, aucun motif, aucune architecture, rien. À travers les images de Black Panther Power, tous ces choix s'expliquent et tout s'imbrique dans l'esprit du passionné.
Si la grande majorité de Black Panther Power s'inscrit dans une démarche positive et bienveillante à l'égard du film, la réalisatrice du film ne s'interdit pas de montrer les côtés un peu plus piquants et problématiques de Black Panther. Le fait, par exemple, que le seul modèle de démocratie en Afrique est une monarchie, ce qui pourrait s'apparenter à une caricature ainsi que le mentionne l'historien Pascal Blanchard. C'est aussi la force de ce documentaire décidément très complet malgré sa courte durée : il ne tait pas la critique et donne la parole à des gens qui ne voient pas uniquement le positif.
Black Panther Power est nécessaire pour comprendre les subtilités qui ont fait de Black Panther le premier Blackbuster : le voir permet, en effet, de prendre conscience de l'ampleur de son succès et de son écho dans le cœur de la communauté africaine. Peu importe qui est le téléspectateur, d'où il vient, qu'il soit pur fan Marvel ou pas : Black Panther Power est à voir, pour comprendre, apprendre, et sublimer le film qu'il analyse en s'ouvrant à la profondeur qu'il offre. Il conscientise et permet d'outrepasser le plaisir simple qu'il y a à regarder un bon Marvel : Black Panther est important et Black Panther Power permet de savoir pourquoi.