Le Mariage du Siècle
L'article
Disney vient de racheter Pixar. En intégrant le turbulent studio à la lampe de bureau, la compagnie de Mickey vit une révolution interne dont elle a, seule, le secret en s’assurant, habilement et pour de longues années, de belles perspectives.
Retour sur un événement aussi important pour la Walt Disney Company que furent, en leur temps, l’abandon d’Oswald pour Mickey, du muet pour le parlant, du noir et blanc pour la couleur ou plus récemment, de l’animation 2D pour la 3D.
Disney prend donc sous son aile, à la fin des années 80, à une époque où personne ne croit encore à la technologie qui s’imposera pourtant quinze ans plus tard comme la référence des long-métrages animés, un petit studio d'animation 3D dénommé
Pixar et identifié par une lampe de bureau tout droit sortie de son premier court-métrage,
Luxo Jr.
Après avoir totalement financé la réalisation par Pixar de
Toy Story, la compagnie de Mickey signe pour
cinq autres films à 50/50, cette fois-ci. Le deal est simple : Pixar réalise et
Disney distribue. Le succès est immédiatement au rendez-vous. Le public se rue en effet dans les salles obscures voir les petits chefs d'œuvre d’animation 3D qui profitent aussi bien de l'imagination de
Pixar que de la logistique de la Walt Disney Company pour
leur distribution et leur merchandising. Les deux studios exploitent
ainsi avec bonheur leur joint-venture. Il faut dire que Disney est passé
maître dans l'art de maintenir en vie ses personnages, qu’il décline aussi bien dans ses parcs à thèmes qu’à la télévision, sur son réseau mondial exclusif, à forte valeur ajoutée, Disney Channel. Buzz l’éclair, héros de Toy Story, en est ainsi un parfait exemple. Alors que la star de
Dreamwork, Shrek, a bien du mal à exister en dehors de ses longs métrages, les personnages 3D signés
Pixar/Disney rayonnent bien au-delà des salles de cinéma.
Mais voila ! Pixar, fort des succès critiques et commerciaux de ses œuvres, se sent pousser des ailes et en veut plus que son accord originel. Il exige de
Disney de revoir ses prétentions pour envisager la poursuite de leur association. La
Walt Disney Company, sure du poids de sa seule signature, refuse catégoriquement. Le studio à la lampe de bureau se lance alors sur le marché à la recherche d’un nouvel allié.
Disney tombe de haut et découvre douloureusement son retard criant dans la
maîtrise de la technologie 3D. Qu'à cela ne tienne : il met les bouchées doubles et entend recouvrer sa suprématie dans l’animation. Après des tâtonnements plus ou moins heureux, seul sur le marché de la vidéo ou en association au cinéma avec d'autres petits studios (Vanguard par exemple),
Disney produit en interne son tout premier long-métrage 3D. Chicken Little, sans être à la hauteur d'un
Pixar, fait, pour un coup d'essai, de bons résultats critiques et commerciaux. Le studio de Mickey se persuade ainsi que ses prochains purs
Disney en 3D sont susceptibles de palier à sa désunion d'avec Pixar.
Pendant ce temps, le studio à la lampe de bureau ne trouve toujours personne à qui s’adosser et commence à trouver le temps long. Il court en fait le risque de se « Dreamworkiser » en voyant ses personnages difficilement exister en dehors de ses films.
Disney, lui, en grande forme financière, rachète à tout va et snobe son ancien allié. Kermit devient ainsi le cousin de Mickey. Tandis que
Dreamworks, mal en point, est sur le point d'être avalé par Viacom,
Pixar, lui, prend conscience que sans Disney, point de salut.
Concomitamment, à la faveur d’un changement de PDG, la Walt Disney Company
mûrit elle sa réflexion : plutôt que de partir de zéro pour sa division 3D, pourquoi ne pas avaler le joyau
Pixar ? Les deux anciens associés s’accordent finalement. Et Pixar,
désormais intégré à l’empire Disney, prend naturellement la
responsabilité de la division animation du studio du papa de Mickey.
Au-delà des enjeux financiers que représente ce rapprochement, le grand gagnant de l’opération reste avant tout le spectateur qui profitera, encore longtemps, de véritables chefs d’œuvre d’animation.