Music By John Williams
Titre original : Music By John Williams Production : Lucasfilm Ltd. Amblin Documentaries Imagine Documentaries Nedland Films Date de mise en ligne USA : Le 23 octobre 2024 (AFI Fest) Le 1er novembre 2024 (Disney+) Genre : Documentaire |
Réalisation : Laurent Bouzereau Musique : John Williams Durée : 106 minutes |
Le synopsis
Les bandes originales inoubliables de John Williams ont marqué une série de grands films pendant plusieurs décennies. L'histoire de ce composteur de génie est commentée ici par des cinéastes, des musiciens et des artistes qu'il a inspirés, permettant de rentrer dans les coulisses de la création de certaines des plus belles musiques du cinéma... |
La critique
Music By John Williams est un documentaire Disney+ Original qui propose une belle rétrospective et un hommage appuyé à l'un des plus grands compositeurs de musique de cinéma.
Music By John Williams est produit par Lucasfilm Ltd., Amblin Documentaries, la filiale dédiée aux documentaires de Steven Spielberg, et Imagine Documentaries, la filiale dédiée aux documentaires de Ron Howard. Le film a en outre droit à une avant-première au American Film Institute Festival le 23 octobre 2024 avant d'arriver directement sur Disney+ le 1er novembre de la même année. La réalisation est confiée, quant à elle, au français Laurent Bouzereau. Ce dernier est un spécialiste des documentaires sur l'histoire du cinéma hollywoodien. Il a commencé à travailler avec Steven Spielberg en 1995 lors de la sortie en LaserDisc de 1941. Depuis, il s'est chargé d'une bonne partie de documentaires et de making-of de la filmographie de ce grand cinéaste. Il est ainsi devenu au fil des années un spécialiste de ce genre d'exercice, travaillant sur les secrets de tournage de quelques classiques cinématographiques de grands réalisateurs comme George Lucas, James Cameron, Martin Scorsese ou Robert Zemeckis.
Music By John Williams est construit comme un documentaire mais il est en réalité bien plus un film hommage sur la carrière d'un grand génie qu'une introspection approfondie sur la travail et la vie personnelle du compositeur. De nombreux réalisateurs et producteurs avec qui il a travaillé, mais aussi des collègues compositeurs ou des musiciens, donnent ainsi leurs anecdotes sur son apport au cinéma ou sur la personnalité de l'homme. Parmi eux, il est notamment possible d'entendre Steven Spielberg, Ron Howard, George Lucas, J. J. Abrams, Chris Columbus, Kathleen Kennedy ou Alan Silvestri mais aussi Chris Martin, le chanteur de Coldplay. Malgré les nombreux témoignages, les passionnés qui connaissent l'œuvre et le parcours du compositeur seront forcément déçus par le manque de profondeur du film. Ce constat fait, il s'agit tout de même du premier long-métrage consacré à John Williams où l'homme de 92 ans a bien voulu être filmé et entrouvrir sa boite à souvenirs. Pour le néophyte, en revanche, le documentaire permet de découvrir brièvement l'homme derrière l'artiste tout comme de réentendre certains des thèmes les plus connus des classiques hollywoodiens. Le film offre dès lors un voyage symphonique dans plus de soixante ans de carrière de l'un des plus grands compositeurs du cinéma américain. Pour le spectateur, c'est également une plongée dans ses propres souvenirs quand il se rappelle ce qu'il a lui-même ressenti en entendant pour la première fois les notes de thèmes aussi emblématiques que ceux de Star Wars, Indiana Jones, Jurassic Park ou Harry Potter.
Music By John Williams commence d'abord par présenter le passé, plutôt méconnu du grand public, du maestro. Il aborde brièvement sa naissance le 8 février 1932 à New York d'un père, Johnny Williams, percussionniste professionnel pour la radio et d'une mère, Esther Towner, ancienne danseuse. Il a une sœur aînée, Joan, et deux frères plus jeunes, Jerry et Don. Très vite, le père fait apprendre à ses enfants le piano. John Williams découvre également d'autres instruments dont le trombone. À l'âge de quinze ans, sa famille déménage à Los Angeles, si bien qu'il fréquente la North Hollywood High School. Il commence alors à s'intéresser au cinéma tout comme aux partitions de bandes originales que son père ramenait de son travail aux studios. Le jeune adolescent se met alors à composer des morceaux pour piano mais également à orchestrer, apprenant tout sur le tas. Il s'engage ensuite durant trois années à l'US Air Force et stationne à la Pepperrell Air Force Base au Canada. Il y écrit en 1952 sa toute première composition pour le film promotionnel de propagande You Are Welcome.
Music By John Williams aborde également des pans de la carrière du compositeur passés dans l'ombre. Il montre que, très jeune, l'homme est passionné par le jazz. Il sort en effet à la fin des années 1950 et au début des années 1960 un certain nombre d'albums à son nom : The John Towner Touch, World on a String ou Rhythm in Motion. Ces derniers sont principalement des reprises de jazz par son orchestre mais il est possible d'y trouver aussi quelques compositions personnelles. Cette influence jazzy se retrouvera bien des années plus tard dans certains morceaux de ses nombreuses bandes originales. En parallèle de sa carrière de jazzman, il se fait aussi engager en tant que pianiste pour les orchestres des studios de cinéma à Hollywood. Il travaille notamment pour Columbia Pictures, 20th Century Fox ou Paramount Pictures. De fil en aiguille, des collègues lui demandent d'orchestrer ici ou là un enregistrement puis de composer tel ou tel morceau. Le jeune musicien se rend alors compte que ce travail lui plaît davantage que le simple fait d'être pianiste. En plus, le poste de compositeur est plus rémunérateur, chose non négligeable désormais qu'il est père de trois enfants. John Williams se concentre alors intégralement à l'écriture musicale pour la télévision et le cinéma. L'une de ses premières compositions les plus marquantes est ainsi assurément la musique de la série 20th Century Fox Television, Perdus dans l’Espace.
Si le documentaire est très formel, voire professionnel, dans la façon dont il dépeint la carrière du compositeur, il arrive néanmoins par petites touches à effleurer l'intime de l'homme qui se cache derrière et qui semble être d'une gentillesse absolue et d'une discrétion totale. John Williams se marie ainsi en 1956 avec Barbara Ruick, une danseuse et chanteuse connue pour avoir joué dans la comédie musicale Carousel. Ils ont ensemble trois enfants : Jennifer, Mark et Joseph. Ce dernier est lui aussi célèbre pour être le chanteur du groupe Toto. Seule la fille du compositeur lui rendra hommage dans le documentaire ; les deux garçons étant juste cités. Le long-métrage permet cependant de présenter Ethan Gruska, le fils de la fille de John Williams, et donc son petit-fils ; lui aussi musicien et producteur. Il est d'ailleurs étonnant de l'entendre parler de façon si détachée du travail de son grand-père, saluant son génie mais dénonçant sans le dire les sacrifices qu'il a dû faire pour son art et son travail. Il semble sous-entendre une absence de son papy lorsqu'il était enfant. Pourtant, la plus grande tragédie qu'ait connu John Williams est clairement la mort soudaine de sa femme en 1974 d'une rupture d’anévrisme à l'âge de 41 ans. Ce drame va l'affecter profondément même s'il finira pas se remarier en 1980 avec Samantha Winslow, qu'il remercie tendrement à la fin du long-métrage pour leurs cinquante ans de vie commune.
Alors qu'il gagne son premier Oscar en 1972 pour le film musical Un Violon sur le Toit, le décès de sa femme va étrangement le libérer artistiquement. Il sera en effet, à partir de là, quasiment nommé tous les ans aux Oscars et en gagnera quatre autres durant sa longue carrière. Music By John Williams revient alors assez spécifiquement sur la création de deux compositions magistrales, Les Dents de la Mer et Star Wars : Un Nouvel Espoir, ainsi que sur sa rencontre avec deux cinéastes, Steven Spielberg et George Lucas, qui vont avoir une grande influence sur sa carrière. La saga de Luke Skywalker va, il est vrai, faire connaître le compositeur au-delà du cercle fermé des cinéphiles ; les thèmes des films de George Lucas ayant subjugué et bouleversé des millions de spectateurs à travers le monde. Comme le montre parfaitement le documentaire, le génie de John Williams est d'avoir créé pour Star Wars des leitmotivs musicaux pour chacun des personnages qui se répètent durant le long-métrage mais aussi de films en films. Au fur et à mesure de ses compositions pour la saga créée par George Lucas, il a ainsi continué à utiliser le même procédé, comme le démontre le magnifique morceau Rey's Theme pour Star Wars : Le Réveil de la Force.
Music By John Williams va ensuite balayer plus ou moins vite la carrière du maestro sur les décennies suivantes, s'arrêtant juste sur certaines de ses compositions les plus emblématiques comme Rencontres du Troisième Type , Superman, la saga Indiana Jones, E.T. l'Extra-Terrestre, Né un 4 Juillet, Maman, J'ai Raté l'Avion !, Jurassic Park, La Liste de Schindler, Il Faut Sauver le Soldat Ryan ou la saga Harry Potter. Entendre toutes ces musiques iconiques dans un seul film est certain de ravir les cinéphiles mélomanes qui se délectent depuis des années des compositions de John Williams. Quelques regrets se font néanmoins sentir. Certains films sont étrangement absents, notamment la prélogie et surtout Star Wars : La Menace Fantôme qui possède certains des morceaux qui s'éloignent le plus de ce qu'il a fait pour la saga, notamment avec des chœurs comme le titre Duel of the Fates. Il est également dommage que les années 2010 et 2020 soient finalement peu abordées mis à part quelques films comme Lincoln et The Fabelmans, et encore très brièvement. Surtout, sa méthode de travail et ses inspirations sont juste survolées, le réalisateur du documentaire restant à la surface de son sujet. Il faut dire que le format choisi - un film de 100 minutes - ne permet pas d'aller en profondeur sur une carrière aussi riche que celle de John Williams.
Néanmoins, Music By John Williams parle tout de même de l'autre pan de la carrière du maestro ; celle qui va au-delà de la composition. Le succès de Star Wars lui a en effet ouvert des portes et lui a permis de devenir enfin un vrai chef d'orchestre. Il a notamment élu résidence au Boston Pops Orchestra de 1980 à 1993. Mais l'exercice n'a pas été simple les premières années où il a dû étrangement se faire un nom dans le métier. Non pas parce que John Williams manquait de qualité mais plutôt à cause des aprioris négatifs que les musiciens d'orchestres classiques avaient vis-à-vis des compositeurs hollywoodiens. Le nouveau chef d'orchestre a ainsi eu du mal à asseoir son autorité, à tel point qu'il a dû démissionner en 1984 suite à un manque de respect flagrant de certains membres de l'orchestre. Après des excuses de la direction et des musiciens, le maestro reprend finalement son poste. Le documentaire aborde enfin de nombreux autres points comme les concerts organisés en son honneur ou autour de son œuvre. Il termine sa rétrospective par la décision de renommer le 18 janvier 2024 un immeuble du lot du Sony Pictures Studios à Culver City en John Williams Music Building. Ce dernier comprend notamment le Barbra Streisand Scoring Stage, considéré comme le plus grand studios d'enregistrement de cinéma au monde, qui a vu passer de grands compositeurs dont un certain... John Williams !
Music By John Williams est un bel hommage à un compositeur de génie qui permet de revisiter musicalement certaines de ses plus belles créations mais aussi d'en apprendre un peu plus sur l'homme. Dommage cependant que le documentaire ne fasse qu'effleurer son sujet. Le spectateur aimerait se plonger bien plus dans la carrière si riche du maestro.