Trevor
La Comédie Musicale
Titre original : Trevor : The Musical Production : RadicalMedia Date de mise en ligne USA : Le 24 juin 2022 (Disney+) Distribution : Disney+ Genre : Comédie musicale |
Réalisation : Robin Mishkin Abrams Marc Bruni Musique : Julianne Wick Davis Durée : 113 minutes |
Le synopsis
Trevor, un adolescent de 13 ans, n'est pas comme les autres. Il préfère danser sur Diana Ross plutôt que se dépenser durant les cours de sport. Mais sa différence se heurte de plus en plus aux regards des autres et il va devoir accepter qui il est vraiment... |
La critique
Trevor : La Comédie Musicale est la captation d'un musical créé en 2017, lui-même adapté d'un court-métrage oscarisé sorti en 1994. Il offre un spectacle coloré, plein de paillettes, mais aussi émouvant et touchant quand l'intolérance générale mène à une tentative de suicide.
En janvier 1994, le court-métrage Trevor est diffusé lors du Festival de Sundance. Il est alors réalisé par Peggy Rajski et produit par Randy Stone sur un scénario original de Celeste Lecesne tandis que le rôle de Trevor est tenu par Brett Barsky. Il raconte ainsi l'histoire d'un jeune adolescent qui, en cette année 1981 dans la banlieue américaine, cherche à naviguer dans les eaux troubles du collège alors qu'il ne rêve que d'une vie dans le show business. Lorsqu'un incident embarrassant à l'école lui attire soudainement la vindicte populaire, Trevor doit trouver le courage de tracer sa propre voie. Le court-métrage concourt aux Oscars de 1995 et gagne le prix du Meilleur Court-Métrage, ex aequo avec Franz Kafka's It's a Wonderful Life de Peter Capaldi et Ruth Kenley-Letts ; une première dans l'histoire de cette récompense à voir deux courts-métrages couronnés la même année.
En 1998, la réalisatrice Peggy Rajski se joint avec ses collègues cinéastes Randy Stone et Celeste Lecesne pour fonder The Trevor Project, une ligne d'assistance téléphonique de prévention des crises d'angoisse et du suicide 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour les jeunes lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres ou en questionnement. De nombreuses années plus tard, le court-métrage est adapté en musical avec un livret et des paroles de Dan Collins, une musique de Julianne Wick Davis, des chorégraphies de Josh Prince et une mise en scène de Marc Bruni. Sa première a lieu au Writers Theatre à Glencoe dans l'Illinois, à côté de Chicago, le 9 août 2017. Il est ensuite monté à New York, en Off-Broadway, au Stage 42 le 10 novembre 2021. À chaque fois, les critiques sont globalement enthousiastes, saluant notamment la performance des acteurs interprétant le rôle-titre. Une version filmée du musical est ensuite captée le 12 janvier 2022 par la société RadicalMedia et réalisée par Robin Mishkin Abrams. Disney en achète bien vite les droits de diffusion exclusive et le propose sur sa plateforme Disney+ le 24 juin 2022.
Trevor : La Comédie Musicale est au final un projet assez bancal. Partir d'un court-métrage oscarisé étant à l'origine de la ligne téléphonique d'aide aux jeunes LGBT+ afin d'en faire un musical pour Broadway était en effet plutôt osé. Surtout que les chansons originales du musical n'atteignent jamais le niveau des plus grandes productions des New York, étant la plupart passables dans leur mélodie même si elles arrivent à se rendre entraînantes. La comparaison est d'ailleurs flagrante avec les différentes reprises de Diana Ross ponctuant le spectacle et souvent bien plus applaudies par le public dans la salle que celles réellement inédites. Néanmoins, il sera apprécié quelques titres comme On With the Show où Trevor présente sa vie ; One, Two lorsqu'il monte le spectacle de Pinky et de ses coéquipiers ; Everything Is Weird où son entourage s’interroge sur son comportement jugé bizarre ; Daydream Sequence / Upside Down quand il a une montée d'hormones et découvre qu'il est attiré par Pinky ; Can't Wait où Pinky, ses amis et lui se retrouvent dans un lieu de flirts ; ou encore My Imagination lorsqu'il accepte réellement qui il est. Si les mélodies sont décevantes, les chorégraphies sont en revanche toutes réussies, proposant des numéros musicaux aussi rythmés que joyeux sans fatalement réinventer la poudre mais avec une efficacité évidente.
Côté récit, le librettiste a dû étirer en près de deux heures une histoire qui tenait en vingt minutes. Il enlève peut-être un peu de l'originalité du court-métrage mais arrive parfaitement à retranscrire les pensées des personnages, principalement secondaires, en les densifiant comme jamais. Ainsi, si les musiques ne sont pas mémorables, les dialogues sont eux bien plus efficaces, aussi bien dans les moments émouvants que dans les petites piques bien senties présentes de-ci de-là. D'ailleurs, le spectacle est peut-être plus fort et plus poignant dans ses passages parlés plutôt que lors de ses sessions chantées (mises à part les reprises de Diana Ross qui donnent du baume au cœur). Ce qui est intéressant ici est peut-être les faces sombres que chacun des protagonistes montre vis-à-vis de Trevor, certains même sans le vouloir. En réalité, seule Frannie est compatissante et compréhensive avec le jeune garçon. Tous les autres, y compris ses meilleurs amis, Walter et Cathy, se montrent, à un moment ou à un autre, cruels avec lui. Les adultes ne sont d'ailleurs pas en reste. Ses parents, ne comprenant pas ce qui arrive à leur fils, ne trouvent pas de meilleur moyen de l'aider que de lui faire rencontrer un prête pour lui prouver qu'il était sur le mauvais chemin ; le pire étant qu'ils ne sont pas très croyants, prouvant encore plus leur maladresse. Les professeurs ne sont pas plus doués, ayant décidé d'ignorer la différence de Trevor, voire de la brider, n'intervenant même pas quand il se fait harceler par ses camarades. Trevor, quant à lui, tente de rester accroché à ses rêves et passions, les spectacles musicaux et sa fan-attitude envers la chanteuse Diana Ross. Mais quand il se retrouve dans un tourbillon de haine, il ne voit que le suicide comme porte de sortie, ayant l'impression de se trouver complètement piégé. Le passage où il arrache les posters de sa chambre et essaye de s'envoyer des décharges électriques pour tenter de devenir « normal » est ainsi incroyablement déchirant. C'est finalement un jeune homme gay plus âgé qui va lui permettre de voir qu'il existe un futur où il pourra être lui-même. Il lui donne ainsi le courage de passer le jour suivant et d'aller de l'avant. Le scénario peut sembler cliché ou caricatural mais pour un gay ayant vécu sa jeunesse dans les années 80 / 90, le parcours de Trevor semble plus ou moins familier, du moins dans la difficile étape de l'acception de soi et de l'affrontement redoutable du regard impitoyable des autres. Pour la génération d'aujourd'hui, le musical sera en revanche peut-être un brin naïf et téléphoné, bien qu'il rappelle pourtant des notions essentielles qui ne doivent jamais être négligées.
Trevor : La Comédie Musicale brille en revanche par son casting d'une fraîcheur incroyable. Holden Hagelberger qui tient le rôle principal est ainsi époustouflant. Il arrive à danser, à chanter même si sa voix est parfois un peu hésitante, et surtout à amener une émotion puissante à son personnage. Il est la véritable révélation du spectacle. Un cran au-dessus du reste des jeunes acteurs, certes, mais ces derniers ne déméritent pas. Sammy Dell est ainsi un Pinky parfait, même si l'acteur a un peu de mal avec les chants. Le personnage passe du joueur de basket-ball populaire mais pas mauvais bougre à l'instrument de harcèlement étant à l'origine d'une pensée à la cruauté sans nom. Il faut dire que chaque élève à un côté plus ou moins sombre : les pestes du collège, féminines comme Mary (Echo Picone) ou masculines à l'image de Jason (Diego Lucano) bien sûr, mais également ceux qui se prétendent les meilleurs amis de Trevor comme Walter (Aryan Simhadri) ou Cathy (Alyssa Emily Marvin). La seule à avoir un peu de compassion est finalement Frannie interprétée par une Isabel A. Medina rayonnante. Côté adulte, Yasmeen Sulieman joue une Diana Ross pétillante à souhait tandis que Sally Wilfert et Jarrod Zimmerman interprètent respectivement les rôles féminins et masculins des adultes aveugles, que ce soient les parents, les professeurs ou le prêtre.
Trevor : La Comédie Musicale est un musical enthousiasmant porté par une histoire émouvante, des répliques savoureuses, des numéros musicaux réussis, des performeurs convaincants et une mise en scène efficace… Finalement, seules les mélodies des chansons originales pêchent tant elles ne sont jamais mémorables.