Percy Jackson
Le Voleur de Foudre
Titre original : Percy Jackson : The Lightning Thief Éditeur : Albin Michel (Collection Wiz) Date de publication France : Le 26 décembre 2005 Collection : Percy Jackson |
Auteur(s) : Rick Riordan Autre(s) Date(s) de Publication : Miramax Books (US) : Le 28 juin 2005 Nombre de pages : 472 |
Le synopsis
La critique
Si Percy Jackson n’a jamais demandé à être un demi-dieu, Rick Riordan, lui, ne s’était jamais destiné à l’écriture. Pour s’amuser, il a en effet écrit quelques nouvelles de science-fiction dans son enfance, mais aucune n’a jamais été publiée - il a même reçu sa toute première lettre de refus du Isaac Asimov Science Fiction Magazine en 1978, à 14 ans. Ainsi, après avoir grandi à San Antonio dans l'État du Texas, cet Américain s’est d’abord lancé dans des études de musique à la North Texas State University dans l’espoir de devenir guitariste ; à cette époque, il chante d'ailleurs en parallèle dans un groupe de folk rock et cesse d’écrire de manière régulière. Il se réoriente ensuite vers des études de lettres et d’histoire à l'University of Texas, située à Austin dans le même État, et y obtient un diplôme d’enseignant.
Avec sa jeune femme, Becky, qu’il fréquente depuis le lycée et épouse en 1985, ils s’installent à San Francisco en Californie, où Rick Riordan commence à enseigner l’Anglais et les sciences sociales au lycée. S’il adore son métier et ses élèves, la nostalgie de son État natal, le Texas, le pousse à se remettre à l’écriture : c’est ainsi qu’il écrit son premier roman, Big Red Tequila, un polar porté par le personnage de Jackson "Tres" Navarre, un détective privé Texan dur à cuire mais très doué. Son manuscrit dûment achevé en juin 1994 et relu par un professeur d’écriture vivant dans la baie de San Francisco, Riordan se met en quête d’un agent et essuie plusieurs refus avant d’être représenté par Nancy Gallt. Trois ans plus tard en juin 1997, Big Red Tequila est enfin publié aux éditions Bantam et obtient un joli succès critique et deux prix littéraires, un Anthony Award pour le meilleur livre de poche original et un Shamus Award pour le meilleur premier roman avec un détective privé. Le tome devient alors le premier d’une série de romans à suspense avec le personnage principal de Tres Navarre.
Mais comment Rick Riordan est-il passé d’un héros Texan et bourru résolvant des crimes, au personnage du jeune Percy Jackson, qui apprend à 12 ans que son père est le Dieu grec de la Mer Poséidon ?
Tout commence lorsque le fils aîné de Rick et Becky, Haley, est diagnostiqué dyslexique avec un trouble déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Alors âgé de neuf ans, le petit garçon déteste profondément l’école au point de se cacher sous la table en pleurant pour ne pas y aller. Il refuse également de lire, l'apprentissage lui étant très difficile en raison de sa dyslexie. Cependant il est fasciné par la mythologie grecque qu’il étudie en 2nd grade (l’équivalent en France du CE1 à l’école primaire), et son père lui raconte ses mythes préférés le soir au moment du coucher. Mais bien que regorgeant d’histoires, la mythologie grecque n’est pas infinie, et quand Rick se retrouve à court de mythes, son fils lui suggère d’en inventer un…
Ainsi naquit le personnage de Percy Jackson : un garçon de douze ans avec de grosses difficultés scolaires, qui ne parvient pas à avoir de bonnes notes et se fait régulièrement renvoyer du collège. Comme Haley, Percy est dyslexique avec un TDAH : mais ces troubles, loin d’être des faiblesses (ou de faire de lui un « loser » selon ses propres termes), révèlent en fait la nature exceptionnelle de Percy - et son statut de héros car s’il est dyslexique, c’est parce que son cerveau est programmé pour lire le grec ancien, et s’il est hyperactif, c’est parce qu’il est un demi-dieu programmé pour le champ de bataille !
En l’espace de trois jours, Rick Riordan raconte ainsi à son fils l’histoire de Percy, un sang-mêlé qui doit traverser les États-Unis pour retrouver l'Éclair de Zeus. Haley lui dit alors qu’il devrait transformer cette histoire en un roman, et en moins d’un an, malgré son emploi du temps chargé, Riordan achève ce nouveau manuscrit qu’il confie à son agent pour relecture. En parallèle, il parle de son livre à ses élèves de 6e, 5e et 4e et le leur fait lire. C’est notamment grâce à leurs retours qu’il put affiner la personnalité de Percy, trouver comment fonctionne son stylo-épée (appelé Anaklusmos dans le roman) et surtout choisir le titre : The Lightning Thief (Le Voleur de Foudre en VF). Son livre s’intitulait en effet à l’origine The Son of the Sea God (soit Le Fils du Dieu de la Mer en français) mais les élèves de Rick Riordan ont rejeté ce titre, arguant qu’il divulgâchait l’identité du père de Percy.
Sous pseudonyme, afin de ne pas bénéficier de traitement de faveur de par sa notoriété liée aux Tres Navarre, Rick Riordan envoie le manuscrit à de nombreuses maisons d’édition. Beaucoup refusent ; mais en 2004, Miramax Books achète les droits de Percy Jackson à un prix tel que Riordan décide de démissionner de son métier d’enseignant pour se consacrer pleinement à l’écriture de ses romans. Le Voleur de Foudre est finalement publié en juin 2005 et commence par cette émouvante dédicace : « À Haley, qui a été le premier à entendre cette histoire ».
Dans ce qui deviendra le premier tome d’une série de cinq romans, le narrateur se présente dès les premières lignes comme Persée "Percy" Jackson, sang-mêlé malgré lui, un statut dangereux qui le met en danger de mort à chaque instant de sa vie. Il revient ensuite sur les événements qui ont conduit à sa situation et c’est ainsi que l’intrigue, racontée à la première personne du singulier pour une meilleure immersion, commence alors sans plus tarder. Cette introduction interpelle les lecteurs et lectrices en seulement une page, et donne à la fois le ton sur le style du héros et sur les aventures hors du commun qu’il va vivre ; enfin et surtout, elle crée une proximité rapide avec Percy, jeune garçon de 12 ans un peu loser, dyslexique, hyperactif et mauvais à l’école, mais sympathique et qui fait de son mieux. Ses relations avec son meilleur ami, Grover, sa mère Sally ou encore son professeur de latin M. Brunner permettent d'appréhender ce héros plein de défauts et de pleinement l'apprécier par l'authenticité de ses rapports avec ceux qu'il aime. Percy n’a d'ailleurs rien d’un héros traditionnel, tout en assurance et en muscles : c’est un adolescent complexé, qui n’a jamais connu son père et a des difficultés à s’intégrer, au collège mais aussi chez lui, comme le témoignent ses rapports tendus avec son beau-père, qu’il surnomme "Gaby-Pue-Grave".
La vie de Percy prend un tournant dès le premier chapitre lors de sa sortie scolaire au musée des Beaux-Arts de New York, département des antiquités grecques et romaines. Le rythme du (Le) Voleur de Foudre est en effet soutenu et installe l’ambiance en seulement quelques pages : le tonnerre qui gronde de manière surnaturelle, les statues des dieux grecs que M. Brunner commente, et l’attaque de Mme Dodds, la professeur de maths qui se change en Furie sous les yeux ébahis de Percy. Le livre introduit très rapidement le cadre de la mythologie grecque, mais avec fluidité et pédagogie puisqu’il se fait à travers le regard de Percy, qui comme les lecteurs et lectrices, doit apprendre à décrypter cet univers.
Son séjour à la Colonie des Sangs-Mêlés se révèle, en ce sens, central : il permet ainsi un rappel des douze dieux grecs et tout autant la distinction des Trois Grands, à savoir Zeus, Poséidon et Hadès. Percy y fait également la rencontre d’autres sangs-mêlés comme lui, en particulier Annabeth, fille de la déesse de la sagesse Athéna, Clarisse, fille d’Arès, dieu de la guerre, et Luke, fils de Hermès. Il y côtoie aussi son premier dieu, Dionysos alias Monsieur D., directeur de la Colonie depuis qu’il a été puni par son père Zeus. Il découvre également la véritable identité de son meilleur ami Grover, satyre envoyé pour le protéger, mais aussi de son professeur de latin M. Brunner qui s’avère être le centaure Chiron, l’entraîneur des héros. Le récit prend alors une portée plus initiatique pour Percy qui va d’abord devoir découvrir quel dieu est son père, puis partir dans une quête pour sauver sa mère et le monde.
Les grands mythes sont ainsi repris et modernisés par Rick Riordan : la perte d’un être cher - en l'occurrence Sally, la mère de Percy - et le vol d’un objet précieux sont, il est vrai, des thèmes récurrents dans la mythologie grecque que l’auteur exploite parfaitement. À travers une histoire moderne et un héros auquel il est facile de s’identifier et de s’attacher, Riordan initie les jeunes lecteurs et lectrices aux histoires de l’Antiquité, en fondant notamment Le Voleur de Foudre sur la prophétie que l’Oracle de Delphes délivre à Percy :
Tu iras à l'ouest et tu rencontreras le dieu qui s'est retourné,
Tu trouveras ce qui fut volé et le verra restitué sans dommage,
Tu seras trahi par quelqu'un qui se dit ton ami,
Mais à la fin, tu n'arriveras pas à sauver ce qui compte le plus.
La pédagogie de l’auteur transparaît dans les personnages et les anecdotes, plus ou moins développées, dont il parsème le récit et qui enrichissent la culture mythologique de son lectorat : les grands monstres comme Méduse, Echidna, Procruste sont ainsi présentés de manière à la fois amusante et terrifiante, puisque Méduse, par exemple, tient un magasin de statues au bord de l’autoroute, tandis que Procruste vend des matelas à eau ; les dieux grecs que Percy rencontre ont également un aspect modernisé, comme Dionysos en chemise hawaïenne, ou Arès en motard vêtu de cuir. Rick Riordan intègre avec habileté la mythologie grecque dans le décor des États-Unis, en plaçant notamment le Mont Olympe au six-centième étage de l’Empire State Building à New York et les Enfers tout à l’opposé du pays, à Los Angeles. Le récit étant construit comme un road-trip, c’est également l’occasion de passer par le Monument Jefferson à Saint-Louis, ou encore Las Vegas dans le Nevada, ce qui donne une dimension plus immersive et ancrée dans la réalité à l’histoire fantastique de Riordan.
Cette ambiance n’est pas sans rappeler celle de la saga britannique Harry Potter écrite par J. K. Rowling et, en effet, les deux séries jeunesse ont souvent été comparées par la similarité de leurs thèmes : un héros qui ne s’intègre pas à cause de sa différence, un monde magique bien ancré dans le monde réel, un trio de jeunes héros que rien ne va séparer... Rick Riordan lui-même fait dans ce premier tome un clin d’œil au petit sorcier à lunettes à la fin du livre, lorsque Percy entre dans le hall de l’Empire State Building et voit que le portier lit un roman avec un sorcier sur la couverture.
À l’instar de Harry toujours soutenu par ses amis Ron et Hermione, Percy est accompagné dans sa quête par Grover et Annabeth. Grover est un satyre, mi-homme mi-bouc, disciple de Dionysos. Maladroit, gourmand, parfois peureux, c’est un fidèle allié de Percy, mais qui va lui aussi être amené à avoir sa propre quête : retrouver le grand dieu de la nature Pan, qui a disparu depuis 2000 ans. Grover apporte notamment au Voleur de Foudre une dimension écologique, en montrant l’absence de Pan comme une réaction aux actions destructrices des humains sur la nature. De fait, plusieurs fois au cours du livre, quand les héros traversent des forêts ou explorent des étendues d’eau, la pollution est souvent dénoncée, de même que la maltraitance animale lorsqu’ils se retrouvent dans un camion de trafiquants avec un zèbre, une antilope et un lion en piteux état. Annabeth, quant à elle, est une jeune fille brillante et déterminée, qui vit à la Colonie des Sang-Mêlés depuis ses sept ans et rêve de participer à une quête. À l'image d'Hermione, elle adore lire, mais elle est aussi passionnée d’architecture et excellente stratège, comme sa mère Athéna. Sa connaissance du monde des dieux grecs et ses plans remarquables d’ingéniosité aident plusieurs fois Percy et Grover. Son histoire personnelle et notamment familiale est bien développée et lui donne une dimension bien plus profonde qu’un simple faire-valoir, car Annabeth apporte aussi ses propres souffrances et traumatismes au récit, favorisant l’empathie des lecteurs et lectrices à son égard. La relation entre Percy, Annabeth et Grover est alors bien équilibrée et très naturelle, ce qui rend ce trio particulièrement attachant.
Le Voleur de Foudre est aussi caractérisé par son humour et ce, dès les titres des chapitres : de la même manière que dans L'Odyssée d'Homère, ils permettent un aperçu de l'événement principal du chapitre mais d'une manière moins dramatique voire parodique, « Je pulvérise ma prof de maths sans le faire exprès », « Trois vieilles dames tricotent les chaussettes de la mort » ou encore « Ma mère m'enseigne l'art de la tauromachie ». Les personnages principaux étant des enfants de 12 ans, leur manière de parler et leurs réactions ne sont pas non plus dénuées d'humour : quand Percy doit rencontrer le mythique Oracle de Delphes, la créature l’effraie tant qu'il hésite à prétendre « Non merci, je cherche juste les toilettes » - une réplique qui ne manquera pas de faire sourire. Ou encore, quand il voit pour la première fois Cerbère, le chien tricéphale qui garde l’entrée des Enfers, sa première pensée est qu’il s’agit d’un rottweiler, et non pas d’un dogue allemand comme il se l’était imaginé. Les interactions du trio avec les créatures et personnages mythologiques sont très finement écrites avec un parfait mélange d’humour, d’aventure et d’authenticité, ce qui confère ce ton si unique à la saga Percy Jackson et permet aussi à de nombreuses reprises de transformer ce qui aurait pu être perçu comme une leçon d’histoire antique en épopée profonde, documentée et attractive à la fois.
L’émotion, enfin, n’est pas en reste tout au long du roman. La disparition tragique de Sally, la mère de Percy, suite à son combat avec le terrible Minotaure, monstre mi-homme, mi-taureau, apporte un coup terrible au jeune héros et constitue l’événement qui va le forcer à se battre pour la première fois et va plus tard le motiver dans sa quête. La dimension profondément familiale de la querelle qui oppose les dieux grecs n’est pas sans rappeler les tragédies classiques comme celles écrites par Racine et les luttes intestines que se livrent ses personnages - Percy s’adresse d’ailleurs à Hadès en l’appelant "Oncle", et Arès appelle Percy son "cousin", le côté familial de leurs différends en étant renforcé. De plus, la plupart des personnages des Sang-mêlés éprouvent une profonde rancœur envers leur parent divin : Percy, par exemple, n’est reconnu par Poséidon que lorsqu'il a besoin de lui pour accomplir une quête, et les sentiments ambigus qu’éprouve le jeune héros pour son père pourraient le pousser vers un destin plus sombre ; Annabeth, quant à elle, s’est sentie rejetée par son père mortel à cause de sa nature de sang-mêlée, et a grandi loin de son foyer d’origine. Ces enfants ont, pour la plupart, été blessés dans leur sphère familiale, pourtant si essentielle pour s’épanouir.
En somme, Le Voleur de Foudre est un objet littéraire unique, mêlant aventure, mythologie, amitié, émotion et humour, tout en s’adressant à un public jeune avec pédagogie et intelligence. Il garde un rythme soutenu tout au long des presque cinq cents pages qui composent le récit tout en parsemant sans relâche l’histoire d’anecdotes fines et bien intégrées sur l’Antiquité grecque. Le suspense sur lequel ce premier opus se termine laisse augurer que Rick Riordan avait bel et bien en tête plus qu’un seul roman, et en refermant le livre, il ne fait aucun doute que les lecteurs et lectrices n’auront qu’une hâte : se précipiter sur la suite des aventures de Percy Jackson et de ses amis. Bien qu’il soit sorti en 2005, Le Voleur de Foudre reste un classique de la littérature jeunesse : en France, en juin 2020, soit quinze ans après sa sortie, le format poche continue de s’écouler à cinq cents exemplaires par semaine !
En 2010, Le Voleur de Foudre a également fait l’objet d’une première adaptation au cinéma sous l’égide de Chris Columbus, qui avait notamment réalisé les deux premiers films Harry Potter - la boucle est bouclée ! Les 20th Century Studios avaient, en effet, acquis les droits d’adaptation cinématographique du roman dès juin 2004 ; malheureusement, Rick Riordan a rapidement été écarté du scénario, écrit par Craig Titley, malgré ses multiples avertissements au studio sur les (trop) nombreux changements et les libertés prises par rapport au texte d’origine, qui risquaient de rebuter les lecteurs et lectrices de la saga. Et il avait raison, car Percy Jackson : Le Voleur de Foudre a reçu un accueil mitigé, tant de la critique que du public. Mais les fans de la saga ne doivent pas désespérer d’obtenir, enfin, une adaptation à la hauteur de ce roman exceptionnel : le 14 mai 2020, Rick et Becky Riordan ont en effet annoncé sur les réseaux sociaux qu’une adaptation en série de Percy Jackson était en cours de développement pour la plateforme Disney+. La saison 1 sera ainsi tirée du Voleur de Foudre, et cette fois, l’auteur est bien décidé à être impliqué dans tous les aspects du développement de la série.
Pour conclure sur ce premier tome de la saga Percy Jackson, le mot de la fin revient, comme de juste, à Haley Riordan, qui a déclaré au cours d’une interview : « Percy a changé ma vie. On lit énormément de romans et il n’y en a jamais avec des héros dyslexiques ou souffrant d’hyperactivité avec un trouble de l’attention - il s’agit toujours de personnages parfaits qui font des choses parfaites dans un monde parfait. Percy est quant à lui plein de défauts, et il doit combattre ses faiblesses tout autant qu’il doit combattre des monstres. »