L'Âge d'Or de Mickey Mouse - Tome 12
1956 - 1957 : Histoires Courtes
Éditeur : Glénat Date de publication France : Le 18 mars 2015 Genre : Daily Strips |
Auteur(s) : Floyd Gottfredson Nombre de pages : 112 |
Le sommaire
Le monde de Mickey : • Un aller-retour pour l'aventure Les histoires : |
La critique
La collection L'Âge d'Or de Mickey Mouse se termine sur ce douzième et dernier volume. Et il constitue une déception à plus d'un titre...
D'abord, comme expliqué dans le tome précédent, Floyd Gottfredson abandonne les histoires à suivre pour ne proposer, à la demande de son éditeur King Features Syndicate, uniquement des gags auto-conclusifs. Alors, certes, beaucoup sont amusants mais ils n'arrivent clairement pas à la cheville des histoires longues que l'artiste a bâties pendant 25 ans. Les nouvelles planches sont infiniment moins riches et font surtout perdre toutes possibilités d'aventures. Mickey est devenu un banlieusard et les plus grandes péripéties qui lui arrivent désormais sont d'accueillir un cousin ou un neveu éloigné, voire un cambrioleur, ou se débarrasser d'un vendeur de porte-à-porte. L'auteur va ainsi raconter peu ou prou toujours la même chose pendant près de vingt ans, tous les jours jusqu'à sa retraite en 1975. Son travail devient laborieux et besogneux : il n'a manifestement pas dû être foncièrement palpitant, plus encore quand il est mis en perspective avec la richesse des œuvres précédentes.
Néanmoins, voir réunies deux années complètes de strips est tout de même intéressant car elles sont parfaitement ancrées dans leurs époques. Si le lecteur d'aujourd'hui peut en effet légitiment se lamenter de ne plus avoir accès à des bandes à suivre sur le thème de l'aventure, il faut reconnaitre qu'elles constituaient alors un mode d'expression daté pour les journaux américains de l'époque. Il y ont eu recours pendant l'entre-deux guerre et le conflit 39-45 parce que les lecteurs des années 30 et 40 avaient besoin de leur dose quotidienne de dépaysement liant aventure, optimisme et dépassement de soi ; et ce, en réaction à la Grande Dépression qui faisait rage puis au conflit mondial. Avec l'arrivée de l'après-guerre et des Trente Glorieuses, ce besoin se fait moins ressentir. La Guerre Froide en rajoute paradoxalement au phénomène en faisant douter sur l'avenir. Il vaut mieux ainsi rester entre voisins ! Mickey se fait donc citadin avec des problèmes typiques de consommateurs lambda, chantre de la société américaine de classe moyenne : il n'a notamment plus aucun problème d'argent !
Parmi tous les personnages qui apparaissent occasionnellement dans les publications de 1956 et 1957, se remarque Génius qui fait sa première apparition dans un strip de Floyd Gottfredson, le 6 avril 1956. Le dessinateur l'utilisera douze fois au total avec sa dernière participation datant du 18 décembre de la même année. Génius (Ellsworth Bheezer en anglais) a été créé par Bill Walsh et Manuel Gonzales et nait dans un strip hebdomadaire du dimanche, le 30 octobre 1949. Oiseau savant, mainate, sorte de passereaux, il est, à l'origine, l'animal de compagnie de Dingo. Mais par la suite, il évolue pour devenir anthropomorphe comme son maître d'alors et se transforme en colocataire. Dans les strips de Gottfredson, Génius a un rôle à mi-chemin entre ces deux statuts. Il possède ainsi des habits et une apparence anthropomorphe mais agit encore comme un animal de compagnie. Dingo vient justement demander à Mickey de le surveiller pendant quelques temps. Détail navrant de la version française : si le personnage dans l'introduction du volume est bien nommé sous son vrai nom de Génius, dans les strips eux-mêmes il est rebaptisé Corpus !
La collection L'Âge d'Or de Mickey
Mouse arrivant a son terme, il est temps de faire un bilan de cette
édition de Glénat et il n'est pas brillant...
Tout d'abord, contrairement aux déclarations de son PDG,
Jacques Glénat, les premières histoires de Floyd Gottfredson n'ont
finalement pas été incluses à la fin de la collection. L'édition Glénat
se base ainsi sur une édition italienne en la remaniant profondément dans son
format et son contenu. L'édition transalpine comptait en effet 38 volumes : les
tomes 1 à 16 reprenaient les histoires longues de 1936 à 1955 ; les tomes 16 à
30, les strips auto-conclusifs de 1955 à 1976 ; les tomes 31 à 37, les premières
histoires longues du dessinateur de 1930 à 1936 tandis que le dernier tome, le
numéro 38, se consacrait à des histoires de l'auteur non basées sur Mickey mais
sur d'autres personnages Disney comme Clamp de La Belle et le Clochard
ou les chiens des (Les) 101 Dalmatiens.
Glénat compile donc tous les récits de 1936 à 1955. D'ailleurs, après
coups, il apparait évident que l'éditeur grenoblois avait clairement décidé de
s'arrêter à 1955, et ce, notamment dans la façon dont sa collection est
présentée à la presse lors de sa création. Si un volume français correspond en
effet à environ 1.4 volume italien, Glénat a manifestement mal calculé
son coup pour arriver aux douze tomes prévus à l'origine et retomber lors du
douzième aux histoires de 1955. Résultat des courses, la collection s'arrête en
réalité au strip du 31 décembre 1957 avec un douzième tome légèrement moins
épais (il compte 16 pages de moins que le reste de la collection) rempli de
gags. Quitte à remanier la collection italienne, il aurait mieux fallu monter
une édition en 15 volumes en proposant toutes les histoires longues, y compris
celles de 1930 à 1936 sans oublier de commencer par le début ! Cela dit, il est
tout a fait compréhensible que Glénat ait laissé de côté la période gags
qui est clairement en dessous du reste dans ce qu'elle est excessivement
répétitive.
L'autre différence avec l'édition italienne est liée au format « à l'italienne » c'est-à-dire avec trois strips par planches rendant les livres plus épais mais moins volumineux, tout en permettant aux dessins d'être plus gros. Mais voilà, Glénat n'aime pas ce format : il a donc opté pour un format franco-belge, assez gros pour que les strips restent faciles à lire en compilant une semaine de strips sur une page, soit six au total. L'édition Glénat a ainsi un bel écrin mais sa taille de 37 cm de haut et de 29 de large fait qu'il est difficile à intégrer dans une bibliothèque et, pire encore, à manipuler. Cette situation explique qu'à la différence des intégrales de Carl Barks et de Don Rosa, celle de Floyd Gottfredson n'a pas été un immense succès en librairie. Déjà, Mickey est un héros de bandes dessinées moins populaires en France que Donald : alors, si en plus le format retenu pour ses aventures n'est pas optimal, les lecteurs potentiels le désertent. Pire encore, les collectionneurs, censés la plébisciter, ont reproché à l'édition la colorisation des strips originellement noir-et-blanc. Et il est vrai que la manœuvre pénalise beaucoup les premiers volumes dans lesquels les traits noirs du dessinateur étaient vraiment prononcés et servaient de remplissage aux décors. La couleur gêne ainsi la lisibilité sans magnifier les dessins. Et que dire des nombreuses fautes d'orthographe, de traduction ou de frappes sans compter les erreurs de présentation, si ce n'est qu'elles plombent littéralement l'édition !
Glénat semble avoir néanmoins avoir entendu les critiques puisqu'il réfléchit à traduire les éditions américaines de Fantagraphics sur l'auteur en proposant cette fois-ci les strips en format italien et en commençant à partir de 1930. Aucune date n'est toutefois annoncée sur ce qui reste pour l'instant une simple hypothèse de travail...
Au final, le douzième tome de L'Âge d'Or de Mickey Mouse est une double déception : dans son contenu et dans sa symbolique de conclusion d'une édition somme toute faillible. Reste alors le plaisir immense d'avoir sous une même collection, en français, la grande majorité des meilleures histoires de Floyd Gottfredson. Et ça, c'est déjà un beau cadeau !