La Grande Épopée de Picsou - Tome 2
1988 - 2006 : La Jeunesse de Picsou 2/2
Éditeur : Glénat Date de publication France : Le 03 juillet 2013 Genre : Comics |
Auteur(s) : Don Rosa Nombre de pages : 288 |
Le sommaire
Le monde de Picsou : • Note de l'auteur • La passion d'une vie en 12 tableaux • Le coffre aux souvenirs... • Les couvertures de Marco Rota • Les bustes de Marco Rota • Les couvertures particulières • Où sont cachés les D.U.C.K. ? Les histoires : • Canards, Cents et Destinés ! (1995) • Le Cow-boy Capitaine du Cutty Sark (1998) • Le Protecteur de Pizen Bluff (1996) • La Prisonnière de la Vallée de l'Agonie Blanche (2006) • Les Deux Coeurs du Yukon (1995) • Dernier Traîneau pour Dawson (1988) • Le Petit Malin de la Percée de Culebra (2001) • Le Rêve de Toute une Vie (2002) |
La critique
Ce deuxième volume de l'intégrale Don Rosa contient les derniers épisodes de La Jeunesse de Picsou, bouclant ainsi l'œuvre monumentale de l'auteur construite autour du passé du plus riche des canards ; s'y retrouvent aussi des épisodes hors-série et réalisés pour la plupart après les douze épisodes de la série mère.
Don Rosa le précisait déjà dans son introduction du
premier volume : pour lui, sa série de
La Jeunesse de Picsou se limite
aux douze chapitres du premier volume. Et uniquement ! Les histoires présentées
dans ce second tome ne font donc pas partie officiellement de la série. Ce sont
juste les éditeurs qui ont voulu les rattacher à l'œuvre principale afin de rendre
les récits plus populaires. Ces "épisodes-bis" sont d'ailleurs construits
différemment de ceux du premier tome. Ici, Picsou replonge dans ses souvenirs
chaque fois que ses neveux se trouvent près de son coffre où il entrepose ses
objets du passé. Il n'empêche ! Avec ces eux, Don Rosa en profite pour
parler d'évènements qu'il avait passé sous silence dans la série mère ou pour
revisiter sous un nouvel angle certains épisodes de la même saga. Ainsi, alors
que les histoires du premier tome se déroule d'une seule traite, les unes après
les autres, celles du deuxième tome sont proposées de façon indépendante et dans
divers magazines, avec une réalisation s'étendant de 1988 à 2006 dont deux
dessinées avant même la série mère. Autre fait marquant : aucune de ces
histoires ne reprend des indices laissés par Carl Barks dans ses propres récits.
Canards, Cents et Destinés !,considéré
comme le chapitre 0 de La Jeunesse de
Picsou, commence donc en 1991 avant que l'éditeur de Don Rosa ne lui
demande de travailler sur le passé du canard. Ne pouvant pas
constituer le premier volet de la nouvelle série (pour une raison pratique puisqu'il
mélange des éléments du présent avec ceux du passé), il faudra attendre quatre ans pour que l'auteur finisse les douze chapitres
prémiums et revienne
enfin sur cette histoire.
Ce qui frappe le plus dans ce volume, c'est prendre conscience que le
personnage
réellement mis en valeur en son sein n'est pas Picsou, mais bien son unique
amour, Goldie.
Goldie O'Gilt est ainsi liée au passé de prospecteur de Balthazar Picsou, au
temps de la ruée vers l'or au Klondike. Carl Barks ne l'utilisera ainsi que dans
une seule histoire Retour au Klondike
parue Uncle Scrooge No2 en mars
1953.
Goldie est donc une chanteuse de cabaret, propriétaire du Blackjack Saloon
de Dawson City (territoire canadien du Yukon), à l'époque de la ruée vers l'or
du Klondike. Alors que Picsou, sous le charme, lui montre la pépite qu'il a
trouvée, elle place des somnifères dans son café et l'en dépossède une fois
endormi. A peine réveillé, le canard revient immédiatement au saloon et se bat
avec tous les clients pour récupérer son bien. Il kidnappe au cours de son
raid, Goldie, et lui montre, pendant un mois, dans la vallée de l'Agonie Blanche
à quel point le travail des chercheurs d'or est difficile. Après la fin de la
ruée vers l'or, cette derniere s'installe sans autorisation dans la cabane de Picsou où
elle continue pendant plusieurs décennies à exploiter difficilement la
concession. Si Carl Barks s'est contenté d'effleurer les sentiments de Picsou
pour elle, Don Rosa les approfondit clairement en faisant apparaitre le
personnage de Goldie sept fois, dont quatre rien que dans ce volume. Trois histoires (La Prisonnière de la Vallée
de l'Agonie Blanche, Dernier Traîneau
pour Dawson et Les Deux Coeurs
du Yukon) tournent ainsi uniquement autour des évènements du Klondike et se
concentrent sur le personnage de Goldie. Don Rosa va même plus loin dans la
relation entre les deux canards : le lecteur ressent alors ce mélange, chez les
deux, entre la crainte, l'admiration, l'amour, l'attirance mais aussi la haine.
Il n'y a d'ailleurs rien d'étonnant à ce que la dernière histoire que dessinera
Don Rosa avant de prendre sa retraite soit une histoire de Goldie,
La Prisonnière de la Vallée de l'Agonie
Blanche. Assurément, l'histoire la plus romantique de Picsou, la plus
adulte et la plus "sexuelle", toute proportion gardée bien-sur...
Don Rosa a toujours voulu ancrer La
Jeunesse de Picsou dans la réalité à la différence de Carl Barks qui
créait un monde totalement imaginaire. Pour cela, il remplit ses récits de
références historiques et de personnages réels, en s'attachant à toujours
respecter leurs
caractéristiques propres, mis à part, bien sûr, leur apparence physique (il leur
rajoute le
plus souvent un nez de chien !). Trois récits permettent plus particulièrement de
voir comment Don Rosa distille ses ajouts.
Dans Le Cow-boy Capitaine du Cutty Sark,
l'auteur souhaite que Picsou se retrouve près de Java lors de la fameuse
éruption sous-marine de 1883. Il permet donc au canard de monter à bord du Cutty
Stark, un navire à voiles britannique qui servait au commerce du thé de Chine et
de la laine néo-zélandaise avec le Royaume-Uni, tout en s'assurant qu'il soit
historiquement plausible que le bateau puisse se trouver près de Java lors de la
catastrophe volcanique...
Dans Le Protecteur de Pizen Bluff,
le lecteur retrouve pas moins que Buffalo Bill, Annie Oakley, les Dalton,
Phineas Taylor Barnum (un entrepreneur de spectacles américain) et Geronimo ! Là
encore, l'auteur relève le défi de la crédibilité historique afin qu'aucun de
ces personnages réels ne dispose d'éléments qui les empêcheraient d'être en
Arizona, à ce moment-là, en 1890...
Enfin dans Le Petit Malin de la Percée
de Culebra, ce sont un lieu et un personnage qui servent de déclencheurs à
Don Rosa. Theodore Roosevelt visite, en effet, la construction du canal de Panama
en 1906. Il a donc suffi pour l'auteur qu'il y rencontre Picsou !
Dans cette histoire, deux autres personnages, de fiction cette fois, ont un rôle
étoffé. Il s'agit des sœurs du canard milliardaire : Hortense, la mère de
Donald, et Matilda. Cette dernière mérite attention : Don Rosa ne l'a, il est
vrai,
jamais dessinée, ni indiquée dans son fameux arbre généalogique : il a pourtant
précisé à son sujet lors d'une interview que la seule possibilité que Ludwig Von
Drake soit l'oncle de Donald fut qu'il ait épousé Matilda ! Dommage donc qu'il
n'ai jamais établi officiellement, dans son œuvre, cet état de fait...
La dernière histoire du volume, Le Rêve de Toute une Vie, est la plus insolite de toutes. Ici, ce n'est pas un seul élément du passé de Picsou qui est visité mais plusieurs. Les Rapetou y volent, en effet, une invention de Géo Trouvetou, en s'introduisant dans les rêves de Picsou. Donald est donc chargé de les poursuivre et de sauver son oncle qui risque à tout moment de révéler aux voleurs la combinaison de son coffre. Ce ne sont pas moins de sept lieux et époques différentes que les voleurs et Donald vont alors visiter. Et, contre toute attente, dans ses rêves, Picsou ne pense pas qu'à son argent ? Non... C'est son amour perdue, Goldie, qui le hante ! Seuls ses rêves lui permettent, il est vrai, de corriger les erreurs de son passé. Il peut enfin dire à Goldie ce qu'il ressent. Sauf que le lecteur, lui, ne le saura jamais car il sort du rêve juste avant... Dernière chose à propos de cette histoire : le pitch ressemble étrangement à Inception ! Pour autant Don Rosa, lui-même, ne croit pas au plagiat puisque, d'après lui, Christoper Nolan travaillait déjà sur son film avant qu'il ne dessine son histoire pour Picsou. C'est donc une simple coïncidence si les idées des deux médias se rejoignent...
Certes plus décousue, avec des styles et des méthodes de narration qui manifestement évoluent au fil des parutions, La Grande Épopée de Picsou - Tome 2 est pourtant tout aussi bon, voir plus, que l'œuvre magistrale. Le lecteur y retrouve ainsi un Don Rosa dans son art le plus représentatif : pas moins que le quasi début et la fin de sa carrière de dessinateur de Picsou sont présents dans ce volume ! Quand, en plus, le tout est complété de ses propres commentaires et de couvertures originales, le fan ne peut qu'être d'accord avec l'auteur lui-même qui réaffirme, qu'il s'agit là, et à ses yeux, de la meilleure édition de son œuvre, par ailleurs fondamentale dans le neuvième art !