Mary et la Fleur de la Sorcière
Titre original : Meari to Majo No Hana Production : The Walt Disney Company Japan Studio Ponoc Date de sortie Japon : Le 8 juillet 2017 Genre : Animation 2D |
Réalisation : Hiromasa Yonebayashi Musique : Takatsugu Muramatsu Durée : 102 minutes |
Disponibilité(s) en France : |
Le synopsis
Mary vient d’emménager chez sa grand-tante dans le village de Manoir Rouge juste avant la rentrée des classes. S'ennuyant loin de ses amis, elle s'aventure dans la forêt voisine et y découvre une fleur mystérieuse qui ne fleurit qu'une fois tous les sept ans et porte le nom singulier de "fleur de la sorcière". Et le miracle se produit... Pour une nuit seulement, elle confère à Mary des pouvoirs magiques qui lui ouvrent les porte d'Endor, l’école la plus renommée dans le monde de la magie, installée à l'abri des regards, au dessus du ciel, au-delà des nuages... |
La critique
Mary et la Fleur de la Sorcière est un film un peu à part dans la filmographie Disney. Il s'agit, en effet, d'un film japonais, produit et réalisé par le Studio Ponoc, créé par une majorité d'ancien artistes du Studio Ghilbi quand le mythique studio avait pris la décision de stopper son activité de production de longs-métrages. Pour financer sa réalisation, la jeune entité a donc fait appel à un comité de production auprès de nombreuses sociétés audiovisuelles dont Walt Disney Japon. La filiale nipponne de The Walt Disney Company agit ainsi ici comme pour son aînée puisqu'elle s'était s'engager à investir dans presque tous les projets de films Ghibli à hauteur de 10% du budget total, et ce, à compter de Mes Voisins les Yamada. De plus, comme les films du studio de Totoro, c'est Walt Disney Studios Home Entertainment qui se charge de la sortie en vidéo au Japon du film du Studio Ponoc.
Suite à l'échec de leurs deux derniers films, Le Conte de la Princesse Kaguya et Souvenirs de Marnie, le Studio Ghibli annonce au milieu de l'année 2014 qu'il fait une pause dans la réalisation de longs-métrages. Néanmoins, son activité ne s'arrête par totalement puisque il co-produit le film d'animation français La Tortue Rouge et annonce que Hayao Miyazaki qui s'était pourtant déclaré en retraite sortira un nouvel opus en 2019. En attendant, la majorité des animateurs ont quitté le navire et nombreux vont se retrouver dans une toute nouvelle structure créée à la suite de la décision du Studio Ghibli. Le 15 avril 2015, le Studio Ponoc est, en effet, fondé par Yoshiaki Nishimura, ancien producteur des deux derniers films Ghibli. Ses locaux sont basés à Musashino à Tokyo et attirent vite plusieurs animateurs faisant anciennement partie du studio de Hayao Miyazaki. Le nom retenu pour le désigner, "Ponoc", signifie en croate "début d'un nouveau jour" soit "minuit" tandis que l'allusion se retrouve dans le design de son logo représentant l'aiguille d'horloge se retrouvant dans le premier "O".
Si le Studio Ponoc se charge dans un premier temps de réalisation de publicités, Yoshiaki Nishimura propose bien vite à Hiromasa Yonebayashi de le rejoindre afin de réaliser le premier long-métrage du nouveau label. Né le 10 juillet 1973 dans la ville de Nonoichi dans la préfecture d'Ishikawa, l'artiste effectue des études de design à l'Université d'Art de Kanazawa. Il intègre le Studio Ghibli en 1996 en tant qu'intervalliste sur Princesse Mononoké et reste à ce poste sur Mes Voisins les Yamada. Il devient ensuite animateur sur Le Voyage de Chihiro en 2001 puis animateur-clé dans Le Château Ambulant en 2004 avant de décrocher son premier poste à responsabilité sur Les Contes de Terremer, sorti en 2006, où il est alors codirecteur d'animation. Il reprend par la suite son rôle d'animateur-clé dans Ponyo sur la Falaise (2008), La Colline aux Coquelicots (2011) et Le Vent se Lève (2013). Mais son véritable défi se passe lors de la production d'Arrietty - Le Petit Monde des Chapardeurs où il devient réalisateur, aidé par Hayao Miyazaki au scénario. Souvenirs de Marnie, son deuxième film, constitue celui sur lequel il assume le plus de responsabilités puisqu'aucun des créateurs du studio, Hayao Miyazaki et Isao Takahata, ne sont intervenus dessus. En plus de la réalisation, il est en effet aussi à l'origine du scénario. Pour Mary et la Fleur de la Sorcière, il reprend les mêmes responsabilités.
Mary et la Fleur de la Sorcière se base donc sur le roman, The Little Broomstick, non traduit en France et signé de l'auteur britannique Mary Stewart. Née Rainbow, le 12 septembre 1916 à Sunderland, dans le comté de Durham, elle fait des études supérieures à l'Université de Durham puis devient maîtresse de conférences d'anglais et de littérature avant d'épouser Sir Frederick Stewart en 1945. Elle amorce ensuite sa carrière littéraire au milieu des années 1950 atteignant la célébrité pendant la décennie suivante avec ses livres alliant intrigues amoureuses et fantastique, ou encore romance et intrigue policière. L'un d'eux, Les Fileuses de Lune (1962) est adapté au cinéma par les studios Disney sous le titre La Baie aux Émeraudes en 1964. Dans les années 1970, elle se lance dans un cycle de romans reprenant le personnage de Merlin, assurément ses œuvres les plus connues, dont trois des cinq ouvrages ont été traduits en France.
Mary et la Fleur de la Sorcière dispose d'une introduction qui plonge le spectateur directement dans le bain. Le film débute, il est vrai, par une évasion dans un endroit empli de magie et de créatures étranges. Le décors est planté pour laisser ensuite le long-métrage prendre son temps, à la japonaise. Le premier tiers du récit sert ainsi à introduire ses personnages que sont Mary bien sûr mais aussi Peter, les chats Tib et Gib, la tante Charlotte ou le jardinier Zébédée. Mais surtout, le film s'attache à certains petits détails qui dévoilent à merveille ce que ressent la petite fille. Arrivée à la campagne, dans une maison tenue par des personnes âgées, où il n'y a rien à faire pour une jeune fille de son âge - et où même la télévision est en panne ! -, elle doit apprendre à s'occuper et à passer le temps. Pleine d'énergie, elle est aussi très maladroite exaspérant le peu de gens qu'elle rencontre. Elle va donc prendre le temps de découvrir les coins qui l'entourent en s'aventurant dans la forêt. Le spectateur retrouve ainsi une habitude du réalisateur de dépendre quelques moments simples de la vie de tous les jours, surtout quand ce lieu se trouve dans des endroits calmes, selon une démarche narrative déjà très présente dans ses opus précédents.
À partir du moment où Mary trouve la fleur, le film change alors de registre et part dans le fantastique. Et là où le réalisateur signe une belle réussite, c'est qu'il arrive à émerveiller le spectateur en même temps que la jeune fille monte sur son balai et découvre des lieux plus extraordinaires les uns que les autres. La visite d'Endor, grand lieu d'apprentissage de la magie, s'avère être un mélange entre l'imaginaire du Studio Ghibli et celui d'Harry Potter. Les décors sont tout simplement superbes et le spectateur se perd dans un riche bestiaire et des lieux imaginatifs. Mais surtout, Hiromasa Yonebayashi apporte le zeste de suspense qu'il faut en sous-entendant que cette école magique dissimule un lourd secret. Au fur et à mesure de la visite, l'émerveillement laisse donc la place à l'inquiétude. Il ouvre ainsi la dernière partie de son long-métrage à l'action qui prend avec intelligence le pas sur la contemplation et la rêverie. L'aventure suivie alterne alors entre séquences somptueuses et voltiges époustouflantes.
Mary et la Fleur de la Sorcière, en tant que premier film du Studio Ponoc, est à l'évidence un film qui ne s'affranchit pas du style Ghibli. Hommage ou manque d'originalité, le public décidera. Il est vrai que certains thèmes ou visuels ressemblent beaucoup aux oeuvres cinématographiques de Hayao Miyazaki. Le design des personnages est ainsi très proches de celui du Studio Ghibli mais aussi de celui des deux précédents opus du réalisateur. La thématique de la découverte de nature du début peut en outre rappeler celui de Mon Voisin Tororo, celui de la jeune sorcière sur son balai Kiki, La Petite Sorcière ; la fleur au pouvoir magique ressemblant elle un peu à la faune et la flore dans Princesse Mononoké tandis que les créatures étranges lorgnent du côté de celles du (Le) Voyage de Chihiro. Tout ceci donne, certes, un petit air de déjà-vu mais n'empêche en rien le charme et l'enchantement d'agir.
Mary et la Fleur de la Sorcière propose, par ailleurs, une jolie galerie de personnages attachants.
En premier lieu, Mary la jeune fille est touchante et espiègle à souhait. Avec ses cheveux roux incoiffables, elle est pétillante et pleine de vie. Elle a d'ailleurs bien du mal à se rendre utile se sachant particulièrement maladroite. Son aventure va donc lui permettre de gagner en maturité tout en lui donnant l'opportunité de se faire un ami cher.
Peter est un jeune livreur dans la ville d'adoption de Mary, Manoir Rouge. D'abord moqueur vis à vis de Mary, il va changer d'avis sur la jeune fille la trouvant aussi courageuse que déterminée.
Mary fait aussi la rencontre de deux chats, Tib et Gib, qui vont devenir aussi bien ses compagnons que ses guides vers cet endroit plein de mystères qu'est l'école d'Endor. Dans ce haut lieu de la magie, Mary fait ainsi la connaissance de Madame Mumblechook, la directrice de l'école, et du Docteur Dee, le professeur adepte de métamorphomagie. Ces deux personnages aussi hauts en couleurs qu'extravagants frisent, avec leur ambition si particulière, tour à tour le génie et la folie.
Enfin, deux autres personnages ressortent aussi du lot : la tante Charlotte aussi douce que prévenante et Flanagan, un renard parlant gardien des balais d'Endor.
Mary et la Fleur de la Sorcière est techniquement superbe et n'a pas grand chose à envier aux films du Studio Ghibli. L'animation est, en effet, excellente avec des scènes d'action virevoltantes, notamment celle où Mary vole sur son balai pour la première fois. L'opus propose aussi quelques séquences d'une poésie incroyable que ce soit la belle mise en perspective de la campagne anglaise au début de l'aventure, à cette petite maison magique au bord d'un lac tout en passant par les petits instants de la vie de tous les jours. Les artistes japonais ont décidément une sensibilité remarquable pour analyser les détails du quotidien. La façon dont les animateurs dépeignent, par exemple, avec une incroyable tendresse, la jeune Mary refermer son panier de pique-nique est juste merveilleuse. Enfin, il faut saluer la musique de Takatsugu Muramatsu qui livre une partition emplie de poésie et de lyrisme.
Mary et la Fleur de la Sorcière est le premier film vraiment prometteur d'un nouveau label qui l'est tout autant. Enchanteur et charmant, empli de poésie et d'une douce naïveté, il fait passer un joli moment notamment grâce à ses personnages délicieusement attachants. Les spectateurs prennent à coups sûr plaisir à plonger dans son univers à la fois singulier et familier.