Titre original :
Endurance
Production :
National Geographic Documentary Films
History Hit
Little Dot Studios
Little Monster Films
Date de sortie USA :
Le 24 octobre 2024 (FilmColumbia Film Festival)
Le 1er novembre 2024 (Diffusion télévisée)
Genre :
Documentaire
Réalisation :
Elizabeth Chai Vasarhelyi
Jimmy Chin
Natalie Hewit
Musique :
Daniel Pemberton
Durée :
103 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Plymouth, 6 août 1914. La goélette Endurance quitte l’Angleterre en direction de l’Antarctique. Financé par Ernest Shackleton, le voyage scientifique ne tarde toutefois pas à virer à la catastrophe lorsque, pris dans les glaces de la mer de Weddell, le navire sombre, abandonnant son équipage à même la banquise du Continent Austral.
Le Cap, 4 février 2022. L’expédition Endurance22 largue les amarres depuis l’Afrique du Sud à bord du brise-glace S.A. Agulhas II. Composée de soixante-quatre membres, dont d’éminents scientifiques originaires des quatre coins de la planète, sa mission est alors de braver à son tour les eaux gelées du pôle Sud afin de retrouver l’épave d’Endurance disparue depuis plus d’un siècle.

La critique

rédigée par
Publiée le 22 mars 2025

Pouvant compter sur les progrès issus de l’Âge industriel, mais aussi sur l’engouement des récits de voyage et autres romans d’aventure, les Hommes se sont évertués au début du XXe siècle à défier la nature afin de parfaire leur connaissance du monde. Les pôles deviennent alors les points de mire d’une compétition scientifique incroyable. En 1909, l’Américain Robert Peary est ainsi le premier homme à atteindre le pôle Nord. Deux ans plus tard, c’est au tour du Norvégien Roald Amundsen de rallier le pôle Sud. Dans la même mouvance, l’explorateur britannique Ernest Shackleton se met pour sa part en tête de réaliser la première traversée à pied de l’Antarctique.

Né le 15 février 1874 à Kilkea, dans le sud-est de l’Irlande, Ernest Shackleton est destiné par son père, Henry, à une carrière de médecin. Scolarisé au Dulwich College, le jeune garçon se découvre toutefois une autre passion : la mer. Quittant l’école dès l’âge de seize ans, il s’engage comme apprenti marin sur le voilier Hoghton Tower à bord duquel il sert pendant quatre ans. Parcourant tous les océans, il apprend son métier avant de rejoindre la White Star Line puis la Welsh Shire Line. Après avoir obtenu son brevet d’officier, il est promu second capitaine en 1896, puis capitaine au long cours en 1898. Autorisé grâce à ce grade à naviguer sur l’ensemble des mers du globe, il travaille pour l’Union-Castle Line, la compagnie de transport reliant Southampton au Cap. Lorsque la Seconde Guerre des Boers éclate en 1899, il est chargé de transporter des troupes à bord du Tintagel Castle.

Se liant d’amitié avec le lieutenant Cedric Longstaff, il apprend que le père de ce dernier, Llewellyn Longstaff, prépare une expédition en direction de l’Antarctique avec le concours de Clements Markham, le président de la Royal Geographical Society. Shackleton demande sans tarder une entrevue durant laquelle il parvient à faire mouche. Le 17 février 1901, il est engagé en tant que troisième officier du RRS Discovery et se retrouve placé sous les ordres du lieutenant Robert Falcon Scott. Partie de Londres le 31 juillet 1901, l’expédition Discovery est cependant une déconvenue cruelle pour Ernest Shackleton qui, malade, est démis de ses fonctions et évacué à bord du SY Morning. Pendant des années, il nourrit alors une certaine rancune vis-à-vis de Scott et se promet de retourner un jour lui-même en Antarctique afin de dépasser les exploits de ce dernier.

De retour en Angleterre après une longue convalescence en Nouvelle-Zélande, Ernest Shackleton participe à l’organisation de diverses expéditions de sauvetage, notamment en direction de l’Antarctique où le navire Discovery est pris dans les glaces. Faute de reprendre à plein temps son métier de marin, il sert un temps comme journaliste pour le Royal Magazine avant d’être engagé en 1904 comme secrétaire de la Royal Scottish Geographical Society basée à Édimbourg. S’essayant à la politique avec une participation infructueuse aux élections générales de Dundee, Shackleton n’a qu’une idée en tête, repartir pour le pôle Sud. Le 1er janvier 1908, il embarque ainsi à bord du Nimrod, direction l’Antarctique. Parvenant jusqu’à la baie des Baleines, l’expédition va plus loin qu’aucune autre avant elle. Après avoir découvert l’emplacement approximatif du pôle Sud magnétique, Shackleton, que l’équipage surnomme « Boss », rentre au Royaume-Uni en 1909. Accueilli comme un héros, il est nommé Commandeur de l’Ordre royal de Victoria par le roi Édouard VII qui l’anoblit bientôt en l’élevant au rang de Chevalier. En 1910, la National Geographic Society lui décerne en outre la Médaille Hubbard, sa plus haute distinction remise par le président des États-Unis de l’époque, William Howard Taft.

Admiré par les plus grands explorateurs de l’époque, en particulier par Roald Amundsen, Sir Ernest Shackleton se fixe un nouvel objectif, réaliser le premier voyage transcontinental à travers l’Antarctique. Une nouvelle expédition est mise sur pied à bord de la goélette Endurance que l’explorateur vient de racheter pour la modique somme de 11 600 livres sterling, un prix bien en-deçà de son coût de construction. Dessiné par Ole Aanderud Larsen et assemblé en 1912 dans les chantiers de Sandefjord, en Norvège, le trois-mâts a pris la mer pour la première fois le 17 décembre 1912. Il est initialement baptisé Polaris – du nom de l’Étoile polaire – par ses premiers propriétaires, Adrien de Gerlache et Lars Christensen, qui envisagent de l’utiliser pour emmener de riches touristes chasser l’ours sur la banquise. Mesurant 43,9 mètres de long et 7,6 mètres de large, pour une capacité de 356 tonneaux, le bateau est absolument extraordinaire. Sa quille, épaisse de deux mètres, est particulièrement résistante. Sa charpente est elle aussi des plus costaudes. En plus des voiles, un moteur à vapeur lui permet de naviguer à plus de dix nœuds (environ 19 kilomètres par heure). Navire en bois parmi les plus solides de son temps, Polaris est renommé Endurance par Ernest Shackleton qui s’inspire de la devise familiale, « By Endurance we conquer » - « Par l’endurance, nous vainquons ».

Autorisé par le Premier Lord de l’Amirauté, Winston Churchill, à prendre la mer alors même que la Première Guerre mondiale commence à embraser l’Europe, l’Endurance quitte le port de Plymouth le 8 août 1914 avec à la barre le capitaine Frank Worsley. Après une escale à Buenos-Aires et en Géorgie du Sud, le navire entre dans la mer de Weddell le 5 décembre. Les conditions météorologiques se dégradent toutefois très rapidement. Le 19 janvier 1915, l’Endurance est pris dans la glace. Bloquée jusqu’au printemps, la goélette subit de très fortes pression au moment du dégel. Pendant des mois, les morceaux de glace écrasent la coque, tant et si bien que le navire est progressivement broyé. Le gouvernail et l’étambot sont arrachés. Les mats se brisent. L’eau s’engouffre de toute part. Le 21 novembre 1915, à 17h00, l’Endurance disparaît de la surface, laissant ses vingt-huit membres d’équipage et leurs chiens bloqués sur la banquise. Un campement de fortune s’établit. Chacun espère que le bloc de glace dérivera plus au nord, jusqu’à l’île Paulet, où des provisions ont été déposées.

Le 9 avril 1916, la banquise commençant à se fendre, Ernest Shackleton et ses hommes sont contraints de prendre la mer à bord des canots de sauvetage récupérés juste avant le naufrage de l’Endurance. Tous rament en direction de la terre la plus proche. Après cinq jours harassants, ils débarquent sur l’île de l’Éléphant, un rocher inhospitalier, désolé et éloigné de toutes les routes maritimes. Le 24 avril 1916, Ernest Shackleton, Frank Worsley et quatre hommes prennent le risque de braver la mort en voguant jusqu’à la Géorgie du Sud. Avec une chance inouïe, ils parviennent à destination le 8 mai. Reste à traverser l’île pour rejoindre les stations baleinières situées au nord. Après plusieurs jours de marche et de luge, Shackleton trouve des secours et organise le sauvetage de ses hommes.

De retour au pays en mai 1917, Ernest Shackleton comprend que les feux de la guerre ont dévasté le continent. Demandant instamment à rejoindre l’armée, son âge est tel qu’on lui refuse de s’enrôler. En octobre, il est malgré tout envoyé à Buenos Aires pour servir la propagande britannique en Amérique du Sud. Sans parvenir à convaincre l’Argentine et le Chili d’entrer en guerre, il rentre en Angleterre en avril 1918. Il participe à d’autres missions, notamment dans le nord de la Russie, jusqu’à l’armistice du 11 novembre. Nommé Officier de l’Ordre de l’Empire britannique, il raconte par écrit l’expédition Endurance avant d’envisager un nouveau voyage vers la mer de Beaufort, en Arctique. Il fait l’acquisition d’un baleinier, le Quest, mais peinant à trouver des fonds, change de destination. C’est vers l’Antarctique qu’il décide de repartir afin d’en faire le tour et d’identifier de nouvelles îles. Parvenu jusqu’en Géorgie du Sud, Ernest Shackleton se plaint de douleurs abdominales. Le 5 janvier 1922, il décède des suites d’une crise cardiaque. Il avait quarante-sept ans. Avec l’accord de son épouse, Emily, son corps est enterré sur place, dans le cimetière de Grytviken, sur cette île où, six ans plus tôt, il avait accompli sa marche héroïque pour secourir son équipage. Sa mort entraîne la fin de l’Âge héroïque de l’exploration en Antarctique…

L’abnégation et surtout sa capacité à rassembler ses hommes tout en maintenant leur moral a progressivement hissé Ernest Shackleton au rang de héros. Tous les survivants de l’expédition ont passé leur vie à louer son commandement, en particulier le photographe Frank Hurley qui immortalisa la tragédie avec sa caméra et son appareil photo. À partir de ses images, il réalisa le documentaire South qui remporta un beau succès en 1919. En 1959, l’écrivain et journaliste américain Alfred Lansing remet en lumière l’expédition grâce à la publication de l’ouvrage Endurance : L'Incroyable voyage de Shackleton dans lequel il éclaire les lecteurs sur la personnalité, la simplicité et le courage de Shackleton, alors même qu’à l’époque, le héros national est davantage incarné par Robert Falcon Scott dont l’image se ternit avec les années.

La fiction s’empare à son tour du personnage. David Schofield incarne Ernest Shackleton dans la mini-série en quatre épisodes Shackleton diffusée sur la BBC Two en 1983. En 2000, George Butler met en scène la tragédie de 1914 dans le documentaire The Endurance: Shackleton's Legendary Antarctic Expedition raconté par Liam Neeson. En 2002, Kenneth Branagh tient la vedette du téléfilm en deux parties Shackleton, Aventurier de l’Antarctique réalisé par Charles Sturridge pour le compte de Channel 4. La même année, un sondage effectué par la BBC classe l’explorateur à la onzième place des cent plus grands Britanniques de l’Histoire. D’autres hommages lui sont rendus au fil des décennies. Plusieurs navires portent son nom, ainsi que plusieurs localités, un cratère sur la Lune et le mont Shackleton situé… en Antarctique.

Au nom des épaves les plus illustres, au même titre que le RMS Titanic, le SS Britannic, l’USS Arizona ou bien encore le Bismark, l’Endurance a donné lieu à de nombreuses expéditions destinées à retrouver sa trace. En 2019, la Flottila Foundation, une organisation caritative néerlandaise, affrète un navire de recherche. L’exploration est dirigée par le Britannique John Shears. Titulaire d’un doctorat en géographie délivré par l’université de Southampton, il débute sa carrière en 1990. Spécialiste de l’étude des pôles, il travaille en particulier pour le British Antarctic Survey (BAS) puis l’Institut de Recherche Polaire Scott, l’une des entités de l’université de Cambridge. Ancien vice-président de la Royal Geographical Society désormais à la tête de sa propre société de consultant, Shears Polar Limited, John Shears s’est fixé comme objectif depuis 2017 de retrouver l’épave de l’Endurance. Son engagement lui vaut d’être décoré par la reine Elizabeth II qui lui remet en 2019 la Polar Medal.

L’expédition de 2019 compte également dans ses rangs l’ingénieur sous-marin français Nicolas Vincent. Cofondateur et directeur du Département opérations sous-marines de la Compagnie maritime d'expertises (COMEX) pour laquelle il travaille durant quinze ans, il participe notamment en 1989 à la découverte de l’avion de chasse d’Antoine de Saint-Exupéry disparu depuis 1944 au fond de la mer Méditerranée. Entre autres prouesses, ses collègues et lui retrouvent également la trace, en 2011, de l’épave du navire SS City of Cairo torpillé en 1942 au sud de l’île de Sainte-Hélène, dans l’Atlantique sud. Nicolas Vincent rejoint ensuite la société Subsea Resources PLC spécialisée dans les sauvetages en eaux profondes. Parvenant avec l’explorateur Victor Vescovo à identifier le 22 juin 2022 l’épave de l’USS Samuel B. Roberts coulé en 1944 dans la mer des Philippines, il travaille en parallèle comme consultant pour le Bureau d’Enquêtes et d’Analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA).

La mission lancée en 2019 implique enfin l’archéologue sous-marin Mensun Bound. Né sur les îles Malouines, il étudie aux États-Unis où il sert un temps comme assistant de recherche au Metropolitan Museum of Art de New York. En 1978, il rejoint l’Angleterre et entre à l’université d’Oxford. Dans les années 1980, il fonde la première unité de recherche archéologique sous-marine du pays. Membre du St Peter’s College, de la Royal Geographic Society, de la Royal Canadian Geographical Society et de l’Explorer’s Club, Bound est bientôt surnommé « l’Indiana Jones des profondeurs » du fait des nombreux exploits accomplis au cours de ses quarante ans de carrière, notamment l’excavation d’un navire étrusque datant d’environ 600 av. J.-C. ou bien la découverte du croiseur cuirassé allemand SMS Scharnhorst coulé en 1914, au tout début de la Première Guerre mondiale.

Forte de l’expertise de John Shears, Nicolas Vincent et Mensun Bond, l’expédition de 2019 bénéficie également des meilleurs engins sous-marins mis à sa disposition par Ocean Infinity, une entreprise américaine de robotique marine. Lancée au début de l’année, elle se solde toutefois par un fiasco retentissant. Long de 134 mètres, le navire S.A. Agulhas II a beaucoup de mal à progresser dans les eaux glacées de la mer de Weddell. Le matériel électronique placé dans le robot sous-marin téléopéré (ROV) est rapidement détruit. Pire, le drone sous-marin Hugin 6000, d’une valeur de six millions de dollars, est perdu. Incapable de retrouver la moindre trace de l’Endurance, l’expédition rentre « la queue entre les jambes », selon les mots de Mensun Bond qui voit dans cet échec la fin de presque dix ans de recherches…

N’imaginant pas une seconde pouvoir bénéficier d’une autre chance, les trois explorateurs ont l’heureuse surprise d’être recontactés en août 2020 par Donald Lamont, l’ancien gouverneur des îles Malouines, à l’époque président du Falklands Maritime Heritage Trust, une organisation britannique chargée de préserver l’histoire de l’archipel et des mers environnantes. Il leur annonce qu’il est prêt à financer une nouvelle tentative pour retrouver l’épave de l’Endurance. Une fois encore, de gros moyens sont mobilisés. Dix millions de dollars sont mis sur la table par un donateur anonyme. Le S.A. Agulhas II est de nouveau réquisitionné. Ocean Infinity fournit deux Sabertooth, des drones d’exploration sous-marine plus petits, équipés de caméras 4K, d’un réseaux d'éclairage, et reliés au navire par un câble à fibre optique.

Baptisée Endurance22, cette nouvelle expédition quitte Le Cap, en Afrique du Sud, le 4 février 2022. Soixante-quatre membres d’équipages et scientifiques du monde entier ont embarqué à bord de l’Agulhas II. Une équipe de tournage est également mobilisée. Spécialisée dans les prises de vues au sein d’environnements extrêmes, elle est dirigée par Dan Snow, de la société History Hit, qui collabore avec deux autres studios, Little Dot Studios et Consequential. National Geographic Documentary Films est également associé. Les événements sont alors filmés en temps réel par un trio de réalisateurs, Elizabeth Chai Vasarhelyi, Jimmy Chin et Natalie Hewit.

Née en 1977, Elizabeth Chai Vasarhelyi étudie sur les bancs de The Brearley School et de l’université de Princeton. Elle réalise son premier film en 2003. Titré A Normal Life, il raconte l’expérience difficile d’un homme devant choisir entre une vie de père homosexuel ou bien l’abandon de son enfant à d’autres membres de sa famille afin de lui offrir une « vie normale ». Salué par la critique, le long-métrage remporte le prix du Meilleur Documentaire au Festival du film de Tribeca. Vasarhelyi passe ensuite des semaines au Kosovo dévasté par la guerre. Ce voyage donne naissance au court-métrage Reconstructing Kosovo. Assistante de Mike Nichols sur le long-métrage Closer, Entre Adultes Consentants (2004), la réalisatrice enchaîne avec Youssou N'Dour: I Bring What I Love (2008), récompensé par de nombreux prix, Touba (2013) et Incorruptible (2015).

Elizabeth Chai Vasarhelyi poursuit ensuite sa carrière aux côtés de son mari, Jimmy Chin. Né le 12 octobre 1973 à Mankato, dans le Minnesota, ce dernier mène une carrière d’athlète remarquable. Passionné de montagne et d’escalade, il est le premier Américain à réaliser une descente en ski depuis le sommet du mont Everest. Photographe renommé, chacune de ses excursions est suivie par la publication de clichés incroyables. Désormais partenaire d’Elizabeth Chai Vasarhelyi, il se lance dans la réalisation de documentaires retraçant des exploits sportifs au cœur des sommets, à l’image de Meru (2015) et Free Solo (2018), couronné par le BAFTA et l’Oscar du Meilleur Documentaire, ainsi que par sept Emmy Awards. Le long-métrage La Grotte (2021) est lui aussi couvert de prix. En 2022, Return to Space met en avant le travail d’Elon Musk et de sa société SpaceX. Insubmersible, la première fiction biographique du couple sortie en 2023, met en scène Annette Bening et Jody Foster dans les rôles de la nageuse Diana Nyad et de son entraîneur Bonnie Stoll.

Elizabeth Chai Vasarhelyi et Jimmy Chin travaillent en collaboration avec la réalisatrice Natalie Hewit. Maintes fois récompensée pour son travail, elle se fait notamment remarquer pour son documentaire The Drug Trial: Emergency at the Hospital produit en 2017 pour la BBC. Suit Surviving Covid diffusé sur Channel 4 en 2020 et dans lequel elle filme durant deux mois l’expansion de la pandémie au cœur de Londres. Dans un autre registre, Natalie Hewit s’intéresse à l’Antarctique. Productrice du documentaire The Endurance: Shackleton's Legendary Antarctic Expedition, elle passe trois mois au cœur du pôle Sud pour filmer Antarctica: Ice Station Rescue, l’un des épisodes de la série Horizon.

Ses scientifiques et ses équipes de tournage à bord, l’Agulhas II parvient jusqu’à la mer de Weddell le 16 février 2022. Le brise-glace doit alors naviguer au cœur des eaux gelées en affrontant le risque de se retrouver piégé au milieu de la banquise. Comme l’Endurance en son temps, le navire est plusieurs fois coincé. Il faut par conséquent tout le génie de l’équipage pour débloquer le navire avec les moyens du bord. Malgré les contraintes climatiques et environnementales, les scientifiques poursuivent leurs investigations. Le temps presse car l’hiver polaire progresse et les températures baissent à toute vitesse. Après trente-cinq jours de recherche, l’Endurance reste toujours introuvable. John Shears parvient malgré tout à obtenir dix jours supplémentaires.

Le 9 mars 2022, c’est dans un bonheur extrême que l’épave est finalement retrouvée gisant à 3008 mètres de profondeur, à environ 6,5 kilomètres de l’endroit où le capitaine Frank Worsley avait initialement enregistré le naufrage. Grâce au froid et à l’absence de microbes xylophages, la goélette apparaît dans un état de conservation incroyable. La forme du bateau est encore partiellement reconnaissable. La barre est toujours en place. Des objets jonchent le pont, comme une botte, des pièces de vaisselle et un pistolet de détresse. Apposées sur la poupe, l’étoile et les lettres en laiton formant le nom d’Endurance brillent toujours de mille feux. La captation des images de l’épave est cependant rapidement interrompue. La banquise avance. L’Agulhas II doit reprendre la mer, sous peine d’être piégé. En tout point incroyable, la découverte de l’épave d’Endurance fait immédiatement les gros titres de la presse du monde entier.

Endurance est le compte rendu de ce voyage en tout point exceptionnel. Pendant près de cent minutes, le public est invité à vivre jour après jour la vie des scientifiques de l’Agulhas II, avec ses joies, souvent fausses, ses déconvenues, nombreuses, et surtout un optimisme incroyable qui, au final, conduit à l’une des trouvailles les plus extraordinaires de toute l’histoire de l’archéologie sous-marine. En miroir, l’histoire d’Ernest Shackleton et de ses hommes est elle aussi racontée, avec ses joies, souvent fausses, ses déconvenues, nombreuses, et surtout un optimisme incroyable grâce auquel tout le monde est parvenu à rentrer au pays la vie sauve.

L’intelligence d’Endurance est justement son habileté à narrer ces deux épopées en parallèle. Le public assiste aux départs joyeux des équipages de 1914 et de 2022. Il suit leurs pérégrinations au cœur de l’Atlantique puis de l’Antarctique. Il se retrouve bloqué dans la même glace et voit les deux navires subir le même risque d’être écrasés, le premier n’y pouvant rien lorsque le second parvient pour sa part à se libérer en improvisant totalement. La joie de Shackleton qui parvient jusqu'à la banquise résonne en écho avec celle de l’équipage de l’Agulhas II dont certains membres sont surpris à jouer au ballon à même la glace. La détresse des hommes de 1914 trouve son reflet dans celle des scientifiques de 2022 qui voient le temps leur filer entre les mains. La survie du « Boss » et de tous ses hommes laisse finalement exploser un bonheur semblable à celui de John Shears, Nicolas Vincent et Mensun Bond lorsque l’épave de l’Endurance apparaît sur les images radars.

Pour mettre en lumière la vie des équipes de l’Endurance et de l’Agulhas II, le documentaire offre des séquences et des images absolument spectaculaires et, par certains aspects, très poétiques. Assorties de quelques scènes filmées en studio avec des comédiens pour combler les manques, les prises de vues réalisées par Frank Hurley, le photographie de l’expédition de 1914, sont sublimes. Colorisées, elles offrent une vision incroyable de ce qu’était la navigation au début du XXe siècle, moderne pour son époque, mais totalement inadaptée pour affronter les éléments. Malgré la tragédie, les passages montrant l’Endurance en train de craquer sous la pression de glace sont à la fois beaux et choquants. Les séquences mises en boîte en 2022 révèlent elles aussi une certaine beauté avec cette immensité de glace filmée depuis le ciel. La vision de l’épave à la fin du film est la cerise sur le gâteau. Une fois encore, joliesse et poésie émanent de chaque plan.

Remarquable, Endurance est un film à voir pour quiconque souhaite en apprendre plus sur l’épopée d’Ernest Shackleton et de ses hommes. Les personnes qui n’en ont jamais entendu parler seront forcément intriguées, voire séduites, par leur destin hors-norme. Ceux qui connaissent l’histoire en auront également pour leur argent grâce aux images sublimes. Deux petits écueils – minimes – peuvent néanmoins être déplorés. Le spectateurs souhaitant admirer longuement l’épave seront déçus. Celle-ci ayant été découverte deux jours seulement avant la fin de l’expédition, les prises de vues sont en effet rares. Seules quelques secondes du documentaire permettent par conséquent de voir les restes du navire étendu au fond de la mer. Il y a néanmoins fort à parier que cette frustration sera de courte durée, dès lors que d’autres voyages seront à coup sûr organisés dans un avenir proche pour filmer en détail l’Endurance. Le deuxième reproche – technologique quant à lui – est l’usage d’une intelligence artificielle pour recréer les voix d’Ernest Shackleton et de son équipage afin de les entendre raconter « eux-mêmes » leur voyage. Bien sûr, la pirouette peut paraître essentielle afin d’humaniser le récit. Mais force est de constater que le théâtre et le cinéma comptent suffisamment de comédiens talentueux pour ne pas nécessairement avoir à recourir à l’informatique.

Endurance est projeté pour la première fois lors du 68e Festival du Film de Londres organisé du 9 au 20 octobre 2024. Le 24 octobre, il est montré lors du FilmColumbia Film Festival avant d’être diffusé à la télévision britannique et américaine le 1er novembre. En France, le documentaire n’arrive sur la plateforme Disney+ que le 19 février 2025. La critique salue alors l’expérience. « L’expédition légendaire d’Ernest Shackleton en Antarctique est quelque-chose que chacun a pu lire dans les livres d’histoire, note Owen Gleiberman de la revue Variety. Cette saga semble déconnectée de notre époque et la simple idée de la revivre telle qu’elle s’est déroulée paraissait incroyable. Bien sûr, Shackleton avait emmené avec lui un cinéaste, Frank Hurley, qui a immortalisé le voyage. Tout a été filmé. Le naufrage du Titanic a eu lieu en 1912, deux ans avant l’expédition de Shackleton. Imaginez que le destin funeste du navire ait été gravé sur la pellicule. C’est exactement ce qui s’est passé pour Shackleton et ses hommes. Les séquences sont une sorte de machine à remonter le temps. Endurance, le dernier-né de National Geographic, est très bon. Il s’agit d’un documentaire rigoureux. Les images d’époque ont été remaniées avec respect. Tout ce que nous voyons est juste pharamineux ».

« L’incroyable voyage de Shackleton est raconté de manière émouvante par les réalisateurs de Free Solo, estime le journaliste du (The) Guardian qui délivre quatre étoiles sur cinq au documentaire. Cette histoire a été racontée des dizaines de fois. Les images de Frank Hurley sont des ressources clés. Si elles n’impliquent pas les mêmes enjeux de vie ou de mort, celles de l’expédition de 2022 sont capturées de manière convaincante à travers les yeux d’un groupe sympathique d’experts mondiaux excentriques ». « Endurance est un film que les passionnés d’exploration chériront », surenchérit Tim Robey du (The) Telegraph.

Sublimé par des images absolument magnifiques et porté par un découpage haletant, Endurance raconte avec un certain brio deux expéditions passionnantes et surtout deux aventures humaines captivantes ayant pour point commun un navire de légende.

Poursuivre la visite

Le Forum et les Réseaux Sociaux

www.chroniquedisney.fr
Chronique Disney est un site de fans, non officiel, sans lien avec The Walt Disney Company, ni publicité,
utilisant des visuels appartenant à The Walt Disney Company ou des tiers par simple tolérance éditoriale, jamais commerciale.