Vol Miracle Au-Dessus de l'Hudson
Titre original : Miracle Landing on the Hudson Production : National Geographic Black Hangar Studios Raw TV Date de diffusion USA : Le 5 janvier 2014 Genre : Documentaire |
Réalisation : Simon George Musique : Jessica Dannheisser Durée : 44 minutes |
Le synopsis
New York, le 15 janvier 2009. Deux minutes seulement après son décollage, le vol US Airways 1549 à destination de Charlotte est victime d’une grave avarie. Faute de pouvoir revenir à son point de départ, le commandant Chesley « Sully » Sullenberger décide alors de faire amerrir l’Airbus A320 sur le fleuve Hudson. Passagers et membres d’équipage racontent comment ils ont vécu la tragédie de l’intérieur... |
La critique
« Miracle : Fait, résultat étonnant, extraordinaire, qui suscite l’admiration ; Hasard merveilleux, chance exceptionnelle » (Dictionnaire Larousse).
Le 15 janvier 2009, le pilote de ligne Chesley B. « Sully » Sullenberger et son second, Jeffrey Skiles, s’assoient aux commandes de l’Airbus A320 effectuant le vol US Airways 1549 à destination de Charlotte, en Caroline du Nord. Totalisant déjà plus de vingt-cinq-mille heures de vol, l’appareil emporte ce jour-là cent-cinquante passagers pris en charge par trois agents de bord, Donna Dent, Doreen Welsh et Sheila Dail. À 15h24, l’avion décolle de la piste 4 de l’aéroport LaGuardia de New York, dans le Queens. Il vole alors à 2 818 pieds (859 mètres) lorsque, un peu plus de deux minutes plus tard, il percute une compagnie de bernaches du Canada... Immédiatement, les deux moteurs prennent feu. Le bruit à l’intérieur de l’avion est assourdissant. La carlingue vibre de toutes parts... Le vacarme laisse bientôt place à un silence glacial. Les deux moteurs ne fonctionnent plus... Une forte odeur de brulé se fait sentir...
Au moment du choc, l’Airbus est à plus de sept kilomètres de son aéroport de départ... Pendant que Jeffrey Skiles vérifie la check-list en vue du redémarrage des moteurs, le commandant Sullenberger reprend le contrôle de l’avion qui poursuit sa montée. Le groupe auxiliaire de puissance est mis en marche. À présent à une altitude de plus de 3 000 pieds (930 mètres), l’appareil commence malgré tout à ralentir avant d’entamer une descente planée. Il est à 1 650 pieds (500 mètres) dans le ciel lorsque Sullenberger envoie un appel de détresse. « On a heurté des oiseaux ». Au sol, le contrôleur aérien Patrick Harten donne l’ordre à la tour de LaGuardia d’annuler immédiatement tous les départs. La piste 13 est libérée pour faire atterrir en urgence le vol 1549. « Impossible », répond Sully qui comprend que son avion n’a plus la force suffisante de revenir à son point de départ.
Les options d’atterrissage sont à présent minces. L’aéroport de Teterboro, dans le New Jersey, est en vue. Il est cependant inatteignable... Il est par ailleurs impossible de se poser sur la terre ferme. L’avion survole en effet New York avec ses nombreux immeubles. L’altitude continue de baisser à tel point que l’appareil n’est plus qu’à 900 pieds de haut (270 mètres) au moment de passer au-dessus du pont George-Washington. « Nous allons finir dans l’Hudson ». Après avoir informé la tour de contrôle, le commandant Sullenberger s’adresse aux passagers et membres d’équipage. « Ici le commandant de bord. Préparez-vous à l’impact ».
Lancé à une vitesse de 230 km/h, l’Airbus amerrit sur l’Hudson à 15h30, soit six minutes seulement après son décollage. Le choc est d’une rare violence. Tout le monde est sévèrement secoué. Débute alors une course contre la montre pour évacuer toutes les personnes à bord. L’eau commence en effet à rentrer à l’intérieur du fuselage. La marée pousse en outre l’avion vers le sud. Le toboggan d’évacuation est déployé. Les passagers commencent à sortir. Certains sont obligés de grimper sur les sièges pour accéder aux issues. Une fois à l’extérieur, ils doivent attendre, debout sur les ailes de l’appareil, que les secours arrivent. Il fait -7°C. Certaines personnes tombent dans l’eau glaciale du fleuve. D’autres tentent de nager jusqu’à la berge.
Les ferries Thomas Jefferson et Governor Thomas H. Kean se dirigent rapidement vers les lieux du sinistre. Vingt-cinq minutes après l’amerrissage, à 15h55, toutes les personnes à bord sont secourues puis prises en charge par cent-quarante pompiers de la ville de New York réunis sur les quais. Une aide médicale est également déployée sur place. L’agent de bord Doreen Welsh est gravement blessée à la jambe. Quatre autres personnes doivent comme elles aussi subir des soins. Le traumatisme est profond pour tout le monde. Mais il n’y a aucun mort... Un « miracle sur l’Hudson », selon les mots du gouverneur de l’État de New York, David Paterson !
Troisième amerrissage d’un avion de ligne sans aucun décès après celui du vol Pan Am 6 en 1956 au nord d’Hawaï et d’un vol russe sur le fleuve Neva en 1963, l’événement fait immédiatement la Une des journaux du monde entier. Repêchés, l’appareil et ses décombres sont rapidement examinés par les enquêteurs du Conseil national de la sécurité des transports épaulés par des techniciens d’Airbus et de l’Agence européenne de sécurité aérienne. L’origine de la catastrophe, à savoir l’impact avec des oiseaux, est confirmée. Des simulations sont par ailleurs réalisées pour savoir si les décisions prises par les pilotes étaient les bonnes. Il est finalement acté que le commandant Sullenberger avait fait les bons choix.
Invité cinq jours plus tard à assister à l’investiture de Barack Obama, l’ensemble de l’équipage est immédiatement porté en triomphe et décoré de la Master’s Medal. Récipiendaire, comme ses collègues, des clés de la ville de New York, Sullenberger devient un véritable héros de l’Amérique. Quelques semaines après l’accident, il reprend du service jusqu’à sa retraite, le 3 mars 2010. Devenu une figure familière pour tous les Américains, il est interprété au cinéma par Tom Hanks dans le long-métrage Sully réalisé en 2016 par Clint Eastwood d’après ses mémoires, Sully, la Formidable Histoire du Héros de l’Hudson (Highest Duty: My Search for What Really Matters, 2009).
Quelques jours seulement après l’accident, des dizaines de reportages sont d’ores et déjà mis en production par différentes chaînes nationales américaines. Parmi elles, Discovery Channel diffuse ainsi dès le 4 mars 2009 le film Hudson Plane Crash – What Really Happened conçu à partir des témoignages de certains passagers, personnels d’équipage, sauveteurs et experts en sécurité aérienne. En 2014, National Geographic propose à son tour son propre documentaire, Vol Miracle Au-Dessus de l’Hudson réalisé par Simon George.
Originaire du Royaume-Uni, Simon George débute sa carrière de réalisateur au début des années 2000. Également producteur et scénariste pour le compte de National Geographic, Discovery Channel, History, SyFy, A+E, ITV ou bien encore MTV et Channel 4, sa filmographie se compose, entre autres, des téléfilms Shaving Ryan’s Privates (2002), The Real Godfella (2006), The Madness of Boy George (2006) et des séries Rude Tube (2008), Cold Blood (2008) et Je ne Devrais pas Être en Vie (2010-2011). Réalisateur de centaines de clips musicaux et de captations de concerts, il signe également WWII From Space (2012), The Cannibal in the Jungle (2015), Révoltes Barbares (2016), Origines : l’Histoire de l’Humanité (2017) et Agatha Christie: Lucy Worsley on the Mystery Queen (2022). Plusieurs prix, dont des Emmy Awards, couronnent sa carrière.
La plupart des documentaires portant sur l’amerrissage miraculeux du vol US Airways 1549 se composent d’images filmées par les médias, les services de secours et les badauds présents sur les quais de l’Hudson. Dès lors, ce sont souvent les mêmes séquences qui tournent en boucle avec, parfois, quelques interventions de survivants, de témoins et d’experts. Lorsqu’il se lance dans la réalisation de Vol Miracle Au-Dessus de l’Hudson, Simon George décide pour sa part d’aborder la catastrophe sous un angle totalement différent. Il n’existe en effet aucune image prise de l’intérieur de l’appareil, les passagers ayant évidemment bien autre chose à faire que de sortir leur téléphone pour filmer leur évacuation ! L’accident n’est, de fait, visible et perceptible que grâce aux séquences captées depuis le ciel, le fleuve ou la rive. Il manque ainsi un point de vue important de cette histoire. Le parti pris de George consiste dès lors à offrir aux spectateurs une reconstitution minutieuse de la tragédie telle que les rescapés l’ont eux-mêmes vécue de l’intérieur.
Pour ce faire, le réalisateur commence donc par convoquer une poignée de témoins ayant assisté aux événements. Les passagers Eileen Shleffar, Barry Leonard, Vallie Collins, Pam Seagle, Chae Childers, Brad Wentzell, Jim Whittaker et le couple Tess et Martin Sosa racontent en particulier comment ils ont personnellement vécu le drame. David Shleffar témoigne pour sa part en tant que proche resté au sol. Doreen Welsh parle au nom des agents de bord. Le contrôle aérien Patrick Harten explique sa gestion de la catastrophe depuis l’une des tours de LaGuardia. L'inspecteur Michael Delaney et le docteur Hilda Roque-Dieguez offrent le point de vue des équipes de secours déployées sur place pour aider les survivants. Le co-pilote Jeff Skiles complète enfin l’histoire avec des explications sur la gestion de la tragédie depuis le cockpit.
D’aucun aurait ensuite complété chaque témoignage et chaque souvenir avec des images d’archives. Mais Simon George décide toutefois d’innover. Vues et revues dans les productions de la concurrence, les images filmées en direct par les équipes de télévision et par les services de secours sont ainsi balayées d’un revers de main. À la place, le réalisateur fait le choix d’offrir une reconstitution de la catastrophe rejouée en studio par des comédiens et des comédiennes choisis pour leur ressemblance avec les témoins.
Pour la première fois, c’est donc bien de l’intérieur que l’amerrissage du vol US Airways 1549 est montré à l’écran. Presque minute par minute, le spectateur est ainsi amené à vivre l’accident comme s’il y était. Pour renforcer cette immersion, aucune narration n’est ajoutée. Seules les voix des témoins permettent de comprendre exactement ce qu’il se passe à l’écran. Vol Miracle Au-Dessus de l’Hudson se regarde par conséquent non pas comme un simple documentaire, mais comme un véritable film d’action.
Si l’absence d’images d’archives est une option particulièrement intéressante, Vol Miracle Au-Dessus de l’Hudson n’est toutefois pas exempt de défauts. Aucune explication technique poussée n’est en particulier amenée sur les tenants et aboutissants de l’accident. Bien sûr, le spectateur aperçoit bien cette nuée d’oiseaux qui percute l’avion. Il comprend que les moteurs ne fonctionnent plus et qu’un amerrissage sur l’Hudson semble être la seule solution pour sauver autant de monde que possible. Mais certains pourront malgré tout regretter de ne pas avoir toutes les cartes en mains pour comprendre à quel point cet accident est rare et surtout absolument prodigieux. Difficile, en outre, de saisir réellement pourquoi l'amerrissage était la seule solution. La reconstitution semble d'ailleurs souffrir d'un manque de moyens financiers notable pour offrir une vision parfaitement réaliste de l'accident. Hormis quelques secondes en images de synthèses, la descente de l'avion n'est pas montrée. Surtout, le décor de l'appareil en train de flotter dans l'eau semble largement sous-dimensionné par rapport aux vraies dimensions d'un Airbus A320. Le nombre de passagers apparaît dès lors lui aussi plutôt faible. Ils sont une douzaine à être montrés debout sur l'une des ailes de l'avion contre une quarantaine dans la réalité...
Si l’idée d’une reconstitution de l’événement est intéressante, il paraît en outre dommage de ne se focaliser que sur une poignée de témoignages et non sur la tragédie dans son ensemble. Bien sûr, revivre l’accident avec les yeux de ceux qui l’ont endurée permet d’apporter une extraordinaire dose de suspense. Cela permet aussi de rendre les faits plus émouvants et stressants dès lors qu’ils sont attachés à une personne en particulier. Mais la question de la vérité historique se pose malgré tout indéniablement. Ces gens qui ont vécu l’horreur se rappellent-ils bien de tous les détails ? Les faits ne sont-ils pas exagérés ou enjolivés ? Peut-on imaginer que certains cherchent à tirer la couverture sur eux en expliquant avoir eu un rôle héroïque ? Des souvenirs sont-ils suffisants pour écrire l’Histoire avec un grand H ?
Sans nécessairement remettre en cause la parole des témoins, chacun est en droit de se demander si ce qui lui est raconté et montré est parfaitement exact ou non. Sont-ce les faits tels qu’ils se sont passés ou bien les faits tels que ces personnes les ont elles-mêmes intériorisés après coup ? Un témoignage crucial manque d’ailleurs à l’appel, celui du pilote, Sully Sullenberger, qui n’apparaît à l’écran que sous les traits du comédien John O’Mahony...
Malgré ses imperfections, Vol Miracle Au-Dessus de l’Hudson n’en reste pas moins une reconstitution intéressante de l’amerrissage du vol US Airways 1549 tel qu'il fut vécu de l’intérieur. Un complément techniquement mieux documenté sera malgré tout nécessaire pour qui souhaite en apprendre encore davantage sur cette catastrophe.